A-t-on affaire à une grosse mutinerie en gestation au sein de la Police nationale ? Tout le laisse penser, même s’il faut attendre la suite des événements pour être mieux fixé. Depuis samedi, en effet, les onze policiers de Toliara, inculpés dans le meurtre du magistrat Rehavana Michel, sont « hébergés » à la caserne des Forces d’Intervention de la Police (FIP), à Antanimora. Depuis leur arrivée jeudi dans la capitale, ils étaient logés dans les locaux de la Brigade Criminelle d’Anosy. Ils furent transférés le lendemain au camp de la Gendarmerie dit Toby Ratsimandrava, à Andrefan’Ambohijanahary. Ils devaient y attendre la reprise des audiences au tribunal d’Anosy, afin d’être déférés au parquet.
Mais, samedi, à la faveur d’un va-et-vient pour nécessité de service entre la Brigade Criminelle et le Toby Ratsimandrava, les onze inculpés ont été interceptés par des éléments des FIP et d’autres unités de la Police. Ils ont été conduits à la caserne des FIP à Antanimora au lieu d’être ramenés au Toby Ratsimandrava (Voir article à la page 4). Samedi soir et hier matin, cinq ou six policiers en uniforme (dont certains armés) assuraient la garde au portail de la caserne. Hier après-midi, les rumeurs d’une intervention extérieur ayant baissé d’intensité, et la fête de Noël aidant, la garde a été allégée et seul un policier demeurait en faction à l’entrée.
Les bruits qui circulent autour de cette caserne (qui se trouve à 300 mètres au dessus de notre rédaction, sur la côte qui monte vers le mausolée) : des éléments des FIP et d’autres unités de la Police refusent que les onze prévenus soient traduits devant le parquet, et les ont placés sous leur protection. Motif : selon eux, l’enquête menée à Toliara était superficielle, et les onze inculpés ont été ramassés au hasard alors qu’ils n’avaient rien à voir avec l’assassinat. Les « mutins » ajoutent que les prévenus ont été arrêtés arbitrairement pour servir de fusible aux « gros bonnets » et pour sauver les positions de ces derniers. Il reste un fait : les onze policiers de Toliara ont été mis à l’abri à la caserne des FIP et n’en sortiront qu’avec l’approbation de leurs ravisseurs.
En tout cas, la tournure des événements suscitent l’inquiétude car le camp des FIP, naguère celui du Groupe Mobile de la Police (GMP), fut en 1975 le théâtre d’une mutinerie de grande ampleur contre le régime du général Gabriel Ramanantsoa. Sous la conduite d’un colonel de l’Armée, le mouvement fut grossi par des hommes en uniforme venant de divers corps et a abouti à l’assassinat du colonel Richard Ratsimandrava, chef d’Etat et chef du gouvernement. La mutinerie ne fut mâtée que par un assaut de l’Armée appuyé par des blindés.
Ensuite car le mouvement n’a pas de tête, se considérant comme victimes d’une injustice, des subalternes ont spontanément fait bloc autour des prévenus et s’élèvent contre la hiérarchie de la Police. D’ailleurs, le regroupement de mutins a une forte connotation ethnique car les onze inculpés étant en général des gens du Sud, les premiers à prendre leur défense furent samedi des éléments issus des régions du Sud et du Sud-Est. Enfin puisque ceux qui ont pris les prévenus sous leurs ailes sont surtout des éléments des FIP, unité « d’élite » de la Police nationale qui a reçu une formation de proche de celle des commandos. C’est dire que si on veut réduire les mutins par la force, les assaillants trouveront en face d’eux une résistance acharnée. Peut-être que comme en février 1975, l’avant-garde des sections d’assaut devra être protégée par des blindés…
Chez les gouvernants, l’incompétence, les tergiversations et les erreurs d’appréciation pourraient encore une fois aboutir à une dangereuse mutinerie dans une caserne. De toute façon, après l’affaire des FIGN de Fort-Duchesne et celle de la Bani d’Ivato, ils devraient être… blindés.
No comments:
Post a Comment