Le pire, que nous avions craint dans notre édition d’hier, suite au bras-de-fer entre les Magistrats et la Police nationale, risque bien de se produire pour de bon si la situation n’est pas débloquée dans les plus brefs délais, dans tous les cas dans le courant de cette fin de semaine, pour ne pas dire aujourd’hui même. En effet, il était prévisible que l’arrêt de travail de l’un des maillons de sa chaîne – en l’occurrence le Tribunal - ne pouvait avoir pour effet que d’enrayer la machine judiciaire, entraînant un dysfonctionnement aux suites incalculables et d’une extrême gravité. Il se trouve en effet que, suite à la grève des Magistrats, notamment ceux du Parquet qui ont pour mission de prendre le relais de la Police judiciaire dans la suite à donner aux enquêtes pénales, toute la procédure s’est retrouvée bloquée. La conséquence est que, face à cette impasse, les Forces de l’ordre se voient dans l’obligation de relâcher tous les prévenus dont les délais légaux de garde à vue sont écoulés.
Un haut responsable de la Gendarmerie nous brosse la situation : « Nous ne pouvons, ni obtenir une autorisation de prolongation du délai de garde à vue qui est du ressort du Parquet, encore moins ni déferrer les suspects », a-t-il tonné avant de révéler que « à l’heure actuelle, par souci de préserver l’ordre public, nous sommes déjà en train d’enfreindre la loi en maintenant en garde à vue coûte que coûte certains suspects, même si les 48 heures légales sont déjà dépassées ».
Néanmoins, notre interlocuteur de prévenir que cette situation ne peut plus perdurer. « Il faut que tout un chacun soit conscient des conséquences de ses actes et prenne ses responsabilités », dit-il, faisant allusion aux Magistrats en grève qui n’assurent aucun service minimum, même ceux sur lesquels reposent la sécurité publique, comme le Parquet.
Vers un lundi noir ?
Et le haut gradé de Gendarmerie de prévenir : « si d’ici là, certains continuent à ignorer la responsabilité qui leur incombe, lundi à 10h30, nous emmènerons tous les suspects gardés à vue devant le Palais de Justice d’Anosy pour les libérer au vu et au su de tout le monde », avant de préciser que « cela concernera les juridictions de toute la Province d’Antananarivo, c’est-à-dire celles relevant du Tribunal d’Anosy, d’Antsirabe, de Miarinarivo, d’Arivonimamo et de Tsiroanomandimby ». Autant dire que ce lundi à 10h30, des dizaines de présumés bandits dangereux sont susceptibles d’être relâchés dans la nature, faute de Magistrats pour décider de leur détention préventive, ou tout au moins de leur maintien en garde à vue. Une perspective qui donne froid dans le dos lorsque l’on sait que, parmi ceux qui pourraient recouvrer leur liberté à cette occasion figurent de grands criminels dont certains ont été arrêtés dans des contrées lointaines comme Anjozorobe ou Ankazobe et acheminés par les soins et aux frais de la Gendarmerie auprès des Tribunaux compétents.
Il faut savoir que, si la grève est un droit universellement reconnu, elle peut être interdite, ou à tout le moins soumise à des conditions beaucoup plus strictes pour certains Corps de métier relevant de grands services publics, notamment ceux sur qui reposent des aspects cruciaux de la vie de la Société comme l’ordre public, la santé publique ou encore la défense nationale. Au-delà de cette considération, il faut tout de même reconnaître que, si légitime que soit la raison évoquée par les Magistrats pour motiver leur grève, à la manière dont celle-ci est entreprise, les hommes du Palais sont en train d’écorner sérieusement le capital sympathie dont ils ont bénéficié auprès de l’opinion publique, suite à la malheureuse affaire de Toliara.
En effet, les simples justiciables ne peuvent que ressentir de l’incompréhension lorsqu’ils sont pris en otage et font les frais d’un conflit dans lequel ils n’ont absolument pas leurs mots à dire. Et lorsque c’est la sécurité publique toute entière qui est menacée, comme c’est le cas actuellement, c’est toute la population qui est susceptible d’avoir plus qu’une dent contre les hommes en toge rouge et noir. Ceux-ci gagnerait à mettre un peu d’eau dans leur vin en assurant un (strict) service minimum, pour l’intérêt public et pour l’honneur de leur propre profession. D’ailleurs, il n’est pas dit que les dangereux criminels éventuellement relâchés lundi, une fois en liberté, s’attaqueront uniquement aux simples gens pour épargner les Magistrats et leurs proches. Ils ne feront pas la différence.
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