Hier matin vers 10 heures, nous avons été le témoin du départ des « onze policiers de Toliara », de la Brigade criminelle d’Anosy vers la prison d’Antanimora. La direction de la Police, nous a-t-on dit, a décroché un billet d’écrou à l’intention de ces prévenus, lesquels vont voir leur garde à vue se prolonger dans la Maison Centrale. Embarqués dans un minibus, ils sont escortés par une demi-douzaine de policiers armés qui les suivent dans un véhicule 4X4 pick-up de couleur verte. A la Brigade criminelle, au service de l’Immigration, au ministère de l’Intérieur et au ministère de la Sécurité intérieure (tous voisins du site), les employés se sont donnés le mot et ont assisté au « spectacle » dans la cour ou aux fenêtres. Il s’agit pour la plupart de fonctionnaires de la Police nationale en civil. Les visages exprimaient de la curiosité, de l’intérêt ou de la commisération. Mais il n’y eut ni rire ni plaisanterie pour saluer le départ…
De la commisération, c’est-à-dire un sentiment de solidarité peinée pour ceux qui sont dans le malheur. En tout cas, le mode de règlement de la « crise de Toliara » provoque un début d’agitation au sein de la Police nationale. Si l’on n’y prend garde, l’effervescence va déboucher sur une mutinerie des subalternes à l’endroit des hauts gradés. Le clivage qui se dessine met aux prises d’un côté les agents, inspecteurs, brigadiers et officiers de Police, et de l’autre les commissaires, contrôleurs généraux et inspecteurs généraux. Jeudi déjà, les subalternes se sont réunis sous l’égide de leur syndicat et ont contesté l’accusation portée contre les onze policiers de Toliara. Selon eux d’ailleurs, aucune investigation sérieuse n’a été menée à Toliara, le ministre responsable ayant débarqué avec une liste toute faite et a procédé à un appel pour dégager les « accusés ». Ceux-ci ont été embarqués dans un camion et conduits à Antananarivo. Les principaux griefs des subalternes : enquête superficielle, insuffisance de preuves et de témoignages et surtout …absence des « gros bonnets » parmi les accusés. Selon eux donc, les hauts gradés se sont déchargés de leurs responsabilités sur les sans grade. Et seuls ces derniers sont en train de trinquer dans une affaire qui devrait pourtant toucher tous les échelons de la Police nationale…
Propos d’Andry Rajoelina jeudi sur le sujet : « J’ai donné des consignes au ministre de la Sécurité intérieure afin que les auteurs du crime soient jugés. Douze personnes ont été arrêtées jusqu’ici ». On l’aura remarqué, le procédé manque de perspicacité et de clairvoyance. D’abord car c’est soustraire le ministre de la liste des suspects, le mettre du côté du régime et faire de lui l’instrument de répression de ses subordonnés. Ensuite car la formule inélégante et même mesquine. Apparemment, le ministre se désolidarise de ses hommes, en fait des fusibles et les sacrifie pour sauver son siège. Or, en tant que chef suprême de la Police, le ministre est civilement et pénalement responsable des actes de ses subordonnés, d’autant qu’au moment des faits, il était présent à Toliara. Envoyé par Andry Rajoelina (qui visiblement n’a pas un sens développé des responsabilités) à Toliara pour enquêter et identifier les auteurs du crime, l’homme ne manquera de dégager sa responsabilité, et partant d’incriminer ses subordonnés.
Spirale dangereuse donc pour la Police nationale dont l’unité est menacée. Les subalternes se considèrent comme des boucs émissaires et pointent le doigt sur les gradés qui les dénoncent. L’esprit de corps aidant, ils font bloc et s’élèvent en face de leurs supérieurs qui veulent se défiler. Dans cette Police nationale qui a connu des mutineries dévastatrices par le passé, on ne sait jusqu’où ira le déchirement. Ainsi qu’on l’a vu au commissariat de Mahamasina ainsi qu’à Toliara, dans la Police, on prend facilement les armes pour appuyer ses revendications. Pour mettre un coup d’arrêt à cette évolution inquiétante, il faut d’abord admettre que la responsabilité du ministre est engagée, les évènements ayant été provoqués par les personnes placées sous ses ordres. L’homme peut bénéficier de circonstances atténuantes car s’il est responsable, par contre il n’est pas coupable. Ensuite, identifier les auteurs et complices du meurtre en confiant l’enquête à des personnes qui ne soient pas juge et partie, par exemple des gendarmes et des militaires appuyés par des juristes.
Incriminés dans la mort du magistrat à Toliara, Michel Rehavana, douze policiers sont attendus au parquet.
« Ils seront auditionnés après clôture des enquêtes préliminaires et expiration des 48 heures de garde à vue », a indiqué la ministre de la justice Christine Razanamahasoa.
Arrêtés à Toliara, les suspects ont été placés, à la brigade criminelle à Anosy, jeudi. Puis ils ont été transférés au camp de la gendarmerie à Andrefan' Ambohijanahary, vers 9heures du matin. Leur audition s’est fait par la commission d'enquête, dans laquelle sont représentés les magistrats, la police et la gendarmerie. Le substitut du procureur et le directeur de la police judiciaire à Antananarivo, ont assisté aux auditions.
Selon des indiscrétions, les prévenus devaient être livrés à la justice hier, mais cela ne s'est pas encore fait jusqu'à 21h30.
Lors des enquêtes préliminaires, les membres des bureaux des quatre corps de la police nationale ont tenu une réunion à Anosy hier après-midi, par rapport à la pression des magistrats qui exigent le limogeage de leur ministre. La mise en garde à vue de leurs collègues expire ce jour.
En tout cas, comme à Toliara où ils ont tiré sur la prison et le tribunal, certains dans la Police pourraient de nouveau prendre les armes. Il ne faut plus qu’Andry Rajoelina et Omer Beriziky se renvoient la …balle.
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