Monday, February 27, 2012

XXY – Découverte : les femmes pourraient produire des ovules toute leur vie

Selon une étude publiée dimanche 26 février dans la revue scientifique Nature Medicine et reprise dans le New York Times, des chercheurs américains auraient réussi à extraire des cellules souches d'ovaires humains et à leur faire produire des ovules.

Depuis soixante ans, il est communément admis que toute femme naît avec environ un million de follicules primordiaux, les cavités dans lesquelles se développeront un ou deux ovules (ou ovocytes). Mais à la puberté, seulement 30 000 de ces follicules se développent dans les ovaires de la femme. De plus, on considère que tout au long d'une vie, seuls 400 ovocytes connaîtront une évolution complète au sein de ces follicules, chez une femme ne prenant pas la pilule et n'ayant pas de grossesse. Chaque femme disposerait donc d'une réserve fixe et non renouvelable d'ovules, qui s'amenuiserait avec l'âge, jusqu'à son épuisement définitif, à la ménopause.

L'étude menée par le docteur Jonathan Tilly et son équipe du Massachusetts General Hospital vient ébranler ce dogme. C'est la première fois que des chercheurs réussissent à démontrer la présence de cellules souches (des cellules capables de se reproduire longtemps à l'identique, et présentes dans tous les organes) dans les ovaires, à les isoler et à les mettre en culture pour produire de nouveaux ovocytes. Un véritable espoir pour les femmes concernées par l'infertilité ou qui auraient subi de lourds traitements ayant abîmé leurs ovaires.

Le responsable de l'étude, Jonathan L. Tilly, et son équipe avaient suscité la controverse en 2004 lorsqu'ils avaient émis pour la première fois l'hypothèse de l'existence chez les souris femelles de cellules souches se transformant en ovules, car leur hypothèse remettait en question la notion de réserve non renouvelable d'ovules que possède une femme à sa naissance pour expliquer la durée limitée de sa fertilité.

Mais, en 2009, un groupe de scientifiques chinois de l'université Jiao Tong, de Shanghaï, affirmait à son tour avoir trouvé ces cellules souches productrices d'ovules (CSPO) dans les ovaires de souris adultes. Dans la revue Nature Cell Biology, les chercheurs chinois expliquaient comment ils les avaient isolées, cultivées in vitro et fait proliférer avant de les réintroduire dans les ovaires de souris... où elles s'étaient transformées en ovocytes matures avant de libérer des ovules. Ces ovules ont ensuite été fécondés en présence de sperme et ont donné des embryons qui se sont développés normalement jusqu'à terme.

DES SOURIS ET DES FEMMES

Jonathan L. Tilly et ses collègues se sont inspirés de cette méthode pour dépister et isoler ces fameuses CSPO dans des ovaires humains. Dans un premier temps, ils ont éprouvé chez les souris leur nouveau protocole. Puis pour réaliser leur projet, les chercheurs états-uniens ont eu accès aux ovaires de six femmes âgées de 22 à 33 ans qui subissaient une intervention chirurgicale dans le but de changer de sexe. De ces ovaires, les chercheurs ont pu extraire ce qu'ils croyaient être des CSPO en raison de leur grande similarité avec les CSPO présentes dans les ovaires de souris femelles.

Après avoir modifié génétiquement les CSPO humaines, les scientifiques les ont réinsérées dans un échantillon de tissu ovarien humain qu'ils ont greffé sous la peau d'une souris. Une à deux semaines plus tard, les chercheurs ont observé la présence de follicules humains contenant des ovocytes. Pour des raisons éthiques et légales, l'équipe américaine n'a toutefois pas pu évaluer expérimentalement le potentiel de ces ovules, comme ils avaient pu le faire chez la souris.

COURSE CONTRE LE TEMPS

Pour le biologiste Bernard Jégou, il s'agit d'une véritable "course contre le temps", car l'équipe du docteur Tilly aurait réussi à démontrer qu'il était possible de prolonger la vie reproductive. On pourrait donc imaginer qu'une femme s'apprêtant à subir une chimiothérapie dégradante pour ses ovules décide de cryogéniser un morceau de ses ovaires, et de se le réimplanter une fois le traitement fini. "Mais alors, y a-t-il un risque de cancériser les ovaires ? Y aura-t-il assez de cellules de départ pour réussir à fabriquer des ovaires actifs ?", s'interroge-t-il. Des questions qui restent pour l'instant sans réponse. Au-delà des problèmes techniques, se posent aussi de nombreuses questions éthiques. Le biologiste évoque la possibilité d'un futur où l'on pourrait faire des prélèvements d'ovules post-mortem, des greffes d'ovaires d'une femme à une autre, ou encore créer des "ovaires-porteuses" pour d'autres femmes.

"Aux États-Unis, il est illégal d'essayer de féconder des ovules humains à des fins expérimentales", rappelle Jonathan L. Tilly. Le chercheur a cependant annoncé qu'il projette de s'associer à une chercheuse de l'université d'Edimbourg, au Royaume-Uni, où les chercheurs seront autorisés à induire la fécondation de CSPO et à voir si des embryons normaux se développent. La capacité à isoler des cellules souches dont les œufs pourraient être cultivés aiderait non seulement à lutter contre l'infertilité mais aiderait également les biologistes à comprendre comment les drogues et les aliments affectent les ovules.

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