Mercredi 21 mars 2012
Quinze jours suffiront-ils pour accoucher d’un projet de loi d’amnistie digne d’une issue valable à la crise à Madagascar ? A titre de rappel à ce propos, le paragraphe 11 des rapports d’activités de la SADC allant dans ce sens stipule qu’ « en allant de l’avant, le CMO de la Troïka invite les autorités compétentes afin de s’assurer que le projet de loi devienne loi dès que possible, mais au plus tard le 31 mars 2012 ». Aujourd’hui, il faut bien se dire que ce deadline imposé par la communauté internationale pour le cas malgache n’a que des chances infimes pour être respecté par les autorités de la Transition. Car la finalisation d’un projet de loi d’une telle envergure, notamment que celui-ci est engagé en pleins troubles d’ordre sociopolitique dans le pays, ne devrait surtout pas se faire n’importe comment. Plusieurs paramètres et autres critères importants doivent être pris en compte, ne serait-ce que pour faire bonne impression aux yeux des diverses instances de la même communauté internationale.
L’on peut soulever au moins deux bonnes raisons quant à la non finalisation de ce fameux projet de loi dans le respect du délai de 15 jours fixé par la communauté internationale. Premièrement, en deux semaines, l’on imagine mal qu’un projet d’une telle envergure puisse passer, sans difficultés, à travers les longues ou lourdes procédures administratives encore en usage actuellement dans le pays (conseils du gouvernement et des ministres pour ne citer que ces deux formalités-là). A moins, bien sûr, de brûler certaines étapes de celles-ci pour faire accélérer les choses, tout simplement. Par ailleurs, il faudra aussi songer au fait qu’actuellement hors session, le parlement auquel la charge de réexaminer et de voter le projet en question ne pourra aussi facilement être convoquée en session extraordinaire. Et ce, à cause de l’éloignement des localités d’origine de certains parlementaires de la Transition, mais aussi des procédures administratives à respecter dans l’optique d’une convocation inopinée lancée à l’endroit de ces derniers.
En outre, il faut dire que les opérations consistant à la traduction du mémorandum de la SADC remis hier aux autorités compétentes de la HAT demande quand même du temps pour être le plus objectif possible. Sans compter le laps de temps nécessaire pour l’édition mais aussi la publication de ce même projet de loi d’amnistie conçu pour le peuple malgache, amplement lassé par les effets pervers de la crise. En tout cas, 15 jours semblent trop courts pour la réalisation de toutes ces opérations citées plus haut, selon les règles de l’art en matière d’amnistie…
Pour être direct mais sincère à propos de ce fameux projet de loi d’amnistie, l’on ne souciait pas trop de cette cérémonie officielle de courte durée donnée hier au palais d’Etat d’Ambohitsorohitra. Par contre, depuis peu certes, l’on a étrangement pris goût aux choses se rapportant à ce projet qui constituerait, selon l’opinion d’ici et d’ailleurs, une partie du mot de passe pour le passionnant jeu de la sortie de crise à Madagascar. Et ce, en grande partie en raison du fait que ce n’est que maintenant – à l’issue de la cérémonie d’hier dans les locaux du palais présidentiel, pour être plus précis sur ce point – que ce projet très suivi au niveau notamment de la communauté internationale commence petit à petit à dévoiler ses secrets, jalousement gardés par les entités de cette dernière en charge de la résolution de la crise malgache.
Dans son allocution à l’occasion de la remise officielle, hier, du mémorandum de la SADC relatif à ce projet de loi venant récemment d’être réétudiée par des experts internationaux venus spécialement dans le pays, le président Andry Rajoelina a surtout mis l’accent sur les suites valables à donner, dorénavant, aux avancées jusque-là réalisées par la Grande île dans la mise en œuvre du document de sortie de crise. La précision du communiqué officiel relatant l’évènement d’hier : «Ce mémorandum permettra à la partie malgache d’avancer vers l’application effective de la Feuille de route, notamment en matière d’amnistie. Cela constitue déjà un grand pas vers la sortie de crise… Quelques rectifications ont été apportées à ce projet de loi afin de se conformer aux normes internationales en matière juridique ». Et le chef de la Transition d’annoncer d’ores et déjà que ce projet sera prochainement soumis au conseil du gouvernement, puis à celui des ministres, pour enfin faire l’objet, en session extraordinaire, de réexamen pour adoption au niveau du parlement.
En marge de la cérémonie proprement dite, le ministre Manantsoa Victor qui faisait hier office de porte-parole des entités étatiques aux mains desquelles le mémorandum en question a été remis, a soulevé un point assez important à propos du projet de loi d’amnistie prévu pour le cas malgache. « Le document qui est actuellement en notre possession est rédigé en anglais », précise-t-il à son tour. Ce implique que, Madagascar étant un pays francophone, celui-ci devra encore être traduit en versions française et malgache pour être mieux compris par la population locale. Ce qui se fera certainement dans les plus brefs délais, a hier laissé entendre le patron du ministère chargé des Relations avec les Institutions.
Sollicité par la presse de se prononcer sur le contenu de ce même projet de loi, Maharante Jean de Dieu, à l’occasion de la cérémonie d’hier toujours, a indiqué que « sur le fond, les textes confectionnés par les experts nationaux dans l’optique de mettre sur pied une loi d’amnistie n’ont connu que de légères modifications par les experts internationaux en la matière ». Ce qui signifie, d’après cet ancien ministre du gouvernement Vital, que le standard international dans ce domaine-ci a été respecté par les autorités transitoires malgaches en charge de ce grand dossier d’amnistie. « Sinon, il convient de noter que la majeure partie des rectifications apportées porte sur la formulation matérielle des textes officiels se rapportant à ce projet de loi. En fait, les experts internationaux ont d’emblée rendu plus détaillés, donc beaucoup plus compréhensibles ces mêmes termes juridiques malgaches sur la loi d’amnistie », rassure-t-il.
A titre d’exemple, l’actuel vice-président du CST a hier soulevé les termes « faits et actes » utilisés par les experts malgaches qui sont remplacés par nos homologues étrangers par un terme plutôt générique qui n’est autre que « infractions », selon les précisions de ce dernier. Maharante Jean de Dieu qui a, par la suite, sous-entendu que c’est n’est maintenant que l’on est vraiment en mesure de faire la part entre les infractions amnistiables et de celles ne pouvant pas l’être. Sur un tout autre plan, ce haut responsable de signaler que les questions relatives au détournement de derniers publics ne sont pas prévues dans le cadre du présent projet de loi d’amnistie. « Il appartient, en réalité, au parlement de décider s’il y a lieu ou non d’étudier, en particulier, cet aspect-là », a fait savoir notre interlocuteur à ce propos.
Mémorandum sur la loi d’amnistie : La SADC insiste sur le retour inconditionnel de Ravalo
Après son élaboration par les experts juridiques malgaches, ce projet de loi d’amnistie sera encore soumis au conseil du gouvernement, au Conseil des ministres et au Parlement.
Consensus. Une semaine, ou enfin presque après le départ de l’équipe de la Troïka de la SADC dirigée par le Vice-ministre sud-africain, Marius Fransman, le Comité Ministériel de l’Organe de la Troïka publie finalement un compte-rendu de sa mission de 4 jours dans la Grande île. Dans un communiqué publié hier, le CMO de la Troïka salue les efforts fournis par les Malgaches dans la mise en œuvre de la Feuille de route et félicite les parties prenantes pour les progrès accomplis en vue de la mise en place des Institutions de la Transition. Tout en prenant note des efforts déployés par les experts malgaches en ce qui concerne la rédaction de la loi d’amnistie, la Troïka se dit préoccupée par le fait que les parties prenantes malgaches n’ont pu trouver aucun consensus concernant la finalisation de la loi d’amnistie avant le 29 février, date limite avancée par la SADC.
31 mars 2012. En tout cas, la SADC accorde une nouvelle opportunité aux protagonistes. En effet, le CMO de la Troïka invite les autorités compétentes à assurer que la loi d’amnistie soit adoptée au Parlement au plus tard le 31 mars 2012. C’est-à-dire, d’ici dix jours. Bon nombre d’observateurs estiment que ce nouveau « deadline » ne sera pas respecté. Hier, le président de la Transition, Andry Rajoelina, a procédé à la remise officielle aux experts juridiques malgaches du mémorandum relatif au projet de loi d’amnistie proposé par les experts internationaux.
Document de base. En marge de la cérémonie, le ministre chargé des Relations avec les Institutions, Victor Manantsoa, a laissé entendre qu’il serait difficile de respecter cette échéance dans la mesure où le document en question, qui va servir de document de base aux experts malgaches, est en version anglaise. Sa traduction en version française et malgache est donc nécessaire avant l’élaboration d’un projet de loi d’amnistie qui tient compte des recommandations supplémentaires avancées par la mission juridique de la SADC qui, selon le communiqué, vise à renforcer la loi d’amnistie, tout en empêchant l’impunité pour les violations graves des droits de l’homme. Pour Victor Manantsoa, « l’important c’est qu’il y ait une loi qui corresponde aux aspirations des Malgaches permettant de résoudre définitivement la crise ». Pour sa part, le membre du Comité d’experts, Rakotomanana Honoré, reste optimiste. Selon ses dires, son adoption pourrait se faire dès la semaine prochaine. A noter qu’après son élaboration par le comité d’experts juridiques, ce projet de loi sera encore soumis au Conseil du gouvernement, au Conseil des ministres et au Parlement.
Blocage. En tout cas, dans ce rapport de leur mission dans la Grande île, les experts de la Troïka annoncent que les principaux éléments qui doivent être traités de toute urgence incluent le retour inconditionnel des exilés politiques, l’accent sur l’édification du pays et la réconciliation. En quelque sorte, la communauté internationale opte pour l’application stricto-sensu de l’article 20 de la Feuille de route, prévoyant le retour sans condition de tous les exilés politiques, y compris l’ancien président Marc Ravalomanana. Une option qui a toujours été rejetée catégoriquement par le camp Rajoelina. Le numéro Un d’Ambohitsorohitra qui a annoncé hier que « tout en apportant quelques rectifications, les experts internationaux sont satisfaits du projet de loi élaboré par les Juristes malgaches ». Cette position risque de faire blocage au processus de sortie de crise actuellement en cours. Afin de trouver une issue à cette situation, le Comité ministériel de l’Organe de la Troïka encourage la tenue d’un dialogue malgacho-malgache impliquant toutes les parties prenantes, y compris les membres de la société civile qui doivent assurer la supervision de la mise en œuvre de la Feuille de route.
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