Wednesday, May 18, 2011

Guy Razanamasy : décès d’un géant de la politique


Grosse émotion et immense peine hier dans la capitale, en apprenant le décès de Guy Willy Razanamasy à l’âge de 83 ans. Agé et de santé précaire, l’ex-Premier ministre et ancien maire de la capitale a vu son état se dégrader progressivement après la mise à sac injuste de son domicile d’Ankerana lors des évènements de 2002. Affaibli et ne pouvant plus sortir de son domicile depuis plusieurs années, il s’est éteint paisiblement dans sa résidence hier vers 18 heures. La nouvelle a tout de suite fait le tour de la capitale et a jeté la ville dans la consternation…

Il n’est pas exagéré de dire que c’est un géant de la politique qui a disparu hier. Lors de la crise particulièrement complexe de 1991, il a démontré de réelles capacités d’homme d’Etat et un sang-froid à toute épreuve qui ont sauvé le pays de la guerre civile et du chaos. Ce pharmacien de formation avait en 1989, dès la fin du régime « de parti unique » (le Front) qui avait cours sous la Révolution, mis sur pied avec une poignée d’amis le groupement Tiako Iarivo. Contre toute attente, il fut élu maire d e la capitale et allait être propulsé dans les hautes sphères. Le 8 août 1991 en effet, alors que le mouvement populaire des Forces Vives a largement progressé à Antananarivo, Guy Razanamasy fut nommé Premier ministre par l’amiral Didier Ratsiraka qui voulait se concilier la population de la capitale. Sa désignation fut à l’origine de la marche des forces Vives le 10 août vers le palais d’Iavoloha et du carnage qui survint sur le site. Son « mandat » ayant été placé ainsi sous le signe de la tourmente, il eut à arbitrer une confrontation acharnée entre les deux camps pour le contrôle du pouvoir. Premier exploit de Guy Razanamasy : il opère un rapprochement avec les chefs des Forces Vives et amènent ceux-ci autour d’une table ronde. Les négociations à marche forcée aboutirent à la fameuse Convention du 31 Octobre de l’hôtel Panorama, sorte d’accord de partage du pouvoir pour une gestion concertée de la transition vers la IIIème République. Second exploit : dans des circonstances particulièrement troublées, il réussit à organiser un référendum en août 1992 et à faire adopter la Constitution de la IIIème République. Didier Ratsiraka, mis sur la touche, avait voulu se remettre en selle en créant le mouvement fédéraliste, lequel s’est érigé en face des Forces Vives en exigeant l’entrée en lice au référendum d’une Constitution fédérale et en faisant valoir des arguments presque ethniques pour parvenir à ses fins. Ce qui a divisé la population et l’Armée, et mis le pays à feu et à sang avec des fédéralistes qui ont monté des « Etats fédérés » et pris d’assaut les palais de Faritany pour les occuper.

Troisième exploit : l’agitation fédéraliste ayant repris de plus belle avec le projet des Forces Vives de disqualifier Didier Ratsiraka à l’élection présidentielle de novembre 1992, Guy Razanamasy a tendu la main vers les fédéralistes et a organisé les pourparlers de Mahambo d’octobre et novembre 1992. Les négociations qui ont abouti à un accord ont ramené l’apaisement avec l’entrée en lice de l’amiral et la libération des fédéralistes incarcérés. L’élection présidentielle, reconnue spécialement pour sa transparence, a débouché sur la victoire du Pr Zafy Albert, chef des Forces Vives. Pour la première et dernière fois en 51 ans d’indépendance, le vaincu a reconnu sa défaite et adressé des félicitations à son vainqueur. Ce geste, unique dans l’histoire de notre pays, a grandi l’amiral Didier Ratsiraka et a couronné une alternance démocratique réalisée dans le calme. Ce qui a mis un terme définitif à une crise particulièrement aigue. Lorsque Guy Razanamasy quitta la Primature après avoir sorti le pays d’un très mauvais pas, lors de l’avènement du nouveau Premier ministre, Me Francisque Ravony, il n’eut pas droit aux remerciements ni à un geste de gratitude du chef d’Etat Zafy Albert. Une attitude sévèrement jugée par les observateurs politiques à l’époque…

Dès lors, le rideau était tiré sur la carrière politique de Guy Razanamasy, même s’il triompha aux législatives de 1993 à Tana-Ville et fut de nouveau élu maire de la capitale en 1995. Ce dernier succès, on s’en rappelle fut assombri par le tragique incendie le 6 novembre 1995 du palais de la Reine, évènement probablement lié à la victoire de Guy Razanamasy à l’élection municipale du 5 novembre.

Homme de dialogue et rassembleur épris d’unité nationale, Guy Razanamasy a vu son nom progressivement occulté par le temps qui passe. Mais son œuvre est gravée dans le marbre est restera dans les souvenirs. Actuellement, si la crise perdure malgré deux années d’épreuves pénibles pour la population, c’est parce que les camps en présence ne veulent pas s’asseoir autour d’une table. A l’heure où l’on mettra en terre Guy Razanamasy, les gens se rendront compte que ce qui nous manque le plus aujourd’hui, c’est un homme qui comme lui sait rassembler et disposer au dialogue...

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