Silvio Berlusconi, devant le Sénat, le 14 septembre 2011.
Rome, correspondant - L'Italie a échoué à rassurer. Malgré un plan d'austérité voté en deux salves (47 milliards d'euros en juillet, 54 milliards en août) pour permettre d'arriver à l'équilibre budgétaire en 2013, l'agence américaine Standard & Poor's a décidé, dans la nuit du lundi 19 au mardi 20 septembre, d'abaisser d'un cran sa notation de la dette italienne. La note à long terme a été ramenée de "A+" à "A", celle à court terme de "A -1+"à "A -1".
Avant l'été, l'agence Moody's avait quant à elle placé la Péninsule sous observation dans l'attente de "réformes structurelles". Attendue pour le week-end du 17 septembre, sa décision de dégrader le classement de l'Italie a été repoussée courant octobre.
DOUBLE SANCTION
Standard & Poor's a justifié sa décision par "l'affaiblissement des perspectives de croissance", ainsi que par "la fragilité de la coalition au pouvoir et les divergences politiques au Parlement [qui] vont probablement continuer de limiter la capacité de l'Etat à répondre de manière décisive à un environnement macroéconomique difficile sur le plan intérieur et extérieur".
Il s'agit d'une double sanction : pour l'économie et pour la classe politique italiennes, au premier rang de laquelle Silvio Berlusconi fait figure de symbole. Symbole de l'incapacité du pays à convaincre de sa volonté de conduire les réformes imposées par l'ampleur de la dette : 1 910 milliards d'euros, selon le dernier rapport de la Banque d'Italie, soit 120 % du PIB.
Dans un communiqué diffusé mardi 20 septembre, M. Berlusconi a déclaré que "les appréciations de Standard & Poor's semblent davantage dictées par des histoires parues dans les journaux que par la réalité et semblent avoir été négativement influencées par des considérations politiques". "L'Italie a pris des mesures pour parvenir à l'équilibre budgétaire et en faveur de la croissance. On s'en rendra compte prochainement", a-t-il ajouté.
MAJORITÉ AU BORD DE L'IMPLOSION
Reste que la préparation de ces deux plans d'austérité successifs, décidés à la hâte sous la pression des institutions européennes et des marchés, a offert l'image d'une majorité au bord de l'implosion, incapable de décider.
Les mesures préparées en août par le ministre de l'économie, Giulio Tremonti, sous la dictée de la Banque centrale européenne (BCE), ont été revues par les diverses composantes de la majorité – le Peuple de la liberté, le parti de M. Berlusconi, et la Ligue du Nord, son principal allié –, qui souhaitaient protéger leur clientèle.
Le premier ministre ne voulait pas d'une taxe de solidarité sur les hauts revenus, M. Tremonti refusait l'idée d'une hausse de la TVA, et la Ligue entendait défendre les retraites. Au final, ils se sont entendus sur des demi-mesures permettant à chacun de sauver la face : hausse d'un point de TVA sur les produits taxés à 20 %, taxe sur les revenus supérieurs à 300 000 euros concernant un peu plus de 30 000 contribuables, et allongement de la durée de cotisation retraite pour les femmes dans le privé à partir de 2014.
Autre reproche formulé par Standard & Poor's : l'absence d'une politique de relance. La majorité des sacrifices sera portée par les Italiens de la classe moyenne, qui verront leurs impôts augmenter sensiblement. Les promesses d'une lutte accrue contre l'évasion et la fraude fiscale n'ont convaincu personne.
Alors que la faible croissance est déjà le talon d'Achille du pays, l'affaiblissement de la demande extérieure, en raison du ralentissement économique mondial, les mesures d'austérité et la "pression sur les coûts de financement" vont, selon l'agence de notation, entraîner une croissance "plus faible" que celle estimée auparavant.
TROISIÈME PLAN DE RIGUEUR
Dans son scénario le plus négatif, Standard & Poor's table sur une nouvelle "récession" en 2012, avec un recul du PIB de 0,6 %, avant une "modeste reprise" en 2013 et 2014.
Depuis plusieurs jours, la presse italienne fait état de la préparation d'un troisième plan de rigueur plus draconien. Des secteurs entiers de l'économie (énergie, transports) et de nombreuses régies municipales pourraient être privatisés.
A l'étude aussi, une taxe sur le patrimoine, à laquelle sont favorables le patron de Ferrari, Luca Cordero di Montezemolo, et celui de Todd's, Diego Della Valle. Selon un député du parti de M. Berlusconi, ces mesures pourraient permettre d'abaisser la dette de 400 milliards d'euros.
Si les solutions ne manquent pas, le doute persiste sur la capacité de M. Berlusconi à les imposer. Son capital de confiance auprès des Italiens ne dépasse pas 25 %. Une partie de sa majorité (les élus proches de Gian Franco Fini) lui ont tourné le dos. D'autre part, le président du conseil est cerné par les juges.
Le patronat et certains élus de son propre parti et de la Ligue du Nord demandent ouvertement sa démission. Cela permettrait au président de la République de nommer un gouvernement d'"alliance nationale", apte à conduire les réformes.
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