Sunday, February 27, 2011

A Pékin, les révolutions du monde arabe et du Moyen-Orient font trembler les autorités. Un appel sur Internet invite les Chinois à se rassembler pacif




Après le Printemps arabe, les autorités chinoises craignent une contagion à l'empire du Milieu. Après les manifestations du dimanche 20 février, un nouveau appel sur Internet a enjoint les Chinois à se rassembler pacifiquement chaque dimanche dans 13 villes à 14h. "Nous devons faire pression sur le Parti (communiste) au pouvoir en Chine. Si le Parti ne combat pas consciencieusement la corruption et n'accepte pas la supervision du peuple, il court à sa perte", ont prévenu les activistes dans leur lettre ouverte adressée au Parlement. Inspirés par les rébellions dans divers pays arabes, ils reprennent leurs mots d'ordre et réclament notamment davantage de transparence gouvernementale et de liberté d'expression.

Sans doute inquiet de la place centrale des réseaux sociaux dans les révolutions du monde arabe, le gouvernement a décidé, face à la montée de ces contestations, de durcir la censure du Web. Après Twitter et Facebook, c'est au tour de LinkedIn d'en payer les frais. Utilisé dans la campagne en ligne en faveur de la démocratie, le réseau social professionnel a annoncé, ce vendredi à l'AFP, être inaccessible en Chine. "Cela semble faire partie d'une opération (de censure) plus large qui est en cours actuellement en Chine et qui concerne également d'autres sites", a souligné Hani Durzy, porte-parole de la société. Les autorités ont banni les termes "Tunisie", "Egypte", "Jasmin" et "démocratie" du lexique Internet et du langage SMS.

Les restrictions des cyber-censeurs sur les forums de discussion n'ont pas suffi à dissuader les organisateurs anonymes de publier, le 22 février, un nouvel appel à manifester. "Si le gouvernement n'entend pas réellement résoudre ces problèmes mais se contente de vouloir censurer l'Internet et de bloquer l'information pour supprimer les protestations, ces dernières vont au contraire se renforcer", préviennent-ils. Les activistes recourent une nouvelle fois au site Internet chinois installé aux Etats-Unis, Boxun.com. Car Washington dénonce la censure sur la Toile: "Ceux qui répriment la liberté sur Internet arrivent peut-être à empêcher l'expression pleine et entière des aspirations de leur peuple pendant un moment, mais pas pour toujours", a déclaré la semaine dernière, Hillarry Clinton, la Secrétaire d'Etat américaine.

Dans un pays où les manifestations sont prohibées, le dispositif des forces de sécurité a dissuadé les Chinois de descendre en nombre dans la rue le week-end dernier. Et cette semaine, les internautes à l'origine de l'appel aux rassemblements ont été arrêtés et accusés de subversion; des accusations souvent employées par Pékin pour étouffer toute mobilisation en faveur de la démocratie. Ils ne sont pas les seuls à avoir été inquiétés.

Interdiction de parler aux Pékinois!

Des dizaines de militants chinois des droits de l'Homme, de dissidents et d'avocats font l'objet de poursuites par la police pour avoir relayé cet appel. Et selon le Centre d'information pour les droits de l'Homme et la démocratie (CHRD) de Hong Kong, plus de 100 militants ont été interrogés ou assignés à résidence; d'autres subi des brimades ou purement et simplement disparu. "Depuis quelques jours, nous voyons davantage d'inculpations criminelles faisant encourir de longues peines de prison pour les militants et davantage de descentes de police à domicile", dénonce le directeur de la CHRD, Renee Xia. Ainsi, deux dissidents historiques, Ding Mao et Chen Wei, emprisonnés après le mouvement pro-démocratie de Tiananmen en 1989, ont été inculpés d'incitation à la subversion tandis qu'une chômeuse de 35 ans, Liang Haiyi, a été arrêtée, samedi dans la ville de Harbin dans le nord-est, pour avoir relayé l'appel à la manifestation sur des sites Web et des forums de discussion chinois.

Pour étouffer davantage les mouvements de dissidence, le gouvernement veille à ce qu'aucune information ne traverse les frontières. Selon un entrefilet du Bureau d'information de la municipalité de Pékin, publié dans le China Daily, les journalistes étrangers se voient interdits "de parler aux Pékinois; toute interview réalisée dans la capitale chinoise devra faire l'objet d'une demande d'autorisation préalable". La réglementation concernait auparavant les seules zones sensibles de Tiananmen ou encore du Tibet. Désormais, il sera difficile pour les reporters d'exercer leur métier.

Ces mesures font dire au CHRD que "la répression menée par le gouvernement contre les militants pourrait être l'une des plus draconiennes de ces dernières années". Pour autant, les organisateurs ne sont pas décidés à cesser leur combat. Dans un message Internet, ils ont indiqué qu'une "action prolongée était nécessaire afin de montrer à Pékin que le peuple exige du régime communiste qu'il rende des comptes et fasse preuve de transparence". L'échec relatif de leur précédent appel ne semble pas les avoir découragés: "venez sans armes, promenez-vous et souriez, lancent-ils. Les sourires sont plus forts que les slogans."

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