Décidément, rien ne va plus au niveau du Gouvernement, à se demander si la qualité d’union nationale de l’équipe de Beriziky ne fait qu’empirer la situation de crise à Madagascar. Outre la suspension du conseil de Gouvernement, les désaccords entre membres de l’Exécutif ne sont plus un secret, dont le plus fragrant a été celui entre la Décentralisation et l’Intérieur.
Le ministre de l’Intérieur, Florent Rakotoarisoa, a promptement réagi face à la décision de son homologue de la Décentralisation, Ruffine Tsiranana, d’installer respectivement une délégation spéciale à la tête des 4 Communes de la Région Sofia. Il n’a par ailleurs pas caché son irritation face à l’empiètement ou plutôt l’action de s’emparer d’une partie des attributions du ministère de l’Intérieur par un autre ministère.
D’un ton sévère, le ministre Florent Rakotoarisoa a dénoncé les agissements du ministre de la Décentralisation. « Nous avons longuement parlé de cette question de nomination de Pds, pas plus tard que ce matin (hier matin). Et quand on m’a mis au courant de la décision du ministre de la Décentralisation, de nommer une délégation spéciale respectivement à la tête de la Commune de Befotaka Nord, Antsohihy, Ambaliha, Andreba, je n’y ai pas cru, puisque nous venons de mettre les points sur les i. Il s’agit, à cet effet, d’un acte délibéré », a déclaré le patron de l’Intérieur, avant de rappeler que « suivant l’ordonnance n°2010-009 du 7 octobre 2010 relative aux élections communales, il appartient au ministère de l’Intérieur de nommer une Délégation spéciale à la tête d’une Commune, en cas de vacance de poste de Maire et non au ministère de la Décentralisation. Je qualifie ainsi d’usurpation de fonction la décision dudit ministre ».
Visiblement, Ruffine Tsiranana, issue de la mouvance Ravalomanana et proposée au sein du Gouvernement par ce groupement politique, n’est pas prête de se détacher de sa couleur politique. Avant toute tenue d’élections, elle prévoit d’installer ses pions à la tête des Communes.
D’aucuns se rappellent que lors de son passage à Toamasina, le ministre de la Décentralisation a fait une déclaration concernant le remplacement des 1500 Maires dans toute l’Ile, par des Pds.
S’agissant du cas d’Antsohihy, le ministre de l’Intérieur a par la suite parlé de coup bas commandé de Mahazoarivo. « Ou elle a fait trop de pression sur le Premier ministre ou elle lui a induit en erreur pour que ce dernier décide cette série de nominations de Délégation spéciale, suivant l’arrêté 2012-2140/2012, en date du 10 février 2012 ». Espérons que le locataire de Mahazoarivo n’a pas agi par incompétence ou par simple naïveté. Il a surement ses raisons pour expliquer une telle décision.
Quoi qu’il en soit, Florent Rakotoarisoa ne se laisse pas faire.
Si Ruffine Tsiranana a regagné Antsohihy hier pour installer la Délégation spéciale, le ministre de l’Intérieur va lui emboiter le pas pour abroger cette décision à son tour.
« Moi-même j’envisage de descendre jusqu’à Antsohihy pour annuler la nomination qui n’a pas suivi le texte. Je serai accompagné du Chef de Région ainsi que du Chef de District ».
Ayant exercé plus de 24 heures depuis leur installation d’hier, les trois membres de la Délégation spéciale d’Antsohihy risquent être éjectés ipso facto de leurs sièges
Corinne Razafiarisony
Un coup d’Etat de Palais à coups d’…arrêtés ?
Les principes les plus élémentaires en matière d’Administration publique sont en train d’être complètement foulés au pied à l’heure actuelle, au vu des récents agissements de laPrimature. Empiètement sur les attributions propres à certains ministères, non respect de la hiérarchie des actes administratifs, voire violation de la législation et de la règlementation en vigueur etc.. Tout ceci donne l’impression que Mahazoarivo fonctionne totalement en électron libre.
Par simples arrêtés, le Premier ministre a fait d’une pierre deux coups. Il a destitué les Maires et les membres des bureaux exécutifs des Communes de Befotaka Nord, d’Antsohihy, d’Ambalihy et d’Andreba pour nommer à leur place des Délégations spéciales. Des remplacements relevant certes du domaine du possible mais qui, non seulement sont prévus pour des circonstances bien précises mais obéissent aussi à des règles strictement définies par les lois et les règlements. Or, il se trouve que, tels qu’ils sont intervenus, les actes de Mahazoarivo concernant les quatre localités suscitées ont été pris en violation flagrante des mêmes textes qu’ils citent pourtant dans leurs considérants (!).
Ainsi, il faut d’abord signaler que les arrêtés en question portent directement institution de Délégations spéciales dans les Communes concernées, c’est-à-dire en omettant de suspendre ou de destituer les Maires en place. D’emblée donc et par la force des choses, on remarquera que ces décisions n’ont pas été motivées, comme l’exigent les textes législatifs et règlementaires.
D’ailleurs, en ce qui concerne la suspension d’un Maire, selon l’article 60 alinéa premier de la loi 94-008 du 26 avril 1995, à laquelle se réfèrent les arrêtés dans leurs considérants, elle relève du ministère de l’Intérieur pour une durée maximale de un mois et ce n’est que le cas de prorogation de cette durée qui entre dans la compétence du Premier ministre. S’agissant de destitution, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 60 de cette même loi, la décision intervient sous forme de décret pris en Conseil des ministres et nullement par arrêté, fut-il du Premier ministre.
On voit donc que, déjà en ce qui concerne les évictions (de fait) des Maires en place, elles sont intervenues complètement en dehors de toutes les règles et procédures en la matière. Mais les nominations des remplaçants - les membres des Délégations spéciales - ne sont guère mieux.
Aucune condition réunie
Effectivement, il faut savoir que la loi 94-008 du 26 avril 1995, en son article 61, édicte qu’en cas d’absence, de suspension, de destitution ou de tout autre empêchement, le Maire est provisoirement remplacé par un adjoint au Maire ou un Vice-président. Certes la loi 94-008 précitée prévoit bien la possibilité d’un représentant de l’Etat de se substituer au Maire mais dans des circonstances bien précises : lorsqu’il s’agit d’assurer les pouvoirs de police municipale relatifs au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Les membres des Délégations spéciales nommés récemment par la Primature sont-ils des adjoints au Maire, des Vice-présidents ou encore des représentants de l’Etat en charge uniquement du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publiques? On se permet d’en douter.
Quant aux conditions requises pour l’institution d’une Délégation spéciale proprement dite, elles se résument à deux, selon les articles 116 et 117 de l’ordonnance 2010-009 du 8 octobre 2010. D’une part, lorsqu’une Commune n’a pas pu élire son maire pour faute de candidat ou pour toute autre raison et d’autre part, si la Municipalité n’a pu élire à la fois, ni son maire, ni ses conseillers pour les mêmes causes que ci-dessus. A noter particulièrement d’ailleurs que la désignation d’une Délégation spéciale ainsi prévue par les articles 116 et 117 ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une élection communale. Ce qui n’est pas le cas dans l’affaire qui nous intéresse.
Au vu de tout ceci, force est de conclure que, tant en la forme qu’au fond, les arrêtés pris par le Premier ministre en vue de remplacer les Maires des Communes de Befotaka Nord, d’Antsohihy, d’Ambalihy et d’Andreba se situent complètement en dehors de la légalité, aucune des conditions requises les légitimer, encore moins les légaliser, n’étant réunie. Il est donc tout à fait normal que le ministère de l’Intérieur réagisse vigoureusement (voir article ci-dessus) face à ce qui ressemble fort aux prémisses d’un coup d’Etat de Palais, à coups… d’arrêtés.
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