Sunday, February 27, 2011
L'ARGENT PEUT-IL RESOUDRE LES PROBLEMES DE DEVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE ?
PAS DU TOUT. Le problème en Afrique n'a jamais été le manque d'argent, mais plutôt l'incapacité à exploiter l'esprit africain. Imaginez un cultivateur de bananes dans un village rural d'Afrique avec un toit qui fuit et qui coûterait 100 $ à réparer. Si quelqu'un achetait pour 100 $ de ses bananes, l'agriculteur aurait le pouvoir et le choix de déterminer si le toit qui fuit est sa priorité de dépense. D'un autre côté, si on lui donnait 100 $ à titre de subvention ou de prêt pour réparer le toit, son choix serait limité à ce que le donateur voit comme une priorité. Sur 960 millions d'Africains dans 53 Etats, il y a les innovateurs et les entrepreneurs qui, s'ils sont récompensés par le marché, se pencheront sur les défis auxquels fait face le continent.
Si l'argent était la clé pour résoudre les problèmes, les banques enverraient des agents dans les rues pour fournir de l'argent aux personnes dans le besoin. Mais les banques n'offrent de l'argent qu'à des personnes qui ont réussi à traduire leurs problèmes en opportunités. Une aide britannique de 7 millions de $ à 228 éleveurs de Samburu au Kenya en 2002 ne les a pas empêché de se transformer en pauvres en 2007. L'argent en soi est neutre. Des montants importants d'argent considérés comme du capital ont conduit les stratèges (qui dépeignent l'Afrique comme prise au piège dans un cycle de pauvreté) à plaider en faveur de flux massifs de capitaux comme le seul moyen de sortir de la pauvreté. Au contraire, voir l'argent comme une valorisation, une création, un effet résultant de l'échange entre différentes parties, offre une occasion de traduire les problèmes africains en opportunités.
Comme Lord Peter Bauer l'a très bien fait remarquer : « l'argent est le résultat de la réussite économique et non pas une condition préalable.» Comment les Africains peuvent-ils s'engager dans des activités qui mèneront à la réussite économique? La clé est de transformer la mentalité des 50% de la population africaine de moins de 20 ans afin qu'ils se focalisent sur la conversion des problèmes de l'Afrique en opportunités. En Afrique aujourd'hui, il y a des occasions d'affaires pour nourrir 200 millions de personnes sous-alimentées, tuer des milliards de moustiques provoquant le paludisme qui menacent la vie d'environ 500 millions de personnes, et développer les infrastructures.
L'Afrique a un capital énorme sous forme de ressources naturelles qui comprennent le pétrole, l'énergie hydroélectrique, les diamants, l'uranium, l'or, le cobalt, 70% du coltan mondial et 34% de sa cassitérite. Le coltan et la cassitérite sont stratégiques dans la production de téléphones cellulaires, d'ordinateurs portables et autres produits électroniques. Si les Africains employaient le pouvoir de la raison, l'industrie mondiale des téléphones portables, qui débite 25 téléphones cellulaires par seconde, fournirait une énorme source de revenus aux pays respectifs; élargissant ainsi leurs choix possibles.
Mettre l'accent sur l'esprit humain africain comme capital permettra de traduire les ressources en richesses, contribuant ainsi à résoudre les problèmes de l'Afrique. L'utilité et la valeur de l'argent ne seront générées que par des réponses rationnelles aux défis qui interpellent le continent à travers l'échange de produits et de services au niveau du village, au niveau national, continental et international.
James Shikwati est le fondateur et directeur du Inter Region Economic Network et chef de la direction de la revue The African Executive business magazine.
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C'EST CE QUE JE PENSAIS... mais plus maintenant. Il y a cette maxime éculée qui dit : Si vous détenez un marteau dans la main, tout problème ressemble à un clou. Qu'advient-il alors, quand tout ce que nous tenons dans nos mains est un carnet de chèques ? L'approche «chéquier» du développement suggère que les nations pauvres ne peuvent pas développer les compétences nécessaires pour résoudre leurs propres problèmes. Il y a, cependant, une exception notable.
Le président du Rwanda, Paul Kagamé, m'a appelé à son bureau pour l'aider à renforcer les capacités du secteur privé et améliorer la compétitivité des exportations. Je l'ai informé que la somme d'argent et le temps qu'il avait budgétisés ne permettraient pas de réaliser à la fois mon travail et d'assurer la formation des Rwandais. Il me raconta l'histoire : quand il eut enfin accumulé assez d'argent pour régler les arriérés de salaire de ses troupes qui se battaient pour mettre fin au génocide, il leur demanda si, à la place, il pouvait utiliser l'argent pour acheter des hélicoptères afin de mettre fin à la guerre plus rapidement. Pas un seul soldat ne s'y opposa.
Le Président Kagamé acheta les hélicoptères à des pays, à la condition qu'ils fournissent également des pilotes. Il a ensuite persuadé les pilotes d'effectuer des missions en territoire ennemi, et, en même temps, de former les Rwandais au pilotage. Sa tactique, dans un pays sans routes et aux milles collines, abrégea la guerre, et sauva des vies.
Chaque nation a besoin d'argent pour moderniser et améliorer la vie de ses citoyens, et c'est d'ailleurs positif quand une nation riche aide une nation pauvre après une catastrophe naturelle, ou pour répondre à un besoin humain fondamental. Mais, trop souvent, quand une nation aide une autre, cela est basé sur une injection massive de capital financier soumise à un changement des politiques monétaire, commerciale, d'investissement, budgétaire, sectorielle et salariale. Il s'agit souvent de bons conseils non dépourvus de compromission. La nation riche devient décisionnaire alors que la responsabilité de l'avenir d'une nation doit toujours rester entre les mains des citoyens de cette nation, et non celles de conseillers étrangers, et certainement pas celles de créanciers et de bailleurs de fonds.
Cette approche «chéquier» du développement confond compassion et générosité avec une sur-responsabilité pour les êtres humains. Explicitement ou implicitement, le donneur leur dit comment faire fonctionner leur pays, et ce processus, sans le vouloir, peut priver les citoyens des pays émergents de leur bien les plus précieux - la dignité et l'autonomie.
Le Rwanda reçoit peu d'aide étrangère. Les dirigeants de la Banque mondiale m'avaient présenté, avec plusieurs autres experts, au Président Kagamé et avaient promis de payer le coût de notre travail, mais ils avaient besoin de deux ans pour réaliser le programme, et le Rwanda ne pouvait pas attendre deux ans. Le Président Kagamé comprenait que la pauvreté détruisait les pierres angulaires de la société de son pays : la tolérance, la confiance, les aspirations et l'espoir. Il décida de payer nos salaires à partir du produit de son programme de privatisation, mais il a exigé que l'on commençât immédiatement, et que nous le remboursions, si nous ne faisons pas ce à quoi nous nous étions engagés. Il requit en outre : « Je veux que vous soyez comme ceux qui pilotaient les avions et formaient les Rwandais». J'ai demandé: «Voulez-vous que je vous aide à tuer l'ennemi, aussi?» Il a répondu : «Je veux que vous m'aidiez à tuer la pauvreté.»
Le Rwanda n'a pas d'argent, mais c'est une nation qui souhaite s'émanciper du fatalisme rampant souvent favorisé (mais de manière non intentionnelle) par des personnes dites bienveillantes. Son leadership a eu le courage de contester les hypothèses sous-jacentes de l'aide internationale, et cela a conduit à une croissance de près de 20% par an des salaires de subsistance dans ses principaux secteurs d'exportation. La responsabilité de son propre avenir repose entièrement sur les épaules des hommes et des femmes de son pays. Pas un seul Rwandais n'objecte.
Michael Fairbanks est le co-fondateur de la OTF Group, et le SEVEN FUND, qui accorde des bourses pour les solutions d'entreprise à la pauvreté.
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NON. En fait, après cinquante ans de tentatives et 600 milliards de dollars d'aide, avec une hausse presque nulle du niveau de vie en Afrique, je peux défendre la réponse «non» de manière assez ferme. Les avocats de l'aide parlent des solutions peu coûteuses comme les sels de réhydratation orale à 10-cents qui permettraient de sauver un bébé mourant de maladies diarrhéiques, le médicament contre le paludisme à 12-cents qui sauve quelqu'un atteint du paludisme ou les moustiquaires à 5 $ qui les empêchent de contracter le paludisme en premier lieu. Pourtant, malgré l'afflux de l'argent de l'aide, deux millions de bébés sont encore morts de maladies diarrhéiques en 2009, plus d'un million sont encore morts du paludisme, et la plupart des victimes potentielles du paludisme ne dorment toujours pas sous des moustiquaires.
De toute évidence, l'argent seul ne résout pas les problèmes. Ce qu'il faut au contraire, ce sont des entrepreneurs dans les domaines économiques, social et politique qui soient responsables, par exemple, de s'assurer que les médicaments arrivent aux victimes, plutôt que des slogans magnifiques pour des solutions administratives qui ne sont que des véhicules publicitaires servant à augmenter encore plus l'argent levé pour des bureaucraties de l'aide inefficaces. Les entrepreneurs seraient responsables des résultats, contrairement aux bureaucrates de l'aide et aux politiciens des pays riches qui font des promesses dont personne ne les tient pour responsables.
Quant à faciliter le développement en Afrique, la libre entreprise est le véhicule qui a fait ses preuves pour échapper à la pauvreté partout ailleurs (voir la Chine et l'Inde plus récemment) et il est tout simplement condescendant de prétendre que cela ne fonctionnera pas en Afrique. L'espoir de l'Afrique vient davantage de quelqu'un qui, comme l'homme d'affaires Alieu Conteh, a lancé avec grand succès en plein chaos de la guerre civile, une entreprise de téléphones cellulaires en République démocratique du Congo, que de célébrités défendant l'aide comme Bono. Les Africains sont loin d'être condamnés à demeurer les pupilles impuissantes de riches donateurs : les libertés économiques et politiques du cru permettront aux Africains eux-mêmes de résoudre leurs propres problèmes.
William Easterly est professeur d'économie à l'Université de New York, conjointement avec Africa House, et co-directeur de l'Institut de recherches pour le développement à NYU. Il est également membre non-résident du Center for Global Development à Washington, DC.
A Templeton conversation, in templeton.org / French translation from unmondelibre.org
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