Comment seront financés les constructions de logements sociaux, d’hôpitaux, de complexes sportifs et des autres projets annoncés par Andry Rajoelina depuis son entrée en campagne pour le référendum, samedi dernier ? Curieusement, personne n’a posé la question. L’opposition était peut-être occupée à se mobiliser pour empêcher ce scrutin de se tenir mais la société civile, du moins la frange la plus active et la plus crédible comme le KMF/CNOE ou son émanation le SEFAFI, n’ont pas réagi jusqu’à présent. Est-ce parce que la pertinence des projets ne peut souffrir d’aucune contestation qui serait à coup sûr mal vue par une population, en autres, en mal de logements et victime des lacunes en matière d’infrastructures sanitaires ?
La question est pourtant fondamentale compte tenu du contexte mais aussi et surtout des réalités du pays dont le développement a été freiné depuis les années 80 par la chute des cours des matières premières, seule source de devises du pays jusqu’à récemment, de la mauvaise gestion et surtout du poids de la dette contractée pour les investissements à outrance pendant la période socialiste.
Certes, il y a les 100 millions de dollars tombés de la manne chinoise pour l’exploitation du gisement de fer de Soalala. Mais que représente ce montant par rapport aux projets annoncés ? L’exemple guinéen (lire note article par ailleurs) nous donne une indication sur les coûts des projets de construction d’hôpitaux qui pourraient être couverts par les droits d’exploration payés par le consortium Wisco. Les constructions de stade pourraient également être assurées par ce fonds. Mais quid de la construction des logements sociaux, de la cimenterie, du métro d’Antananarivo et, à moindre mesure des subventions pour les « Tsena mora » même si ces derniers apparaissent comme conjoncturels pour aider les familles en difficulté de faire face aux difficultés ?
Andry Rajoelina lui-même reste discret sur la question. Peut-être ne veut-il pas encore abattre toutes ses cartes pour avoir tous les atouts en main. En tout état de cause, le président de la HAT met visiblement la pression sur les bailleurs de fonds en particulier et la communauté internationale qui à l’exception des aides à caractère humanitaire, ont fermé le robinet. A travers ces projets, le message est clair : on peut compter sur d’autres financements que ceux des bailleurs de fonds traditionnels.
La construction du métro de la capitale sera par exemple assuré, d’après les inscriptions sur la maquette, par CIF Railway qui n’est autre qu’une filiale de China International Fund. Créé en 2003 et basé à Hong Kong, ce fonds a, selon son site web, pour objectifs « la promotion de la coopération sud-sud, partager sincèrement les expériences de la Chine en matière de réformes économiques avec les pays en développement, explorer des programmes pour le développement des entreprises chinoises à l’étranger (…)».
Samedi au Palais des sports, le président de la HAT avait présenté un responsable de China Sonangol International qui est également basé à Hong Kong et dont les objectifs sont pratiquement les mêmes que du CIF même s’il est plutôt spécialisé dans les ressources minières.
La question qui se pose est la nature des contrats avec ces sociétés qui sont en réalité le fer de lance de la Chine. Le CIF est par exemple engagé dans la construction du palais présidentiel, des bâtiments administratifs et de nouveaux quartiers en Angola, l’un des grands pays pétroliers d’Afrique qui s’est vu allouer un crédit de 5 milliards de dollars par la Chine, parallèlement au Nigéria et à la République démocratique du Congo (RDC) qui avait respectivement reçu 5 et 8 milliards de dollars. Les constructions en Angola sont-elles la contrepartie de ce crédit en plus des assurances d’approvisionnement sur les richesses minières de ce pays ?
Il faut dire que le geste chinois n’est pas du tout gratuit. La nouvelle puissance économique veut tout simplement assurer l’approvisionnement en matières premières pour son essor. Et pour cela, la Chine n’est pas du tout regardante sur les questions de démocratie et de libertés individuelles. Sur ces sujets, on connaît la Chine mais cela n’a pas empêché Nicolas Sarkozy de recevoir en grande pompe le président chinois avec à la clé un contrat de 15 milliards de dollars pour l’achat d’avions Airbus. Cela n’a pas non plus interdit les Etats-Unis de négocier avec les Chinois sur la parité dollar-yuan, la Chine détenant par ailleurs une bonne partie des dettes américaines.
Les exemples étant, Andry Rajoelina veut apparemment tirer son épingle du jeu pour se démettre des sanctions de la communauté internationale. Le procédé est le même que celui adopté en 1975 par Didier Ratsiraka qui avait joué sur le clivage bloc est-ouest pour contourner le boycott de fait de la France et de l’Occident.
D’ailleurs, si les bailleurs de fonds restent aujourd’hui plutôt silencieux, c’est parce qu’ils sont conscients de l’enjeu, de la concurrence de plus effrénée de la Chine en matière d’aide. Eux comme le Malgache attendent ardemment de savoir les détails des projets et de leurs financements. Si les prêts chinois sont à taux concessionnels tels qu’ils l’exigent, les bailleurs de fonds n’auront aucun mot à dire. Si certains projets seront réalisés selon le système BOT (Build Operate Transfert, système grâce auquel les pays d’Asie ont créé de villes nouvelles et des infrastructures avec le financement des travaux par des privés qui ont une concession pour l’exploitation pendant un certain nombre d’années à l’issue desquelles la propriété revient à l’Etat), on ne pourra que constater. Dans les cas contraires, il faudra s’attendre à des sanctions encore plus graves qu’aujourd’hui. Les postulants à la Magistrature suprême sont avertis.
Salomon Ravelontsalama
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