Tuesday, May 24, 2011
Le colossal barrage des Trois-Gorges inquiète la Chine
Jusqu’alors, le gouvernement chinois ne tarissait pas d’éloges à son propos : le gigantesque barrage des Trois-Gorges, sur le fleuve Yangtse, au centre de la Chine, était vanté pour son poids dans la production hydroélectrique du pays, permettant de soutenir la forte croissance industrielle, autant que pour sa régulation des crues menaçant le delta du fleuve chaque été. Compte tenu du prestige politique en jeu et surtout de son coût (16 milliards d'euros) le gouvernement étouffait depuis des années les critiques du projet. Mais dans un récent communiqué, les autorités chinoises ont pour la première fois reconnu que le plus grand barrage du monde a causé de nombreux et sérieux problèmes environnementaux, sociaux et économiques.
Premier chef d’accusation : les catastrophes naturelles. L'accumulation d'une trop grande quantité d'eau dans le réservoir, long de 660 km et d’une capacité de 39 milliards de mètres cubes, augmente les risques de glissements de terrain et de tremblements de terre, selon des géologues. Dans son communiqué, le gouvernement chinois a reconnu que la création du réservoir a accru la fréquence des séismes, tout en niant, toutefois, un lien quelconque avec le puissant tremblement de terre qui a tué 87 000 personnes dans la région de Sichuan, dans le nord-est du pays, le 12 mai 2008.
Les dommages irréversibles occasionnés sur l’écosystème constituent également un sujet majeur de préoccupation. Des espèces, comme le dauphin de la rivière Yangtse, ont été déclarées officiellement éteintes en raison de la pollution et des algues, qui s’accumulent du fait du barrage, au lieu d’être drainées par le fleuve. Côté social, l'édifice a entraîné le déplacement de pas moins de 1,4 million de personnes, situées trop près des Trois-Gorges, et la destruction d’un millier de villes et villages.
Enfin, la baisse du niveau des eaux en aval du barrage, dont dépendent des populations entières pour l’agriculture, est particulièrement pointée du doigt, alors qu’une sécheresse sans précédent touche le pays. Près de 1 400 réservoirs dans la province du Hubei ont ainsi été asséchés, affectant l'approvisionnement en eau potable de plus de 300 000 personnes. Nombre de paysans accusent de manière ouverte les Trois-Gorges d’avoir aggravé le phénomène climatique et détournent depuis quelques mois l’eau du barrage.
Cette semaine, le gouvernement a promis d'établir des systèmes d'alerte aux catastrophes, de renforcer les rives, d'améliorer la protection de l'environnement et ainsi que les aides pour les personnes déplacées. La compagnie responsable du barrage a par ailleurs ouvert les vannes pour aider à combattre la sécheresse.
Cette déclaration survient au moment où Pékin doit dévoiler les détails du 12e plan quinquennal. Selon le Guardian, ce calendrier pourrait signifier une inflexion de tels projets hydroélectriques en Chine. Peter Bosshard, le directeur des stratégies de l'ONG californienne Rivières internationales, assure alors : "Bien que de puissantes factions au sein du gouvernement font pression pour l'expansion rapide de projets hydroélectriques, d'autres mettent en garde contre les coûts sociaux et environnementaux des grands barrages et des risques géologiques de la construction de tels projets dans les régions sismiquement actives. Par ses déclarations, le premier ministre Wen Jiabao pourrait donner un coup de semonce au lobby de l'électricité hydroélectrique du pays."
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