Thursday, November 10, 2011
Le changement climatique devrait aggraver l'impact de la maladie du sommeil
La maladie du sommeil, qui appartient à la dizaine de pathologies infectieuses qui risquent de se répandre au-delà de leur périmètre actuel, du fait du changement climatique, pourrait frapper de 46 à 77 millions de personnes supplémentaires d'ici à la fin du siècle. Des chercheurs américains et néerlandais ont montré que les effets directs des variations de température sur l'écologie et la biologie du vecteur entraîneraient un déplacement de l'aire géographique de l'infection pouvant aller jusqu'à 60 %. Egalement appelée trypanosomiase africaine, cette maladie est due à un parasite, le trypanosome, transmis par la piqûre de la mouche tsé-tsé.
En 2009, pour la première fois en un demi-siècle, moins de 10 000 cas de la maladie ont été notifiés à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cependant, cette dernière estime que le nombre effectif de cas serait de 30 000 par an. Dans un article mis en ligne, mercredi 9 novembre, par le Journal of the Royal Society Interface, Sean Moore, du Centre de contrôle et de prévention des maladies (Fort Collins, Colorado), et ses collègues citent des chiffres encore plus élevés : 70 000 nouveaux cas par an.
La maladie se développe généralement en silence, pendant des mois, voire des années, sans symptômes. Mortelle en l'absence de traitement par voie intraveineuse, elle se révèle une fois que le système nerveux central est atteint.
La mouche tsé-tsé, qui appartient au genre "glossine", est présente dans trente-six pays d'Afrique subsaharienne. La plus grande partie des cas se produit en République populaire du Congo, en Angola, au Soudan du Sud... Une vingtaine d'espèces de glossine peuvent transmettre deux types de trypanosomes, l'un prédominant en Afrique de l'Ouest et centrale, l'autre en Afrique de l'Est et australe.
Campagnes d'éradication
C'est à ce dernier type de parasite que Sean Moore et ses collègues se sont intéressés. Ils ont calculé que des épidémies de maladie du sommeil peuvent survenir à des températures moyennes comprises entre 20,7 °C et 26,1 °C. La maladie pourrait donc faiblir dans certaines zones, devenues trop chaudes. Mais un déplacement de l'aire de distribution du parasite et de ses vecteurs menacerait de 46 à 77 millions de personnes supplémentaires d'ici à 2090. L'OMS évalue à quelque 60 millions d'individus la population actuellement exposée.
Spécialiste des trypanosomiases et directeur de l'UMR 177 à l'Institut de recherche pour le développement (IRD, Montpellier), Gérard Cuny reconnaît l'intérêt de la modélisation, mais regrette la non-prise en compte dans le modèle de l'équipe américano-néerlandaise de deux facteurs : la démographie et l'humidité : "L'humidité est essentielle pour la survie des glossines. Par ailleurs, selon les démographes, la population de l'Afrique de l'Ouest, passée de 64 millions d'habitants en 1950 à 240 millions en 2000, devrait atteindre 617 millions en 2050. C'est un facteur majeur d'augmentation de la population exposée aux trypanosomiases."
A cela s'ajoutent d'autres paramètres que cite Gérard Cuny : "La mobilité des populations humaines, la lutte pour les ressources foncières et hydriques, l'instabilité politique, la capacité de certaines glossines à s'adapter à un milieu urbain. C'est le cas à Abidjan, à Conakry..." Le chercheur souligne également l'importance des campagnes d'éradication des mouches tsé-tsé en Afrique de l'Ouest pour faire reculer la maladie. M. Moore et ses collègues sont conscients des limites de leur modèle. Ils ont l'intention de l'étoffer en incluant d'autres paramètres, comme l'humidité et la distribution des populations humaines, d'animaux d'élevage - susceptibles, comme l'homme, de servir de réservoir au parasite - et d'animaux sauvages.
Paul Benkimoun
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