LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 06.04.2012
Bain de beaujolais au spa Hakone Yunessun, au Japon.
En 2011, le monde de la physique a célébré les cent ans de la découverte de la supraconductivité, cette propriété étonnante qu'ont certains matériaux de conduire le courant électrique sans aucune résistance. Le phénomène, qui laisse espérer que l'on transporte un jour de l'électricité sans pertes, est d'un intérêt industriel évident, mais la supraconductivité ne fonctionne qu'à des températures très basses, et de nombreux laboratoires dans le monde cherchent des matériaux facilitant le procédé. Une équipe japonaise, sans doute pour arroser ce centenaire, a exploré une voie inattendue en voulant déterminer si le fait d'imbiber des alliages dans des boissons alcoolisées pouvait "doper" l'apparition de leur supraconductivité. Paru en mars 2011 dans la revue Superconductor Science and Technology, l'article qui relate leurs expériences ne précise malheureusement pas le nombre de bouteilles que l'équipe a éclusées avant de mettre au point cet improbable projet de recherche.
Voici le détail de son protocole expérimental : après avoir fabriqué des granulés à base de fer, de tellurium et de soufre, elle les a trempés pendant 24 heures dans plusieurs boissons alcoolisées du commerce portées à la température de 70 °C. Les pastilles ont ainsi fait le tour du bar - visiblement bien fourni - du laboratoire, "goûtant" à la bière, au vin blanc, au vin rouge, au whisky, au saké et au shochu, une eau-de-vie japonaise distillée à partir de divers ingrédients comme le riz, l'orge ou la patate douce. Les chercheurs ont aussi soumis leurs granulés à de l'eau et à de l'éthanol pur, ainsi qu'à différents mélanges des deux, afin de savoir si le degré d'alcool jouait un rôle éventuel.
Le résultat de ces diverses dégustations a été stupéfiant, comme l'expliquent les auteurs de l'étude : "Nous avons trouvé que les boissons alcoolisées du commerce, chauffées, étaient efficaces pour induire la supraconductivité, comparées à de l'eau pure, à de l'éthanol et à des mélanges eau-éthanol." La concentration en alcool n'est pour rien dans l'affaire puisque, dans ce concours de bibine, c'est le vin rouge qui l'a emporté haut la main, tandis que le shochu a fini à la traîne bien que titrant 35°. Mais nos chercheurs nippons ne pouvaient se contenter de ce simple constat. Il leur fallait savoir ce qui, dans le vin rouge, favorise la supraconductivité.
D'où une seconde expérience : patron, une autre tournée générale ! Cette fois-ci, l'équipe s'est concentrée sur le bon gros bleu qui tache : six vins constitués à partir de différents cépages (quatre vins français, un italien et un japonais...) ont ainsi été testés, comme le rapporte l'étude qui vient d'être mise en ligne sur le site de prépublications scientifiques arXiv.
Le mystérieux composé qui aide à la supraconductivité est l'acide tartrique, et la médaille d'or de l'expérience est revenue au... beaujolais ! Même si on est loin de tremper les lignes électriques dans le jaja, voilà qui ouvre des perspectives insoupçonnées à la viticulture française. Si la science improbable continue de s'en mêler, entre boire et supraconduire, il faudra bientôt choisir.
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