Au bout d’un mois et demi de présence dans l’île, l’ancien Premier ministre Tantely Andrianarivo suspend toute pratique politique et rentre en France. Grosse déception chez ses partisans qui l’ont accueilli en nombre à son arrivée à l’aéroport d’Ivato et qui espéraient le voir partir à la conquête du pouvoir. La décision de Tantely Andrianarivo étonne, d’autant qu’il semblait être bien intégré dans la vie politique de l’île et ne manquait pas d’exprimer son opinion sur la conjoncture. Il a par exemple plaidé pour la révision du calendrier électoral et pour un report du référendum. Ovationné par une foule acquise à sa cause lors d’un meeting à Vangaindrano (sud-est), il est même allé plus loin, annonçant qu’il visait un retour au pouvoir et participerait à la prochaine élection présidentielle.
En tout cas, Tantely Andrianarivo avait des chances d’obtenir l’investiture de l’Arema à la prochaine élection présidentielle, et de concourir à la place de l’amiral Didier Ratsiraka. En effet, ce dernier est âgé et malade et on le voir mal entrer en compétition à l’élection présidentielle. Tantely Andrianarivo, pendant longtemps son Premier ministre, a conservé sa faveur et est son dauphin naturel. Lors des négociations de Maputo et d’Addis Abeba, Tantely Andrianarivo siégeait dans la délégation de l’amiral, ce qui est une marque de confiance et de proximité. A 56 ans d’ailleurs, l’homme est dans la fleur de l’âge et voit s’ouvrir devant lui un boulevard vers la magistrature suprême. Quelle mouche a donc soudainement piqué l’ex-Premier ministre ?
D’après lui lors du week-end, beaucoup le sollicitent de diverses manières, mais après s’être concerté avec sa famille, il préfère se retirer « un peu ». Selon toute vraisemblance, Tantely Andrianarivo est effrayé par la tournure des évènements de ces derniers jours, et préfère mettre sa personne et sa famille en sécurité en France. Rappelons que condamné à 12 ans de travaux forcés en 2003, il fut jeté en prison et a vu sa santé se dégrader rapidement. A la demande de sa famille notamment, il bénéficia d’une mesure de clémence du chef d’Etat Marc Ravalomanana et fut évacué en France. L’homme n’a pas envie de subir de nouveau les rigueurs des geôles, or dans l’actuelle situation instable où tout peut arriver, il pourrait soudainement être jeté dans un cachot. L’île d’ailleurs connaît actuellement une situation proche de la « Terreur » mise en œuvre en France après la Révolution de 1789, ou en Union Soviétique après la Révolution d’Octobre. La « Terreur » consiste à appliquer une sévère politique de répression et de violence destinée à écraser l’opposition. Avec l’interdiction de meeting aux opposants, les arrestations massives assorties de brutalités sinon de torture, la politique officielle de délation, l’emprisonnement des membres de la famille des opposants et ainsi de suite, le régime de transition applique la « Terreur » à sa façon. La machine pourrait subitement être tournée du côté de Tantely Andrianarivo…
L’autre donnée qui incite l’ex-Premier ministre à fuir le pays, c’est la mauvaise volonté manifestée par les dirigeants de la transition à accorder l’amnistie aux « prisonniers politiques ». Une ordonnance délivrée par le palais d’Ambohitsorohitra aurait suffi à régler l’affaire, mais on y traîne des pieds. Comme Andry Rajoelina affiche de plus en plus ses visées sur le poste de président de la République, on s’achemine vers un refus de l’amnistie afin d’éliminer du scrutin présidentiel les candidats coriaces. Si Tantely Andrianarivo ne bénéficie pas de cette mesure, on pourrait soudainement l’appréhender afin qu’il purge les 11 ans restants de travaux forcés…
Le cas de l’ex-juge international Raymond Ranjeva a certainement donné à réfléchir à l’ancien Premier ministre. Car sous ce régime, même si on est un légume, on peut être embarqué dans le panier à …salade.
Adelson RAZAFY
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