Saturday, February 26, 2011

Les danger de l'automédication



Automédication : de quoi s’agit-il ?


On ne trouve aucune définition de l’automédication dans le Code de la Santé publique puisqu’il ne s’agit pas d’un traitement mais d’un comportement, pratiqué par 80 % des Français dans certaines circonstances. Il consiste à se prescrire à soi-même des médicaments, sans l’intervention d’un médecin. Ceci suppose que l’on s’estime apte à se prendre en charge de façon indépendante pour des maladies bénignes (rhume, maux de tête, maux de gorge, constipation, problèmes cutanés, hémorroïdes).
Faute d’une définition précise, il est difficile de garantir la sécurité sanitaire de l’automédication, même si les médicaments dits de « non-prescription obligatoire » ont reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) comme tout médicament. Ceci garantit leur efficacité clinique, thérapeutique et toxicologique.


Retard du diagnostic – Perte de chance

Devant un trouble de santé, la personne analyse les symptômes, leur intensité, leur durée et décide de ne pas consulter et d’administrer à soi ou à son enfant un traitement, médicamenteux ou non, dont il dispose (pharmacie familiale dans le cas d’un traitement médicamenteux) ou qu’il acquiert sans ordonnance.

Le risque initial grave que prend l’usager est d’assimiler à tort la nouvelle maladie à une pathologie bénigne qu’il croit reconnaître et de faire ainsi une erreur de diagnostique retardant ainsi la mise en place d’un traitement efficace.

Un second risque s’ajoute lié au fait qu’un traitement symptomatique léger peut masquer partiellement ou même initialement totalement la symptomatologie et retarder le diagnostic d’une pathologie, entravant la mise en place de son traitement. On connaît bien par exemple les risques que comporte la mise en place d’une antibiothérapie beaucoup trop courte (fin d’un traitement précédent retrouvé dans l’armoire à pharmacie familiale) non adaptée au germe en cause qui n’a pas été recherché, qui aura été « décapité » par le traitement initial rendant difficile son identification secondaire et les complications et résistances qui peuvent en découler. Ainsi le choix de l’automédication peut-il entraîner dans certains cas une nette perte de chance pour le patient.

Non respect des règles d’utilisation

Un grand nombre de problèmes secondaires aux pratiques d’automédication provient de mésusages en partie liés au fait que les patients ne lisent pas ou lisent mal la notice jugée trop longue ou trop complexe. Des efforts pédagogiques ont été réalisés ces dernières années, notamment l’apposition de logos et de schémas plus accessibles au public.

Les principales erreurs tiennent aux posologies (doses journalières non adaptées, mauvaise répartition dans la journée, non prise en compte du mode d’administration s’il est particulier) et à l’emploi sans tenir compte des facteurs de risques et des précautions d’emploi. L’administration à de jeunes enfants de formes pharmaceutiques qui ne leur sont pas destinées est malheureusement fréquente.
Enfin le patient peut se juger à tort guéri dès lors que la symptomatologie s’amende et interrompre trop vite ou trop brutalement un traitement, ce qui peut générer des réactions de rebond et/ou rendre plus difficile la prise en charge médicale secondaire de la pathologie.

Effets secondaires

Les médicaments destinés à l’automédication sont mis sur le marché s’ils ont fait la preuve d’une large utilisation sans risque et si leur usage sans contrôle médical ne pose pas de problème de santé publique. Les effets indésirables rencontrés dans ces conditions devraient être bénins. Les classes posant le plus de problèmes sont les antalgiques : aspirine jugée anodine et totalement banalisée, ibuprofène pris à dose anti-inflammatoire ou associé à l’aspirine et leurs classiques mais graves effets digestifs. L’absence de suivi médical peut entraîner des mésusages et il faut insister sur les dépendances de certains patients (le plus souvent des femmes migraineuses) aux antalgiques, situations dans lesquelles le cercle vicieux des céphalées dues aux antalgiques les conduit à associer entre eux plusieurs médicaments avec des conséquences d’escalade de doses et/ou de synergies d’effets indésirables.
Dans certains cas le mésusage en automédication peut entraîner des troubles pour lesquels le patient envisagera un traitement correctif. On s’engage alors dans une escalade de l’automédication, un exemple classique est l’absorption chronique de laxatifs irritants suivie de colopathie fonctionnelle pour laquelle le patient s’« autoprescrira » un pansement intestinal.
Les effets indésirables peuvent être également la conséquence de l’utilisation de médicaments listés, générateurs d’effets parfois graves, conservés dans la pharmacie familiale et pris à des posologies inadaptées. Enfin les effets indésirables résultent le plus souvent d’associations non contrôlées et dont le risque n’est pas perçu par l’usager.


Interactions médicamenteuses

Trois situations à risques sont rencontrées :
- le patient associe lui-même plusieurs médicaments d’automédication,
- le médecin, lors de l’établissement d’une nouvelle prescription, s’enquiert des coprescriptions mais pas des médicaments pris en automédication par le patient. Or celui-ci ne pense pas à signaler le traitement qu’il juge banal (aspirine) ou qu’il ne considère pas comme un médicament (contraceptif oral, phytothérapie, suppléments vitaminiques…). De plus le patient peut se sentir coupable vis à vis de son médecin de « s’automédiquer » et ne pas avouer cette pratique.
- L’usager « oublie » une prescription chronique, « routinière » (antihypertenseurs, hypolipémiants, hypo-uricémiants) et ne se pose aucune question quant aux dangers d’une automédication se rajoutant au traitement habituellement prescrit, alors que cette association devrait être a priori déconseillée en l’absence d’avis du prescripteur.
L’interaction particulière médicament-alcool et notamment les pertes de vigilance qu’elle peut provoquer est mal connue du grand public et doit être fréquemment rappelée en consultation.

Risques iatrogènes lors de la grossesse

Les enquêtes publiées chez la femme enceinte montrent que de nombreuses classes sont utilisées en automédication. Certaines sont considérées à tort comme anodines car banalisées comme les suppléments vitaminiques, les antalgiques ; d’autres sont des traitements symptomatiques de pathologies courants pendant la grossesse comme les veinotoniques ou les médicaments de gastroentérologie (anti-acides, laxatifs, antinauséeux).

Mauvaise gestion de l’armoire à pharmacie familiale

La vérification des dates de péremption des produits conservés est une pratique rare, sans compter que le médicament est souvent déconditionné et perd alors à la fois sa boîte et sa notice. Par ailleurs, les conditions de stockage (à l’abri de la chaleur, de la lumière, de l’humidité) ne sont pas toujours respectées, ni l’évidente consigne de rangement hors de portée des enfants.


Quels sont les produits d’automédication ?


Les médicaments que l’on peut se procurer librement sont vendus sans ordonnance. Ils recouvrent les produits de médication familiale, officinale, de conseil, les spécialités grand public et les médicaments à prescription facultative. Ceci représente 6,1 % du marché total des médicaments (chiffres Afipa 2007).
Par exemple, les sujets âgés consomment préférentiellement en automédication : des antalgiques pour atténuer les phénomènes douloureux présents chez 45 à 70 % d’entre eux, douleurs liées au vieillissement ostéoarticulaire notamment, des antiinflammatoires, des laxatifs, des somnifères et des anxiolytiques.



Quels sont les enjeux sanitaires et juridiques ?



Pratiquée de tout temps, l’automédication, cette autonomie légitime ou risquée que s’attribue le citoyen, est encouragée aujourd’hui par l’expansion des associations de patients et par le déremboursement d’un certain nombre de médicaments (antalgiques, sirops, veinotoniques). Ses avantages apparents (économie d’une consultation médicale et non-remboursement par la Sécurité sociale) sont à nuancer en raison du surcroît d’accidents médicamenteux coûteux motivant une hospitalisation (128 000 cas par an) ou une reprise de traitement par le médecin.
L’automédication engage notamment la responsabilité de l’intéressé, mais aussi celle du pharmacien qui, en délivrant une médication en l’absence de prescription médicale, se doit d’en rappeler le bon usage (art. R. 5015-1 du Code de la Santé publique).


De quoi faut-il se méfier quand on s’automédique ?


Les risques habituels liés à la prescription médicale sont renforcés.
1. Les risques d’intolérance et les interactions médicamenteuses ; ils sont décrits dans les mises en garde figurant dans le dictionnaire Vidal® de l’automédication, ou sur les notices de médicaments. Les effets indésirables des médicaments sont deux fois plus nombreux après 65 ans, alors que les deux tiers seraient évitables.
2. La mauvaise observance : elle concerne la moitié des sujets âgés.
3. La mauvaise utilisation d’un produit : 60 % de sujets âgés pensent bien utiliser un inhalateur bronchique par exemple, alors qu’ils ne sont que 10 % à réussir la manœuvre.
4. Les risques d’intoxication grave : un peu plus de 3 % des hospitalisations seraient en rapport avec une iatrogénie (incident dû à un soin) médicamenteuse ! Selon l’Apnet (Association pédagogique nationale pour l’enseignement de la thérapeutique), sur 109 accidents ayant motivé une hospitalisation, 8 sont liés à une automédication : 5 de médicaments antidouleur (antalgiques), 2 d’antiinflammatoires non stéroïdiens.
Ce phénomène est d’autant plus à craindre que le patient ne précise pas à son médecin ce qu’il prend déjà pour son propre compte. Le cumul des médicaments du médecin et de ceux du patient est très risqué.

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