Thursday, April 14, 2011

Andry Rajoelina et les élections: « Non aux financements étrangers ! »


La transition repousse l’assistance étrangère et va financer ses propres élections. Telle est l’annonce faite hier par Andry Rajoelina dont voici en gros la teneur : « J’ai dit à l’OIF que les aides étrangères répétées ont besoin de contrepartie. Or Madagascar et son peuple sont décidés à prendre en main les élections. Dès demain, je vais rencontrer la Ceni et lui demander ses besoins. On va la doter de moyens afin qu’elle puisse organiser des élections libres et transparentes… ».

Andry Rajoelina persiste donc dans son attitude du référendum de novembre, et veut encore une fois déroger avec une règle des élections de sortie de crise à Madagascar (et en Afrique). Chez nous, en effet, la communauté internationale a toujours accompagné financièrement les élections dans les « processus de sortie de crise ». En vue du référendum d’août 1992 par exemple, après l’éprouvante crise de 1991, l’Union européenne, la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’ONU (par le biais du PNUD) se sont manifestés et ont accordé des fonds consistants pour soutenir le scrutin. Ce qui est normal d’ailleurs car les pays qui sortent d’une crise sont exsangues et leurs caisses sonnent creux. Le gros avantage de cette formule de l’assistance étrangère : le scrutin, à moins de grosses anomalies qui ont dénaturé le sens du vote, est toujours reconnu par la communauté internationale.

On s’interroge, en tout cas, sur le sens de cette annonce d’Andry Rajoelina, d’autant que des pays étrangers ou des organisations internationales (comme l’OIF) nous tendent la main et sont déjà à l’œuvre dans le soutien à nos institutions électorales. Comme nos finances ne sont pas au mieux de leur forme, on se demande qui va soutenir le pays dans l’organisation des élections (jumelées, précisons-le) de septembre. Andry Rajoelina a peut-être déjà reçu des assurances de deux puissances étrangères: d’abord la Chine qui a déjà approvisionné nos caisses publiques, et qui est disposée à le faire si on lui accorde d’autres gisements de métaux précieux. Ensuite la France qui, comme on le constate en Libye et en Côte d’Ivoire, met en œuvre en Afrique une « politique de grandeur » comme du temps de Jacques Foccart et s’attache à reformer son pré carré.

En fait, sous des dehors indépendantistes et nationalistes plutôt démago, Andry Rajoelina veut surtout empêcher l’entrée en lice aux élections de Marc Ravalomanana en premier lieu, et de Didier Ratsiraka et de tous les condamnés politiques de 2002 et 2009 en second lieu. L’homme sait que la Sadc va subordonner la reconnaissance internationale à certaines conditions, notamment des élections libres et transparentes auxquelles participeront les meilleurs enfants du pays, dont ceux exilés ou condamnés arbitrairement.

Comme les bailleurs de fonds électoraux peuvent également s’aligner sur cette position, on comprend pourquoi les financements étrangers sont répudiés. Ensuite d’autres organismes pourraient le confirmer : il est matériellement impossible de tenir des élections justes et crédibles en septembre. Les Nations-Unies par exemple suggèrent un délai de onze mois, or au bout de cette échéance, c’est-à-dire en mars-avril 2012, certains (par exemple la Sadc) pourraient estimer que « l’environnement politique apaisé » indiqué par la feuille de route est déjà de mise.

Conséquence : Marc Ravalomanana peut rentrer au pays et se présenter aux élections. Le régime de transition manœuvre donc pour tenir les élections dans les meilleurs délais, de préférence en septembre, dans le but d’écarter des candidats qui pourraient créer la surprise.

D’ailleurs si Marc Ravalomanana revient providentiellement à la barre, il pourrait commencer son mandat en jetant en prison beaucoup de ceux actuellement au pouvoir. Pour cette raison, ces derniers pensent que le seul mandat qui convient à l’exilé de Johannesburg, c’est le mandat… de dépôt.

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