AFP - La junte militaire qui a pris le pouvoir le 22 mars au Mali a signé vendredi avec la Cédéao un "accord-cadre" pour le transfert des affaires à un président intérimaire et un gouvernement de transition, en bénéficiant d'une amnistie générale, ont annoncé les deux parties.
"Nous sommes parvenus à un accord, accord qui permettra dans les heures et les jours à venir de mettre effectivement en place les organes prévus par la Constitution", a déclaré à la télévision publique ORTM le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibrill Bassolè, au nom de son président Blaise Compaoré, médiateur de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) pour la crise malienne.
Le texte a été signé par M. Bassolé, le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, avec comme "témoins" le ministre ivoirien de l'Intégration africaine, Adama Bictogo, et le ministre nigérian des Affaires étrangères, Nurudeen Muhammad. Tous étaient à Kati, quartier général des putschistes près de Bamako, où le chef de la junte en lu en intégralité le document.
L'accord, qui doit être mis en oeuvre "sous l'égide du médiateur de la Cédéao et avec l'appui de la communauté internationale", prévoit un président intérimaire en la personne du président de l'Assemblée nationale, un Premier ministre et un gouvernement de transition ainsi qu'une future loi d'amnistie pour les putschistes.
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Ainsi, le président du Conseil national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE) "déclenche le processus" de retour à l'ordre constitutionnel, pour faire constater la vacance de la président et confier l'intérim du pouvoir au président de l'Assemblée nationale.
Le parlement malien (monocaméral) est actuellement présidé par Dioncounda Traoré, qui était vendredi soir à l'étranger, d'après diverses sources.
L'accord stipule que le président intérimaire aura "comme mission d'organiser une élection présidentielle dans le délai constitutionnel de 40 jours".
Cependant, précise le texte, "compte tenu des circonstances exceptionnelles que vit le pays du fait de la crise institutionnelle et de la rébellion armée dans le Nord, qui ont gravement affecté le fonctionnement régulier des institutions de la République et dans l'impossibilité d'organiser les élections dans un délai de 40 jours (...), il s'avère indispensable d'organiser une transition politique" jusqu'à la présidentielle, sur la base d'"un fichier électoral dûment révisé et accepté de tous".
Le Mali est confronté à une rébellion touareg déclenchée mi-janvier et aux activités de groupes islamistes et/ou criminels armés ayant pris en fin de semaine dernière le contrôle de trois régions du Nord, formant la moitié du territoire.
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D'après l'accord, la transition sera conduite par un Premier ministre "disposant des pleins pouvoirs", avec pour mission "de gérer la crise dans le nord du Mali et d'organiser des élections libres, transparentes et démocratiques conformément à une feuille de route qui sera désignée. Il y aura également "un gouvernement d'union nationale de transition composé de personnalités consensuelles".
Il est prévu par ailleurs plusieurs "mesures législatives d'accompagnement de la transition", dont une "loi d'amnistie générale au profit des membres du CNRDRE et de leurs associés", ainsi qu'une loi pour indemniser les victimes de la guerre dans le Nord et du putsch du 22 mars, marqué par de nombreux pillages.
Le président Compaoré, qui s'est entretenu avec le capitaine Sanogo, "prendra les dispositions nécessaires pour procéder aux consultations afin que dans les jours qui viennent, le Mali puisse être doté d'un Premier ministre de transition et d'un gouvernement consensuel de mission", a affirmé Djibrill Bassolé.
"La mission de ce gouvernement sera de gérer la crise au Nord en urgence: soit pour trouver une solution définitive négociée de paix ou alors pour faire malheureusement (...) la guerre", a-t-il ajouté.
Aux termes de l'accord, "dès la signature", la Cédéao doit prendre "les dispositions nécessaires pour la levée des sanctions contre le Mali". Selon M. Bassolé, le chef de l'Etat ivoirien Alassane Dramane Ouattara, qui préside l'organisation communautaire, a donné des assurances dans ce sens.
Le 2 avril, la Cédéao (15 pays dont le Mali) avait imposé un embargo total, avec effet immédiat, contre ce pays sahélien de 15 millions d'habitants en vue d'obtenir le retour à l'ordre constitutionnel.
La France a "salué" samedi l'accord de sortie de crise signé la veille entre la junte au pouvoir au Mali et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), et appelé à sa mise en oeuvre "sans délai", a déclaré le chef de la diplomatie Alain Juppé.
La France "invite tous les acteurs maliens à mettre en oeuvre sans délai les dispositions prévues par l'accord, notamment celles destinées à permettre la tenue des élections présidentielles dans le meilleur calendrier possible", a-t-il dit, précisant que Paris reprendrait "dès l'installation des autorités constitutionnelles" sa coopération bilatérale civile avec le Mali.
LA CÉDÉAO MENACE D'EMPLOYER LA FORCE
La situation reste toutefois chaotique au Mali, après la proclamation d'indépendance du nord du pays, vendredi par le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg), unanimement rejetée en Afrique et dans le reste du monde.
Cette proclamation unilatérale ressemble plus à un effet d'annonce qu'à une réalité sur le terrain où le MNLA semble avoir été marginalisé par les islamistes du mouvement Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) d'Iyad Ag Ghaly, figure des ex-rébellions touareg des années 1990, appuyé par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont trois des principaux chefs ont été vus à Tombouctou avec lui.
La Cédéao a menacé vendredi de recourir à la force pour préserver "l'intégrité territoriale" du Mali après la déclaration d'indépendance du MNLA, qu'elle a catégoriquement rejetée. Elle a rappelé "à tous les groupes armés du Nord du Mali" que ce pays est "un et indivisible" et qu'elle "usera de tous les moyens, y compris le recours à la force, pour assurer l'intégrité territoriale du Mali".
L'organisation ouest-africaine - 15 membres, dont le Mali - envisage d'envoyer une force militaire de 2 000 à 3 000 hommes dans le Nord du pays. Les chefs d'état-major des armées de la Cédéao ont élaboré un "mandat" pour cette force, qui reste à être approuvée par les chefs d'Etat.
L'ACCORD AVEC LA JUNTE UNANIMEMENT SALUÉE
Oumar Mariko, vice-président de l'Assemblée nationale, dirigeant de Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance (Sadi), l'un des rares partis à avoir approuvé le coup d'Etat, a déclaré à l'AFP que l'accord "est un bon compromis entre les différentes parties" qui permet à la Cédéao d'arrêter "son entreprise criminelle contre le Mali". "Rien ne se fera plus comme avant", il n'y aura plus "le pouvoir d'un groupuscule arrogant", a-t-il ajouté.
Tiébilé Dramé, chef de l'un des plus importants partis politiques maliens, le Parti pour la renaissance nationale (Parena), a salué "les efforts énormes accomplis" par la Cédéao pour parvenir à cet accord, ainsi que "l'esprit de sagesse de la junte". "L'heure est à l'union, la réconciliation et la tolérance", a-t-il dit, ajoutant: "Nous devons avoir une pensée émue pour la partie de notre peuple qui vit aujourd'hui dans les trois régions du Nord, coupée du reste du pays".
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