Les principales banques françaises s'apprêtent à affronter une semaine difficile. Trois d'entre elles sont en effet menacées d'une dégradation de leur note de crédit par Moody's : BNP Paribas, la Société générale et le Crédit agricole. La décision, anticipée dès le 15 juin, devrait être "imminente". Les trois mois de mise sous surveillance avec perspective négative des instituts financiers arrivent en effet à leur terme, jeudi, sans que la situation boursière ni la crise de la dette dans la zone euro ne se soit vraiment améliorée.
Actuellement, le Crédit agricole bénéficie d'une notation "Aa1" [soit juste en dessous de la note optimale (AAA)], un cran au-dessus de BNP Paribas et de la Société générale, à "Aa2".
Pourquoi les banques françaises sont-elles menacées ?
Les banques françaises sont considérées comme fragilisées à court terme, à cause de leur attachement à la dette grecque. Fin 2010, BNP Paribas possédait 5 milliards d'euros de titres de dette souveraine, la Société générale 2,7 milliards, et le Crédit agricole 600 millions. Des titres difficiles à écouler aujourd'hui, du moins rapidement, car un afflux d'obligations grecques sur le marché dépasserait largement la demande et causerait une chute importante de leur valeur.
Ces banques sont exposées à deux niveaux à la dette grecque, explique Vincent Touzé, économiste senior au département des études de l'OFCE (Office français des conjonctures économiques) de Sciences Po. D'une part, elles en possèdent des titres, et sont donc exposées à une perte de valeur de ces actifs, donc à une moins-value. D'autre part, elles détiennent des filiales en Grèce, qui risquent de faire face au défaut de paiement des entreprises à qui elles ont prêté, dans le contexte actuel de crise économique.
Plus que d'autres établissements, ces trois banques voient donc leur sort lié à celui de la Grèce, alors que la menace d'une faillite de l'Etat semble chaque jour prendre un peu plus corps, et avec elle, la nécessité de renégocier la dette.
Quelles conséquences ?
Premiers résultats de cette anticipation d'une dégradation de la note des trois instituts français : une chute des valeurs bancaires entraînant avec elles la Bourse parisienne. Alors que BNP Paribas dégringolait de plus de 11 % à l'ouverture ce lundi, l'action de la Société générale et celle du Crédit agricole atteignait des niveaux exceptionnellement bas. Sachant que, depuis le début de l'année, ces titres ont perdu respectivement 37 %, 58 % et 43 % de leur valeur. Frédéric Oudéa, le président de la Société générale veut cependant croire que le marché a déjà anticipé cette dégradation :"C'est un événement qui était largement dans le marché".
Au-delà de ces fluctuations boursières, une dégradation de la note des banques aurait pour conséquence de compliquer leurs emprunts sur le marché obligataire, en augmentant leurs taux d'intérêts.
Toutefois, la prudence est de mise, les conséquences d'une dégradation des notes bancaires étant, somme toute, imprévisibles. "Il y a des paradoxes, note Vincent Touzé. La note des Etats-Unis a été dégradée, pourtant, leurs taux d'intérêts ont diminué sur le marché primaire des nouvelles obligations. A force que tout le monde soit dégradé, l'effet est moins évident… A moins d'une panique boursière."
Dans un scénario des plus pessimistes et pas encore d'actualité, le risque ultime, pour les banques, est de manquer de liquidités au point de faire défaut. Car, si elle perd trop en fiabilité, une banque peut avoir du mal à se financer sur le marché interbancaire, déjà malade depuis la crise de 2008.
Quelles solutions ?
Le scénario est d'autant moins probable que si le marché interbancaire s'enraye, les banques centrales sont prêtes à fournir les liquidités nécessaires aux établissements financiers, a assuré ce lundi le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, précisant : "Nous sommes prêts à fournir aux banques les liquidités demandées" en "quantité illimitée" et à "taux fixe" pour la zone euro.
Toutefois, dans le cas extrême d'une faillite grecque, la question d'une aide, voire d'un sauvetage de ces banques, pourrait se poser. Soit, comme en 2008, grâce à une recapitalisation par l'Etat, qui leur propose des prêts exceptionnels sur le marché obligataire. Soit par une participation plus directe de l'Etat au capital de la banque, qui rachète, dans ce cas, une partie de l'entreprise.
Cette "nationalisation partielle" est cependant encore loin d'être au goût du jour, et a été jugée "totalement prématurée" par le ministre français de l'industrie, Eric Besson. Quant au ministre de l'économie, François Baroin, il a assuré que "quel que soit le scénario grec (...), les banques françaises ont les moyens d'y faire face".
Mais la dette grecque constitue-t-elle la seule menace qui pèse sur les banques françaises ? "Les banques aujourd'hui exposées à une dégradation de leur note ont été particulièrement actives en Europe, investissant en Grèce, mais aussi en Italie, au Portugal, en Espagne… A l'époque, elles pariaient sur le développement européen et on les louait pour cette initiative", note Arnold Chassagnon, professeur d'économie à l'Ecole d'économie de Paris et à l'université de Tours. Du coup, elles possèdent aussi une partie de la dette de ces autres pays méditerrannéens, certes plus solvable, mais aussi beaucoup plus lourde : à titre d'exemple, la BNP possède plus de 24 milliards d'euros de dette italienne, selon les stress tests de juillet.
Le Monde.fr
No comments:
Post a Comment