La nouvelle a été claironnée dès midi, hier : le président de la transition Andry Rajoelina fera une importante déclaration à la nation à 20 heures. L’annonce a éveillé l’intérêt, notamment après l’attentat de jeudi soir au marais Masay, et beaucoup s’attendaient à un discours percutant. Mais ceux qui ont veillé jusqu’à 20 heures en ont été pour leurs frais : sa déclaration n’eut aucune consistance particulière, et ne comportait aucune mesure drastique de nature à influer sur le cours de la crise.
Pire : contrairement aux attentes du plus grand nombre, il n’eut aucune valeur informative, entre autre, sur le mobile et les auteurs de l’attentat du marais Masay. L’annonce principale était celle-ci : conformément à ce qui a été arrêté, mercredi, par les partis à Ivato, l’Etat va s’engager dans la réalisation du scrutin couplé des législatives et de la présidentielle en septembre prochain. Ce qui ne constituait pas une surprise, car les résolutions des conclaves des partis à Ivato ont toujours été appliquées fidèlement par le régime de transition. Il en était ainsi de l’accord politique d’Ivato du 16 août dernier, avec sa cohorte de mesures comme la tenue du référendum, la mise sur pied d’un gouvernement « de consensus », d’un CST, d’un CT, etc.
Un bon point pour Andry Rajoelina qui, suite à l’attentat, n’a guère temporisé avant de réagir. Après un événement d’un tel retentissement en effet, il se devait de s’exprimer et sur ce point, il a répondu aux attentes. Mais premier désappointement : il a raisonné à partir d’hypothèses qui n’ont pas été confirmées par les faits. Ainsi, les points évoqués dans le discours, comme les mercenaires, l’objectif de guerre civile ou l’obstruction à l’entrée dans la Quatrième République, ne sont que de simples vues de l’esprit. Suite à l’attentat, en effet, aucune arrestation n’a encore été opérée et aucun aveu n’a été recueilli. Il est regrettable que le chef de la transition motive sa décision cruciale d’hier soir en partant de simples suppositions.
Deuxième déception : l’homme persiste dans la logique de confrontation, accroît la tension et accentue la crispation. Après deux années d’une crise pénible, il n’est pas sûr qu’il réponde ainsi aux voeux de la population. L’intransigeance des camps favorise la haine et la violence, et signalons qu’avant l’attentat de jeudi soir, l’épouse d’Andry Rajoelina a essuyé un lancer de pierre qui aurait pu l’atteindre à la tête, selon le membre du CST Alain Ramaroson.
Pour mettre un terme à l’escalade et installer la décrispation, Andry Rajoelina aurait pu faire un geste d’ouverture en direction de l’opposition et tendre la main. Car comme le disait si bien Bouddha dans une maxime qui aurait pu figurer dans la Bible : « Ce n’est pas la haine qui mettra un terme à la haine, mais l’amour ». Incarnation de la nouvelle sève de la classe politique, Andry Rajoelina aurait pu se démarquer des dinosaures et adopter une attitude raisonnée et raisonnable après l’attentat. Rien de tel hélas, puisque l’homme réagit avec une fougue et une impulsivité qui n’ouvrent pas la porte au rapprochement et à la conciliation.
On notera d’ailleurs que les partis politiques d’Ivato, dominés par des chefs d’une autre époque, sont plus enclins à l’affrontement qu’à la conciliation. Etat de chose qui semble déteindre sur le chef de la transition. Signalons simplement qu’au bout de six mois d’application, l’accord politique d’Ivato piétine et n’arrive ni à sortir le pays de la crise ni à attirer la reconnaissance internationale. En s’avançant à marche forcée vers les élections jumelées de septembre qui ne font pas l’objet d’un consensus national, on pourrait compliquer davantage la situation du pays.
Incitons, en tout cas, les chefs politiques des deux bords à se pencher sur le précepte de Bouddha. Car, après deux années d’une crise tumultueuse qui lui pèse sur les nerfs, la population aspire à un contexte plus… zen.
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