Introduction
On entend souvent parler de l’essor des pays en développement ces quelques années, notamment les pays émergents de type BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), auxquels ont pourrait aussi ajouter le Mexique, l’Afrique du Sud, la Turquie, la Thaïlande dont le PIB croit entre 5 et 10% par an pour chacun de ces pays et qui rattrapent les pays riche rapidement.
Mais de nombreux pays demeurent très pauvres, notamment en Afrique Subsaharienne. Bien que la majorité des pays en Afrique progressent davantage que lors de la décennie 90, la majorité des pays en question demeure très pauvre. D’où la question :
Pourquoi les pays pauvres sont pauvres ?
Pour répondre à la question, demandons-nous comment on devient riche. En étudiant les caractéristiques des pays les plus développés, j’ai constaté que 4 paramètres sont récurrents parmi les pays les plus riches :
Un Etat présent
La majorité des pays riches sont des pays où l’Etat est présent. Au minimum, l’Etat joue son rôle régalien (armée, éducation…), ce qui garantit un climat économique sain et un régime politique stable. Parmi les pays riches, il y a des démocraties, des dictatures… Parmi les pays riches en revanche, il n’existe aucun pays où l’Etat est absent, aucun pays où il y a un coup d’Etat tous les 3 mois. En effet, les entreprises pour se développer ont besoin d’avoir confiance en l’avenir et de prévoir l’avenir, deux paramètres qui nécessite la présence d’un Etat (démocratique ou non). Si les entreprises prospèrent dans les démocraties comme dans certaines dictatures (comme certains dragons Asiatiques), elles ne peuvent pas prospérer dans les zones sans droits et violents.
Main d’œuvre qualifiée
La majorité des pays riches sont des pays où la main d’œuvre est qualifiée et dispose de quoi assouvir ses besoins de base. Cela signifie, au minimum :
- Un accès à l’école universel et gratuit (ou bon marché compte tenu du pouvoir d’achat local), où chacun peut apprendre au moins à lire et à compter.
- Une gestion agricole bonne et une production suffisante pour nourrir tout le monde correctement (un travailler qui a bien mangé est plus productif)
- Une bonne gestion des ressources en eau (voir point n°2 et c’est la base pour une hygiène minimale)
Un bon support
Le support des gens et des entreprises doit être assuré. Outre un Etat présent, pour qu’un état soit riche, les paramètres suivants sont importants.
- Les réseaux de transports doivent être suffisants pour permettre aux gens et aux marchandises de se déplacer. Autres support important : les télécommunications
- L’approvisionnement en énergie est un facteur clé pour permettre aux entreprises de pouvoir travailler normalement.
- Un soutien à l’agriculture
- Un accès sanitaire minimal
- Un accès au capital, donc un réseau bancaire de qualité pour pouvoir financer les entreprises
Technologie
Dernier facteur qui différencie les pays riches des pays pauvres : la technologie.
- Les technologies et l’expérience (learning curve) ont permis de multiplier la production française par 10 et de travailler 2 fois moins entre 1900 et 2000 : mécanisation, automatisation…
Ces 4 facteurs – Etat, main d’œuvre, support, et technologie ¬– sont les 4 principaux facteurs qui permettent la richesse. C’est tout ce qu’il faut pour devenir riche. Les matières premières n’ont aucune influence – le Japon ou la Suisse, sans matières premières, sont bien plus riches que le Congo ou le Brésil, plein de matières premières.
Comment calculer la richesse ?
Typiquement, chaque paramètre prend une valeur comprise entre 0 (complètement incomplète) et 1 (complètement abouti), suivant la formule suivante.
Richesse = Etat * Main d’œuvre * Support * Technologie.
Ainsi, si un seul paramètre vaut 0, le pays concerné sera pauvre quel que soit l’avancement des autres facteurs, à la manière d’un gâteau au chocolat, ou si un seul ingrédient manque, il sera gâché. Ainsi un pays qui aurait un Etat de droit correct, une main d’œuvre qualifiée, un bon support, mais aucune technologie, aucun accès au capital, ce pays sera pauvre. Un pays avec une main d’œuvre qualifiée, un support et une technologie correcte, mais un Etat peu performant ne peut être riche (cf ex URSS).
Pour devenir riche, un pays doit développer conjointement ces 4 facteurs conjointement, car :
- Il faut développer tous les facteurs pour devenir riche. Si un seul manque, le pays ne s’enrichit pas. Note : en général, ces 4 facteurs vont de mise, pas mais toujours.
- Chaque facteur a des répercussions sur les autres. Par exemple, comment améliorer le niveau éducatif de la population sans un Etat qui institue un réseau d’école performant, ou un système sanitaire minimum ? Comment développer le support d’un pays, son approvisionnement en énergie, sans technologie ni apports en capitaux ? Les 4 facteurs doivent être pris comme un tout.
Etude de cas
Un pays comme l’Inde a un PIB par habitant de 1.000$ et aux USA de 40.000$. Comment expliquer cette différence ? Voici mon point de vue.
1) Supposons que le PIB/habitant aux USA est de 45 000$ pour un citadin et de 20 000$ pour une personne vivant en milieu rural. Avec 80% de personnes en milieu urbain, le PIB/habitant est de 40 000$ aux USA. Si le PIB/hab était le même en Inde (ce qui n’est pas le cas), avec 60% de gens vivant en milieu rural, le PIB/habitant ne serait que de 30 000$. La différence (30 000$ vs 40 000$) vient de la structure démographique.
2) Le coût de la vie est 3 fois moins cher en Inde. Ce qui signifie que 10 000$ en Inde = 30 000$ aux USA
Pour que l’Inde atteigne le niveau de développement des USA, il faudrait que son PIB/habitant soit de 10.000$, ce qui signifie qu’un Indien typique est 10 fois plus pauvre qu’un Américain. Pourquoi ?
Education
En Inde, il existe un Etat démocratique et stable sur le long terme. La main d’œuvre en revanche est assez peu qualifiée avec beaucoup d’illettrisme, notamment avec le problème des castes qui empêchent les basses castes de progresser.
Supposons qu’une population éduquée permettrait d’augmenter le PIB de 50%. De même,supposons qu’une amélioration de la situation agricole permettrait, grâce à l’augmentation de l’emploi rural et la baisse de la malnutrition, d’augmenter le PIB de 30% (les revenus des agriculteurs augmentent, et par répercussion les revenus de l’ensemble des villages concernés).
Discriminations
L’inde souffre d’une discrimination contre les femmes – il manquerait 50 millions de femmes en Inde, en raison du système anachroniques de dot – une famille doit payer parfois plusieurs milliers de dollars de dot, quand beaucoup d’indiens vivent avec moins de 1$ par jour… Faites le calcul. L’Inde souffre aussi d’une discrimination contre les intouchables, qui représente grosso modo 20% de la population et qui ne peuvent pas accéder aux bons métiers. Même les non-intouchables sont sclérosés dans leur choix de vie par leur appartenance à une caste ou une autre.
Ces deux facteurs sont un boulet pour l’Inde, en provoquant violence (homme devant rester célibataires par manque de femmes), limitant les personnes compétentes (mais discriminées) d’accéder au pouvoir… Imaginons que ce poids grève le potentiel économique de l’Inde de 20 bons pourcents.
Pauvreté extrême
De nombreux Indiens vivent pauvrement, dans des bidonvilles. En améliorant leur niveau de vie et en créant des programmes familiaux comme Borsa familial au brésil, on pourrait significativement faire reculer la pauvreté, donc augmenter la consommation. Disons 20% (chiffres pifométriques, juste pour comprendre l’idée) avec un programme type construction de HLM salubres comme la France l’a fait dans les années 1950-1960 pour reloger les habitants des bidonvilles de l’époque…
Support
Le "support" maintenant. Les pannes d’électricité sont courantes en Inde (ce qui nuit aux petits entreprises et oblige les grandes à s’équiper en groupe électrogène, qui n’est pas une solution correcte), des réseaux de transports en mauvais état et saturé… En augmentant les réseaux électriques et électrifiant les campagnes, admettons qu’on pourrait augmenter le PIB de 30%, et de 30% supplémentaire en améliorant les transports, permettant d’augmenter les débouchés pour les entreprises locales.
Les prêts sont encore peu pratiqués surtout auprès des plus pauvres, malgré les microcrédits. Une éducation financière avec et un soutien de l’état en dernier garant permettrait d’augmenter le PIB de 20%.
Quand aux technologies, un soutien aux start-up innovantes (crédits d’impôts…) augmenterait le PIB disons au bas mot de 10%.
Enfin, en développant l’agriculture, qui occupe encore la majorité de la population active, via une seconde révolution verte, l’accès aux capitaux et des formations pour une meilleure productivité, le PIB augmenterait de 20%.
Par ailleurs, admettons encore un +20% en attirant plus d’entreprises étrangères, ainsi qu’un potentiel de croissance de 20% seront gagnés à l’usure, avec l’expérience et le temps, et le développement d’une classe moyenne qui incite à des produits de meilleur qualité et qui aspire à plus consommer.
Résumons
$1000 * 150% puis 130% puis 120% puis 130% puis 130% puis 120% puis 110%, 120% 120% 120% et encore 120% signifie multiplier la production du pays par 10,8, de quoi mettre l’Inde au niveau des USA. Evidemment, les chiffres sont théoriques mais vous le voyez :
- Chaque facteur semble dérisoire : dans notre exemple, si on se contente d’éduquer la population au niveau de la France, ce qui prend des décennies, disons 40 ans le PIB n’augmente que de moitié (soit moins de 1% par an), cela sera loin de résoudre les problèmes de l’Inde) et même inefficace considéré comme seule action. A quoi ca sert d’avoir des gens éduqués si leur principal débouché est de partir à l’étranger (USA…) parce qu’en dehors de l’éducation, aucun emploi n’est à pourvoir ?
- Mais pris ensemble, les facteurs se multiplient – c’est l’effet papillon – et le pays peut de développer rapidement.
Exemple entreprise
En gros, imaginez un petit business qui génère 5.000€ dans un pays pauvre. Si les employés savaient lire, ils pourraient avoir accès à plus d’information et voir plus de clients et mieux négocier. A long terme, le CA passerait à 10.000€. L’entreprise si elle a accès à l’emprunt, va pouvoir investir dans une nouvelle machine plus efficace, vendre moins cher et donc plus et passer à 25.000€ de C.A. Mais elle souffre toujours d’un manque de communication et de pannes d’électricité. Sans panne d’électricité, elle passe à 30.000€ et grâce à une main d’œuvre qualifiée et aux télécoms, l’entreprise développe sa clientèle plus lointaine, ouvre un site Internet et booste son CA à 50.000€/mois. Grâce à l’augmentation du business, l’entreprise investit dans un fourgon, recrute un ou deux nouveaux employés, produit plus et expédie plus de produits. Le CA continue d’augmenter… On connaît la suite.
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