Marc Ravalomanana a bord de l'avion qui devait le ramener à Madagascar, samedi 21 janvier.
Envoyé spécial dans les airs entre Johannesburg et Antananarivo - Ce samedi, à bord de l'avion emportant Marc Ravalomanana vers sa terre natale malgache, le déjeuner a déjà été servi, les passagers s'assoupissent, lisent ou conversent. Le vol SA 8252 a déjà parcouru les deux-tiers de son trajet. Derrière les hublots, le bleu de l'océan Indien.
Soudainement, la porte du cockpit s'ouvre, et un membre de l'équipage, un gilet jaune fluorescent sur le dos, apparaît. "Nous devons faire demi-tour, ils ont fermé l'aéroport", lance-t- il à la délégation accompagnant l'ex-président malgache. Un attroupement se forme à l'avant de l'aéronef. Marc Ravalomanana, cravate bleu, chemise rayée, se lève à son tour. Le visage est fermé.
Dans les rangs, l'agacement est perceptible, mais pas la surprise. Tous se doutaient qu'Andry Rajoelina, l'actuel président du pays, serait prêt à tout pour empêcher son rival de rentrer au pays.
L'avion n'atterrira pas. Marc Ravalomanana se lève, le visage fermé.
Le matin même, Marc Ravalomanana avait pourtant réussi cette fois-ci à obtenir sa carte d'embarquement, qui lui avait été refusé il y a un an. Confiant, l'ex-homme fort de la Grande Île avait même ajouté : "J'ai parlé ce matin au premier ministre malgache, et il m'a dit que tout était ok". A ses côtés, on rappelle qu'il n'y a "aucune base légale" pour l'arrêter une fois sur place.
Quand l'avion s'arrache du tarmac de l'aéroport de Johannesburg, M. Ravalomanana embrasse plusieurs fois sa femme, Lalao, assise à côté de lui au premier rang. La fin de trois années d'exil depuis son éviction par un coup d'Etat mené par Andry Rajoelina est proche.
Deux heures plus tard, dans la carlingue, la discussion est musclée entre l'homme au gilet jaune et une conseillère de Marc Ravalomanana : "On veut atterrir à Madagascar !", insiste- elle. "On a contacté d'autres aéroports du pays, mais ils disent tous non" lui répond-t-il. "Alors stationnons dans les airs au-dessus d'Antananarivo ?" "Nous avons une quantité de kérosène limitée, je ne peux mettre en danger la sécurité des passagers".
L'avion fait alors un virage à 180 degrés. Sur un smartphone d'un photographe, la boussole indique désormais le sud-ouest. Retour à Johannesburg.
A chaud, devant quelques journalistes présents à bord, Marc Ravalomanana réagit : "C'est la preuve que ce gouvernement ne respecte pas la ‘feuille de route', pourquoi ne peut-on pas atterrir ? tous les exilés sont normalement autorisés à rentrer ! il y a un million de Malgaches qui m'attendent à l'aéroport [quelques milliers selon des observateurs]".
Sur le chemin du retour, la petite équipe cogite autour de l'ex-chef d'Etat pour tirer parti de ce nouvel échec. "Pour nous, c'est presque une victoire car cela va montrer que Madagascar est dirigé par un homme qui n'en fait qu'à sa tête, qui ne veut pas d'une transition consensuelle et inclusive", juge une proche de M. Ravalomanana.
A l'atterrissage à Johannesburg, la délégation refuse de descendre de l'avion. "La stratégie est désormais de faire le plus de bruit possible à l'extérieur avec cette histoire", résume un conseiller en communication. A Madagascar, sa mouvance politique annonce au même moment qu'elle suspend sa participation aux institutions de la transition.
Des responsables de la compagnie aérienne, puis des policiers essaient d'inciter les passagers récalcitrants à sortir. Mais on ne malmène pas un VIP de la sorte. Ses conseillers enchaînent les coups de fil. Marius Fransman, vice-ministre sud-africain de la coopération internationale et chef de la délégation de la médiation de la Troïka de la SADC à Madagascar est au bout de fil.
Tout d'un coup, le silence se fait. C'est le président sud-africain Jacob Zuma. Au bout de quelques minutes, la conseillère de M. Ravalomanana raccroche, et chuchote la nouvelle. Le chef d'Etat est d'accord pour faire pression sur le régime malgache lors du prochain sommet de l'Union Africaine à Addis-Abeba la semaine prochaine. Un grand sourire se dessine alors sur le visage de Marc Ravalomanana. Il tape dans la main de sa conseillère.
L'homme va de nouveau passer la nuit en Afrique du Sud, mais il a la certitude d'avoir marqué des points dans la longue bataille l'opposant à son rival, Andry Rajoelina. L'avion a atterri il y a déjà deux heures. Devant les photographes, M. Ravalomanana peut alors descendre les marches le menant au tarmac.
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