l'Allemagne, bien que contributrice nette des fonds de solidarité européens, est toujours la grande gagnante de l'euro
En Allemagne, les études mesurant l'opinion de la population sur l'euro se suivent, et parfois... se contredisent. Une enquête publiée en décembre 2011 par le Centre pour les études politiques européennes (CEPS) assurait que deux Allemands sur trois soutenaient la monnaie unique. Des résultats en décalage avec les enquêtes menées par l'institut de sondages d'opinion d'Allensbach, qui estime de son côté que deux Allemands sur trois... n'ont pas confiance dans l'euro et regrettent le deutschemark.
Le débat vieux de dix ans a repris, en cette année de crise de la zone euro, avec la même ardeur qu'à l'époque de l'introduction de la monnaie unique. Le point culminant des débats a été atteint cet été, lorsque trois économistes de renom ont défendu devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe un recours contre les aides accordées par l'Allemagne aux pays en difficulté de la zone euro. Le spectre du "renflouement" des pays défaillants a jeté le doute sur la solidité de la monnaie européenne et attisé la nostalgie du mark.
Pourtant, les études sont unanimes : l'Allemagne, bien que contributrice nette des fonds de solidarité européens, est toujours la grande gagnante de l'euro. Depuis son introduction dans les échanges en 1999, les exportations allemandes en direction des pays de l'Union européenne ont bondi de 9 % par an, contre 3 % par an entre 1990 et 1998. Elles représentent 40 % du total des exportations allemandes. L'euro, en supprimant le risque de change, a notamment facilité les exportations des entreprises de taille moyenne, moteurs de la croissance allemande, vers les pays européens.
Une étude de l'institut fédéral des statistiques Destatis, parue en décembre, montre même que le taux d'inflation, grande préoccupation des Allemands, a été de 1,6 % en moyenne depuis l'introduction de l'euro, contre 2,6 % à l'époque du deutschemark.
Dans ces conditions, comment expliquer cette position ambivalente des Allemands vis-à-vis de la monnaie unique ? Il y a d'abord l'argument psychologique. "Le deutschemark était le symbole du miracle économique et de la réunification ; il était considéré, à côté du franc suisse, comme la monnaie la plus stable d'Europe", rappelait Jens Weidmann, président de la Banque centrale allemande, dans un discours prononcé le 18 décembre.
Il y a aussi l'impression de hausse des prix. Malgré la faible inflation relevée par l'office des statistiques, les biens de consommation courante se sont effectivement renchéris avec l'euro, d'où son surnom de "teuro", de l'adjectif teurer, "plus cher". "Teuro" a été le mot de l'année 2002, mais aussi des années suivantes.
C'est bien de ce côté qu'il faut chercher les raisons du désamour. En 2002, l'Allemagne compte 5 millions de chômeurs et lutte pour retrouver de la compétitivité. En 2005, elle flexibilise son marché du travail, les prestations sociales sont rabotées.
Dans le même temps, la progression des salaires subit un coup de frein. Les entreprises exportent de plus en plus, mais le pouvoir d'achat réel des salariés baisse. Un déclassement que l'euro-"teuro" tend à exacerber. Le parti d'extrême gauche Die Linke rappelle souvent que l'euro, s'il a été bon pour les entreprises, est synonyme de sacrifices importants pour les salariés. A l'heure où l'Europe admire les performances de l'économie allemande, le fossé entre riches et pauvres n'a jamais été aussi profond.
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