Les mesures annoncées à l'issue de la table ronde n'ont pas calmé la centaine de manifestants réunis sur la place de la Préfecture à Saint-Denis.
A l'issue de la table ronde sur la vie chère, le préfet de l'île de La Réunion, Michel Lalande, a indiqué, vendredi 24 février, une série de mesures qui correspondent au geste annoncé la veille par les conseils régional et général. Les participants à cette réunion ont également lancé un "appel solennel" au calme. Le département de l'océan Indien est secoué depuis trois nuits par des violences, dans le sillage d'un mouvement social parti du prix de l'essence.
Baisse du prix de l'essence et remise en cause de l'"octroi de mer"
Les prix de l'essence et du gazole vont ainsi baisser de 8 centimes par litre jusqu'à la fin de l'année grâce à un allégement de la fiscalité. Le prix de l'essence étant révisé tous les mois par le préfet, les 8 centimes seront déduits de ce prix révisé.
Le président UMP du conseil régional, Didier Robert, a présenté un projet de suppression totale de l'"octroi de mer" sur le carburant, taxe locale rapportant 24 millions d'euros par an, perçus par la région et répartis ensuite entre les collectivités (département et communes).
Tarif social pour l'éléctricité
Un tarif social pour l'électricité va être mis en place pour les familles percevant les minima sociaux et les salaires jusqu'à 1,4 SMIC. Cela devrait représenter une baisse de l'ordre de 40 % sur la facture d'électricité. EDF appliquera ces tarifs, qui seront financés par le conseil général.
Gel des prix de 40 produits de première nécessité
De plus, "40 produits de première nécessité vont faire l'objet soit d'une baisse soit d'un gel. La liste sera élaborée avec les distributeurs et les consommateurs et publiée au 1er mars", a annoncé M. Lalande. Le conseil général a précisé qu'il y aurait "une dizaine de 'produits pays', c'est-à-dire produits localement comme le lait, l'huile, les couches, l'eau de javel, le porc ou encore le poulet, qui baisseraient de 20 à 30 %".
La collectivité, présidée par Mme Nassimah Dindar (DVD), compte financer la mesure à hauteur de 23 millions d'euros, mais table aussi sur un effort des producteurs. La liste des produits n'ayant pas été arrêtée, des négociations doivent se poursuivre durant le week-end avec ces derniers.
MANIFESTATIONS DEVANT LA PRÉFECTURE
Le préfet Michel Lalande a qualifié ces mesures "d'extrêmement significatives". Un jugement non partagé par la centaine de manifestants encore présents devant la préfecture à Saint-Denis.
"Non, non", ont-ils scandé lorsque Jean-Hugues Ratenon, le président de l'association Alliance des Réunionnais contre la pauvreté (proche du PCR), a décliné un à un les engagements pris lors de la table ronde.
Le maire de Saint-Leu, Thierry Robert (MoDem), que les manifestants avaient contribué à imposer à la table ronde alors qu'il n'y était pas convié, a également été sifflé et hué et a été interrompu à plusieurs reprises quand il a pris la parole. Il a affirmé leur tenir un "langage de vérité" jugeant que "tout le monde a été unanime pour juger ces avancées significatives". Il a quitté les lieux entouré de ses partisans.
Quant à Jean-Bernard Caroupaye, président local de la Fédération nationale du transport routier (FNTR), il a pu à peine s'exprimer, la foule scandant : "Préfet, démission ; préfet, démission."
La jeunesse réunionnaise est dans une situation de détresse extrême
Il est de bon ton dans certains milieux politiques et institutionnels de présenter les émeutes survenant ici ou là en France comme de simples manifestations de « violence » initiées par des « casseurs » ou des « jeunes délinquants », quand ce ne sont pas « des bandes ». Ce qui se passe ces derniers jours à Saint-Denis de la Réunion vient nous rappeler l'hypocrisie de cette façon de voir les choses et le véritable déni de réalité qu'elle opère. En fait, la situation de la jeunesse à la Réunion (comme dans d'autres régions d'Outre-mer et, à des degrés moindres, comme certains territoires métropolitains) est proprement catastrophique et la question du prix du carburant n'a été que l'étincelle qui a fait s'enflammer un terrain chauffé à blanc. C'est ce que rappelle le sociologue Laurent Medea dans un entretien au Figaro.fr.
Le sociologue rappelle ainsi que « Dans certains quartiers le taux de chômage atteint 70%, et même 90% pour les moins de 25 ans. Énormément de handicaps sociaux sont rassemblés au même endroit: violences, illettrisme, chômage… Les jeunes sont inoccupés, ils sont dans des situations de détresse extrême et d'exclusion. Ils ne trouvent pas leur place dans la société. Il n'y a pas de projet social pour intégrer les jeunes, la seule chose qu'on leur propose c'est la mobilité vers la métropole, la Grande-Bretagne ou le Canada ».
Laurent Medea décrit une situation sociale « très, très tendu ». Il précise qu'il existe de surcroît « un problème d'identité réunionnaise et d'intégration dans la société », même si « le problème de la pauvreté - 52 % des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté - et [celui] des [barrières] de classe sociale restent les plus importants ».
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