Pour l'économiste Nicolas Véron, "Il faudrait encore plus de transparence pour rassurer les marchés sur la valeur de certains actifs. Le problème, c'est que chaque Etat membre protège ses banques".
Les banques sont à nouveau parmi les premières visées par la panique des marchés. Pour l'économiste Nicolas Véron du centre de recherche Bruegel, l'Europe n'a pas suffisamment renforcé son système bancaire.
Pourquoi les banques continuent-elles de dévisser en Bourse ?
Nicolas Véron : Leur principal problème, c'est leur exposition aux Etats de la zone euro, eux-mêmes affectés par la défiance. Trois crises se confondent : celle des banques, celle des Etats dont les perspectives de croissance sont insuffisantes pour redresser leurs finances publiques, et celle des institutions européennes, incapables d'apporter les réponses nécessaires.
La crise bancaire est déjà ancienne. L'Europe n'a jamais vraiment fait le ménage depuis la chute de [la banque d'affaires américaine] Lehman Brothers, notamment en 2009 quand les conditions de marché étaient plus favorables. Elle le paie aujourd'hui.
La défiance est-elle plus grande à l'égard des établissements européens ?
Le problème n'est pas uniquement européen. Les banques américaines ont aussi pris des coups cet été. Bank of America ou Citigroup ont connu de fortes baisses de cours. Les inquiétudes sur la conjoncture mondiale et américaine pèsent. Et ces banques doivent gérer l'héritage des subprimes, qui leur font courir des risques juridiques importants. Toutefois, ce facteur de risque me semble moins important que ce qui se passe en zone euro. De ce fait, le système bancaire européen est plus fragile qu'aux Etats-Unis ou en Asie.
Comment enrayer cette spirale ?
Le fait que les valeurs bancaires baissent en Bourse ne représente pas un risque en tant que tel pour la stabilité du système. L'épisode actuel est différent de celui de 2008, où les banques ne parvenaient plus à se refinancer. Mais s'il n'y a pas d'action du côté des décideurs publics, la situation va continuer à se dégrader. Il faut remettre le système bancaire d'aplomb et agir en même temps vis-à-vis des crises souveraines et institutionnelles. Agir sur tous ces fronts peut enrayer la dynamique de crise.
Une recapitalisation des banques est-elle indispensable ?
Un certain nombre de banques en ont besoin. Il s'agit de savoir lesquelles. Il faut une transparence accrue sur l'état réel des bilans bancaires par rapport aux "stress tests" de juillet. Les banques qui n'ont pas assez de capital doivent faire appel au marché pour se renforcer. Si elles n'y parviennent pas, il faut les restructurer en injectant du capital public, en les fermant ou en les vendant à des concurrents. Dans le cas du Japon, les banques ont beaucoup trop tardé à accepter la nécessité d'un "triage" qui identifie les maillons faibles. Elles n'ont finalement pas évité ce processus, mais dans l'intervalle, le Japon a perdu une décennie de croissance.
Où sont les poches de faiblesse ?
Certaines sont connues, comme en Espagne ou en Allemagne. Mais même en France, il faudrait encore plus de transparence pour rassurer les marchés sur la valeur de certains actifs. Le problème, c'est que chaque Etat membre protège ses banques. C'est une forme de nationalisme économique. C'est pourquoi l'exercice des tests de résistance n'est pas allé assez loin, même s'il y a eu un progrès cette année par rapport à 2010, grâce entre autres à la création de l'Autorité bancaire européenne en janvier.
Y aura-t-il de nouvelles faillites bancaires ?
Il serait irresponsable de nier le risque qu'une grande institution financière européenne puisse s'effondrer. Il est aujourd'hui bien réel. Il faut donc identifier les maillons faibles et les traiter avant qu'il ne soit trop tard. Toutefois, la crise actuelle ne se réduit plus, comme en 2009, à sa seule dimension bancaire.
Que risquent les clients des banques ?
A l'exception éventuelle de quelques familles très riches, les ménages sont très bien protégés par le système de garantie des dépôts, notamment en France où les finances publiques sont encore robustes. Ils n'ont donc pas de souci immédiat à se faire. Mais la situation est différente pour les grands créanciers institutionnels, qui ne bénéficient pas des mêmes protections.
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