Le porte-parole de l'ancien président Marc Ravalomanana et celui de la mouvance éponyme évoque la position de son patron et partage son avis sur l'évolution du processus de sortie de crise.
• Expliquez-nous les circonstances de votre retour au pays le 28 novembre.
- Ce retour avant la fin de l'année a été prévu de longue date car je n'ai pas maille à partir avec la Justice. J'en ai parlé avec le président [Marc Ravalomanana] pour lui dire que je suis prêt à rentrer. Comme il l'avait annoncé, ce retour n'a rien d'une provocation. La Feuille de route a été signée. Il faut maintenant examiner, ensemble au sein de la Transition, son application. C'est dans ce contexte que Tojo Ravalomanana [fils de Marc Ravalomanana} a également décidé de rentrer pour rendre visite à sa famille. Il y a eu beaucoup d'appréhensions autour de notre retour, pour ne parler que du cas d'un ressortissant américain, ami du fils du président et investisseur. Mais sur le fond, nous sommes revenus dans le cadre du Fampihavanana.
• N'êtes-vous pas venu en précurseur pour préparer le retour de Marc Ravalomanana ?
- Nous ne pouvons pas agir d'une manière irréfléchie. Il existe une stratégie définie dans le cadre du Fampihavanana. Mais notre retour n'a rien à voir avec le retour de l'ancien président Didier Ratsiraka. Dans une certaine mesure, cela pourrait être vrai, mais notre retour est motivé par la
volonté et le courage de servir notre patrie commune. Personnellement, j'ai également souhaité revoir ma famille.
• Marc Ravalomanana vous a-t-il confié une mission particulière à votre retour au pays ?
- Comme je l'ai expliqué, il faut s'imprégner de la réalité et voir l'application de la Feuille de route, comment on peut s'entraider au nom de la solidarité. Des éléments de la mouvance Ravalomanana ont intégré les institutions de la Transition au nom de cette mouvance et pour la représenter. Certains commencent à se disperser et tendent à oublier qu'ils collaborent avec la mouvance Ravalomanana et non avec les membres de leur famille ou leurs amis ...
• Quelle est exactement la position de Marc Ravalomanana par rapport à la Feuille de route ?
- Il accepte l'esprit de consensualité et d'inclusivité prôné par la Feuille de route, mais n'est pas d'accord avec la manière dont le président de la Transition la met en place à travers ce document. Pourquoi a-t-on contourné l'idée d'un partage équitable au sein des institutions transitoires ? Nous constatons toujours une mauvaise foi derrière les décisions, ce qui conduit à l'absence d'équilibre de pouvoir pour ne parler que de la mise en place du gouvernement et du Parlement. Dans quel article de la Feuille de route donne-t-on le droit à Andry Rajoelina de disposer d'un quota personnel, alors que les autres chefs de file n'en ont pas ? C'est pourquoi la mouvance Ravalomanana a formulé une plainte sur ce point auprès de la SADC, auprès du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine et auprès de l'Union européenne . Pour nous, l'UDR-C, le TGV ou encore les « Autres sensibilités » (AS) sont tous avec Andry Rajoelina. Quoi qu'on dise, les dirigeants de ces entités étaient tous sur la Place du 13-Mai pour protester contre le régime en 2009. Mais Leonardo Simao [membre de l'équipe de médiation de la SADC] a créé artificiellement des groupes comme l'UDR-C et l'Escopol.
• La mouvance Ravalomanana a pourtant fini par entrer dans les institutions de la Transition, non ?
- C'est vrai. Après échanges, les responsables de la mouvance ont convaincu le président Ravalomanana de l'utilité d'intégrer le système pour tenter de réparer tout cela et pour atteindre les objectifs fixés. Finalement, il a accepté mais a demandé aux membres de la mouvance d'assumer leur responsabilité jusqu'au bout.
• Laquelle ?
- Quitter la Transition en cas de non-respect de l'esprit et de la lettre de la Feuille de route.
• Quels sont les facteurs décisifs qui pourront conduire à une telle initiative ?
- La Feuille de route a été ratifiée. Nous attendons son application dans un bref délai pour ne parler que de l'article 16 [arrêt des poursuites judiciaires sur des motifs apparaissant comme politiques contre des membres de l'opposition], l'article 18 [amnistie large pour les événements de 2002 à 2009) ou l'article 20, corollaire des deux autres dispositions de la Feuille de route [retour des exilés politiques dont Marc Ravalomanana].
• Avez-vous fixé un délai de réalisation de ces mesures ?
- La Feuille de route a été ratifiée. Le gouvernement a maintenant le pouvoir et le devoir de déclencher les procédures en vue de concrétiser des dispositions prévues par le texte.
• La communauté internationale tend à soutenir la Haute autorité de la transition. Le CPS et le Groupe international de contact (GIC-M) privilégient l'accroissement de l'aide, même si les sanctions politiques ne sont pas encore levées...
- Le CPS et le GIC-M ont fait part de leur satisfaction par rapport aux avancées du processus de sortie de crise, mais il ne faut pas non plus oublier qu'ils suivent de près la mise en œuvre de la Feuille de route comme c'est le cas de l'article 20 concernant le retour des exilés. Le CPS a déclaré son intention d'attendre les rapports de la SADC sur cette mise en œuvre. Nous attendons ces rapports après la ratification de la Feuille de route.
• Le retour de Marc Ravalomanana semble être traité comme un accessoire dans toutes les dispositions prises...
- C'est possible, mais il ne faut pas oublier que c'est le corollaire des articles sur d'autres dispositions de la Feuille de route, à savoir la libération des détenus politiques et le retour des exilés. Il ne faut pas non plus oublier que la communauté internationale a fait un geste après celui consenti par les mouvances Zafy et Ravalomanana d'intégrer le processus. Elle a encore la possibilité de se rétracter et de retirer les aides promises si jamais la Feuille de route n'est pas appliquée correctement.
• Vous n'êtes pas convaincu du soutien de la communauté internationale à Andry Rajoelina.
- Elle soutient la Transition et non le président de la HAT.
• Comment analysez-vous la rencontre entre Andry Rajoelina et le président français Nicolas Sarkozy ?
- Le président français aurait bien pu faire ce geste depuis 2009, mais il ne n'avait pas fait ...
• Que répondez-vous aux critiques lancées contre la mouvance Ravalomanana qui chercherait la petite bête dans la mise en œuvre de la Feuille de route ?
- C'est un point de vue comme un autre. Mais tout devrait marcher si tout est clair dès le départ pour respecter le principe de la consensualité et de l'inclusivité. Nous n'avons qu'à constater la tentative de forcing afin d'annexer la Feuille de route à la Constitution de la IVe République, alors que l'article 30 de la Feuille de route stipule l'annulation de tout accord passé avant la signature de ce document.
• Des partisans du président de la Transition et des dissidents de la mouvance Ravalomanana pensent que cette dernière est vidée de ses forces...
- En sont-ils sûrs ? Les partenaires techniques et financiers sont des démocrates. Ils font un sondage et concluent que le président Ravalomanana a encore du soutien, surtout au niveau national, contrairement à certaines assertions. Croyez-moi, les élections auraient déjà été organisées si le président Ravalomanana était affaibli.
• Quelles sont les raisons de la désunion des trois mouvances des anciens présidents ?
- Je ne pense pas que les trois mouvances se désolidarisent. Les chefs de file sont toujours en contact. Vous l'avez remarqué quand Didier Ratsiraka a eu une conversation avec le président Ravalomanana lors de son retour dans la Grande île.
• Quand Marc Ravalomanana reviendra-t-il ?
- La position du président ne varie pas sur la question. Il a toujours la ferme intention de revenir au pays et de se présenter aux présidentielles pour démontrer qu'il a été accusé injustement de tous les maux. Certains continuent de mener une campagne politique autour des événements du 7 février, mais la lumière a-t-elle été faite sur la question ? Pour ce qui est des autres accusations (remblayage du terrain ou location de terrains à des firmes étrangères) les dirigeants de la HAT doivent d'abord faire une introspection sur les réalités depuis trois ans. Peut-être se rendent-ils compte maintenant du mécanisme d'une prise de décision en tenant compte du contexte.
• Une série de déclarations a pourtant annoncé son retour sans que cela ne se concrétise, non ?
- Vous n'avez plus entendu le président évoquer une date précise de son retour ces derniers temps. En revanche, il avait bien eu l'intention de revenir au pays le 19 février 2011 et on peut le prouver.
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