Saturday, January 28, 2012
Le Sénégal s'embrase, le chanteur Youssou N'Dour écarté.
Les premiers heurts ont éclaté dès vendredi soir à Dakar, puis dans plusieurs villes sénégalaises, avec l'annonce de la validation par le Conseil constitutionnel de la candidature d'Abdoulaye Wade à l'élection présidentielle. Une annonce d'autant plus mal perçue par les opposants au président que, parallèlement, la candidature du très populaire Youssou N'Dour était, elle, écartée. Dès la nouvelle connue, des jeunes qui attendaient depuis des heures Place de l'Obélisque, à Dakar, ont jeté des pierres sur les policiers qui ont riposté à coups de gaz lacrymogène et de matraque. Les manifestants, armés de barres de fer, ont également mis le feu à des pneus et des courses-poursuites se sont engagées avec les policiers dans les rues adjacentes au lieu de rassemblement. Les violences ont duré toute la nuit, et pendant que plusieurs quartiers de Dakar s'emplissaient de pneus et de voitures enflammés, la télévision locale a fait état de la mort d'un policier au cours des émeutes, sans davantage en préciser les circonstances.
Des heurts semblables ont été signalés dans la ville de Kaolack, dans le centre du pays : des témoins ont signalé un poste de police mis à sac et selon la radio publique, l'antenne locale du Parti démocratique sénégalais (PDS), la formation de Wade, a été détruite par les flammes. On annonçait également des manifestations dans les localités de Thies et de Mbour.
"Je suis candidat et je le reste"
Au total, le Conseil constitutionnel a validé vendredi quatorze candidatures pour la présidentielle, dont celle d'Abdoulaye Wade. Les adversaires du président sénégalais contestent sa légitimité à se représenter et renvoient à la Constitution, qui interdit d'effectuer plus de deux mandats présidentiels consécutifs. Abdoulaye Wade, 85 ans, arrivé au pouvoir en 2000 puis réélu en 2007, leur répond que son premier mandat ne compte pas, car il a été entamé avant l'ajout de cet amendement constitutionnel, en 2001. Parmi les treize autres candidatures validées par le Conseil constitutionnel, on trouve le chef de file du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng et trois ex-Premier ministres : Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Macky Sall. Celle du chanteur Youssou N'Dour a en revanche été déclarée non valide au motif qu'il n'avait pas réuni les 10.000 signatures de soutien requises. Le chanteur en avait pourtant déposé 12.000 ; mais le Conseil constitutionnel a indiqué que 4000 des soutiens revendiqués par l'artiste n'avaient pu être vérifiés.
En réaction, Youssou N'Dour a appelé ses partisans à s'opposer à la tenue du scrutin. "Nous n'autoriserons jamais Abdoulaye Wade à participer à cette élection", a-t-il affirmé à l'antenne de sa chaîne de télévision, TFM. "La décision de me tenir à l'écart n'a rien à voir avec le droit. C'est une décision politique, à laquelle nous répondrons par une décision politique". Dénonçant un "coup de force" du président Wade, il a assuré : "Je suis candidat et je le reste", en précisant qu'il avait "48 heures pour un recours" contre la décision du Conseil.
Le Mouvement du 23 juin (M23), coalition de partis politiques d'opposition et d'organisations de la société civile contestant la candidature du président Wade, a appelé à "marcher sur le palais" présidentiel pour l'en "déloger". Abdoul Aziz Diop, un des responsables du M23, a exhorté les Sénégalais "à se joindre au Mouvement pour organiser la reprise du territoire occupé par Abdoulaye Wade et ses sbires". Autre candidat à la présidentielle, Moustapha Niasse a assuré : "Wade n'a aucun droit d'effectuer un troisième mandat, et le peuple saura résister". Devant ces réactions violentes, le président sénégalais a pris la parole à la télévision pour appeler les manifestants à cesser "les manifestations d'humeur qui ne conduisent à rien", en promettant : "La campagne électorale sera ouverte, il n'y aura pas de restrictions à la liberté".
Youssou Ndour, star et homme d'affaires très impliqué dans son pays
Le chanteur sénégalais Youssou Ndour le 8 juillet 2011 au festival de jazz de Montreux Fabrice Coffrini
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Star internationale du show-business, homme d'affaires avisé qui a choisi d'investir dans son pays, le chanteur sénégalais Youssou Ndour, 52 ans, entend continuer le combat politique en dépit du rejet de sa candidature à la présidentielle de février.
Le 3 janvier, "You", comme on l'appelle au Sénégal où il est très populaire, avait annoncé sa candidature à la présidentielle du 26 février, arguant d'"un devoir patriotique suprême" et expliquant répondre à des sollicitations de nombreux Sénégalais".
Vendredi, cette candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel au motif qu'il n'avait pas présenté suffisamment de signatures de soutien.
Baba Diop, journaliste sénégalais réputé, avait estimé début janvier que "Youssou Ndour, qui a déjà une renommée, peut attirer chez les jeunes une sympathie. Le profil de président qu'il veut rendre, c'est plus un président manager qu'un président sorti de l'université ou un président politique".
Dans un entretien accordé à l'AFP début janvier, Youssou Ndour avait déclaré: "Je pense que je vais créer la surprise, je pense qu'il y a une évolution silencieuse, les gens vont voter Youssou Ndour".
Issu d'un milieu modeste du quartier populaire de la Médina à Dakar, "You" n'a pas fait d'études supérieures. Père et grand-père, c'est un "self-made man": parti de rien, il s'est fait un nom, un statut social et a fondé de nombreuses sociétés.
Et il met en avant sa notoriété internationale et ses nombreuses relations dans le monde pour favoriser le développement du Sénégal.
"Moi, (quand) je deviens président du Sénégal, je sais que je suis accueilli à bras ouverts un peu partout dans le monde, et là je pourrais changer la donne, faire partie d'une dynamique économique, parce que j'ai envie d'atteindre l'autosuffisance alimentaire", avait-il dit à l'AFP.
Auteur de plus de 20 albums, il a chanté avec des célébrités: "7 Seconds", en duo avec Neneh Cherry, fut un tube planétaire, mais il a aussi collaboré avec Peter Gabriel, Sting, Wyclef Jean, Paul Simon, Bruce Springsteen.
Il s'est parallèlement engagé, entre autres combats, contre le paludisme et la faim, en ayant réussi à préserver relativement bien sa vie privée.
Au Sénégal, il crée un studio, des sociétés de production, de micro-crédit, anime une fondation caritative, est patron de presse, possède un nightclub à Dakar, le "Thiossane", où il se produit régulièrement en pleine nuit.
En 2010, il fonde un mouvement citoyen baptisé "Fekke ma ci bollé" ("Je suis là, donc, j'en fais partie" en langue nationale wolof), dont l'intention initiale était de soutenir publiquement, pour la première fois, un candidat à la présidentielle.
Un pas de plus dans son opposition à l'actuel chef de l'Etat Abdoulaye Wade, 85 ans, au pouvoir depuis 2000, dont il conteste comme beaucoup d'autres la candidature à un troisième mandat en février.
"Je voudrais faire du Sénégal un pays qui se fait tout seul par la main et la force de ses enfants. Ma vie est faite de 10% d'inspiration et 90% de transpiration. Voilà pourquoi j'ai les moyens de mettre le Sénégal au travail", avait-il dit en présentant sa candidature.
Des Sénégalais de la rue, interrogés au moment de l'annonce de cette candidature, l'avaient accueillie avec sympathie, mais sans se faire d'illusion sur ses chances de victoire. "Ce n'est pas un chef d'Etat, c'est un artiste", déclarait ainsi un agent de sécurité de Dakar en concédant que certains pourraient néanmoins voter pour lui afin de barrer la route au président Wade.
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