Rougeole, tuberculose, coqueluche, gale... On croyait ces maladies disparues, elles persistent. Pour la rougeole, on parle même d'un grand retour, avec 22 000 cas recensés depuis trois ans. Depuis janvier, près de 14 500 personnes ont été touchées. Les autorités s'activent. Jeudi 13 octobre, l'Institut national de la prévention et d'éducation pour la santé (INPES) devait lancer une nouvelle campagne de communication à destination des jeunes adultes, qui perçoivent souvent à tort la rougeole comme "une maladie de l'enfance".
Au printemps, la secrétaire d'Etat à la santé, Nora Berra, s'était déjà alarmée de la couverture vaccinale insuffisante. Les zones de forte influence de la rougeole sont celles où la vaccination est plus faible, notamment dans le Sud, où les opposants à la vaccination sont bien implantés. La couverture vaccinale y atteint 80 %, alors qu'il faudrait 90 à 95 % de taux de vaccination pour enrayer la maladie.
La rougeole, qui se caractérise notamment par une forte fièvre et une toux, est une maladie très contagieuse. "Une personne rougeoleuse dans une salle d'attente contamine tout le monde car le virus est très persistant dans l'air", constate le docteur Denise Antona, de l'Institut national de veille sanitaire (InVS). Les effets sont plus graves pour les bébés, les jeunes adultes et les femmes enceintes. La maladie peut entraîner de sévères complications. Dix personnes en sont mortes depuis 2008 et il y a eu de nombreuses hospitalisations.
Les personnes nées après 1980 sont moins bien couvertes. Ayant été vaccinées, elles n'ont pas eu la rougeole quand elles étaient enfant, contrairement aux plus âgés. Mais n'ont reçu qu'une seule dose de vaccin - la double injection n'est la règle que depuis la fin des années 1990. La rougeole réapparaît donc dans cette population. "Si vous êtes nés depuis 1980 et que vous n'avez plus de carnet de santé, vous n'êtes plus protégés", alertent les autorités sanitaires. La vaccination à deux doses est la seule protection efficace, insistent-elles. Et se vacciner, c'est se protéger soi-même, mais aussi les autres.
Le feront-ils ? La question se pose. A l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, on aurait aimé qu'il soit décidé de rendre le vaccin gratuit - il n'est remboursé à 100 % que jusqu'à 18 ans -, pour éviter que de jeunes adultes sans mutuelle n'y renoncent.
Au printemps, la secrétaire d'Etat à la santé, Nora Berra, s'était déjà alarmée de la couverture vaccinale insuffisante.
Pour les autorités, le défi sera d'autant plus difficile à relever que, depuis plusieurs années, les réticences aux vaccins augmentent, amplifiées par le fiasco de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 en 2009. Fin 2008, seuls 40 % des enfants de 2 ans avaient reçu les deux doses de vaccins nécessaires contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR).
Autre obstacle, si les enfants ont un carnet de santé à jour et à disposition, c'est loin d'être le cas des adultes. Et depuis que la France promet un dossier médical personnel (DMP) informatisé à tous, une affaire qui traîne depuis des années, il n'y a plus de réflexion sur le carnet de vaccination.
La rougeole n'est pas la seule maladie qui inquiète les experts. La gale, une affection contagieuse de la peau, est en augmentation. La coqueluche, après un pic en 2009, est dans une phase descendante mais sévit encore. "Le vaccin contre la coqueluche ne protège pas à vie, précise Emmanuel Belchior de l'InVS. Il est recommandé chez les parents ayant un projet d'enfants, les jeunes adultes, et les personnels soignants, dont le taux de vaccination n'est que de 20 %..."
La tuberculose aussi reste préoccupante. "On pensait qu'elle était éradiquée, que c'était une maladie du passé, et c'est vrai qu'elle a considérablement diminué au fil du temps", explique Delphine Antoine de l'InVS. Mais 5 276 cas ont encore été recensés en France en 2009. "Ce chiffre est un peu sous-estimé. Il y aurait environ 7 000 cas en France", souligne-t-elle.
Dans certaines parties du territoire, la tuberculose n'est qu'à peine stabilisée grâce aux campagnes de dépistage. La Seine-Saint-Denis est ainsi le département le plus touché, du fait de la présence de migrants venant d'Asie, d'Afrique subsaharienne ou d'Europe de l'Est, où l'incidence est plus forte qu'en France.
"On a en France une très mauvaise politique de lutte contre la tuberculose", s'énerve Claude Dilain (PS), maire de Clichy-sous-Bois et pédiatre. Dans sa ville, où une vingtaine de cas ont été recencés cet été, un dépistage massif vient d'être organisé (Le Monde du 29 septembre). M. Dilain reproche aux autorités sanitaires d'avoir mis l'accent, ces dernières décennies, essentiellement sur la vaccination, qui n'est pas efficace à 100 %. Il regrette aussi que la levée de l'obligation du vaccin du BCG en 2007 n'ait pas été accompagnée d'une politique de dépistage systématique, qui permettrait de détecter la présence du bacille de Koch avant même que la maladie ne se déclare.
D'une façon générale, les populations précaires paient un plus lourd tribut face aux maladies contagieuses. Le moindre accès aux soins, la malnutrition, les logements suroccupés facilitent la propagation. "La couverture vaccinale est plus faible dans les populations en grande précarité, rappelle le docteur Laurent Chambaud, directeur de la santé publique de l'ARS d'Ile-de-France, qui sont en outre moins touchées par les messages de prévention." Tout l'enjeu est d'atteindre ces personnes non protégées.
Laetitia Clavreul et Pascale Santi
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