12 mars 2012
Faisons un peu le point.
Les prix du pétrole n'en finissent pas d'augmenter, malgré la faiblesse de la croissance mondiale. Le cours du baril de Brent de la mer du Nord frôle les 126 dollars, en hausse de plus de 20 % depuis la mi-décembre. Or les premiers frissons de reprise économique sont en train de relancer la demande de brut, et devraient donc continuer à tirer les prix vers le haut, analyse l'agence Reuters, qui souligne que les tensions en Iran ne sont pas le facteur essentiel de la hausse en cours.
Pour relâcher la pression, de nombreux analystes comptent beaucoup sur les pétroles de schiste et autres « pétroles étroits » (pétroles piégés dans des réservoirs peu poreux), dont l'exploitation se développe à vitesse grand V aux Etats-Unis. Une étude de la banque Citi avance même que « la résurgence de la production de pétrole en Amérique du Nord » va signer l'arrêt de « mort de l'hypothèse du pic pétrolier ».
La production nord-américaine repart, c'est vrai, mais pas de façon miraculeuse.
Cette relance va-t-elle pouvoir se poursuivre ? L'administration Obama l'espère (et compte aussi beaucoup sur les nombreux permis de forage récemment accordés dans le golfe du Mexique, y compris à BP, responsable de la marée noire de 2010).
L'Australien Matt Mushalik, l'un des analystes « piquistes » les plus lus aujourd'hui, estime cependant sur son blog que « les Etats-Unis peuvent produire autant de pétrole de schiste qu'ils veulent, ça n'arrêtera pas le déclin de la production iranienne ». De fait, la très prudente Agence internationale de l'énergie table sur un affaissement important des extractions de l'Iran d'ici à 2015, indépendamment des sanctions imposées par les Etats-Unis et l'Europe, qui risquent toutefois « d'accélérer le processus », note Matt Mushalik.
(C'est ballot, d'autant que selon la CIA, l'Iran a arrêté son programme d'armement nucléaire depuis 2003. Aussi, à quoi bon affamer les Iraniens, demande dans les colonnes du New York Times un journaliste expatrié ?)
Le ministre du pétrole de l'Arabie Saoudite a récemment détaillé le montant des capacités de production inutilisées de son royaume, seules capables de faire face à court terme à une poursuite de la hausse de la demande mondiale de brut, tirée par les économies émergentes. Le résultat apparaît décevant, constate un responsable de la banque américaine Citi (encore elle) dans les colonnes du Financial Times :
« Les capacités [de production inutilisées de l'Arabie Saoudite] immédiatement disponibles représentent un faible 1,5 million de barils par jour (Mb/j), beaucoup moins que la soupape de sécurité nécessaire pour convaincre les marchés que les prix ne vont pas augmenter. »
Tout ça a l'air compliqué mais en réalité, c'est très simple :
la production de pétrole et des autres carburants liquides est sur un plateau depuis 2005 ; à l'échelle de la planète, il faudrait développer l'équivalent de 2 à 4 Arabies Saoudites d'ici dix ans (!), rien que pour maintenir à niveau les extractions, et compenser le déclin de champs anciens, tels que ceux de l'Iran.
La production mondiale de brut est comme un grand balancier. De son équilibre dépend l'avenir de la croissance économique : que s'ajoutent trop de poids d'un côté, trop de champs en déclin, et l'équilibre sera rompu, sonnant le glas, comme le prophétise l'ex-premier ministre Michel Rocard, « de notre modèle de prospérité ».
Nous sommes bel et bien confrontés au « troisième choc pétrolier », juge Olivier Appert, président de l'Institut français du pétrole. Les vols d'essence, qui se font en France de plus en plus fréquents, ne devraient pas s'arrêter de sitôt...
No comments:
Post a Comment