Saturday, April 14, 2012

Airbus: Prions pour que le président Rajoelina ne s'est pas planté


Madagascar aide Air France «Quand on travaille, Dieu bénit !». Le Président de la Transition concluait ainsi son annonce de l’achat de 2 Airbus A-340 d’occasion à Air France, face à Onitiana Realy, journaliste vedette de TV Plus le 23 mars. Mais pourquoi Dieu était-il ainsi mis à contribution pour une opération dont Andry Rajoelina s’annonçait si «fier» ? C’est vrai que les Malgaches ont d’autres préoccupations et l’acquisition de ces deux appareils a provoqué, au mieux du scepticisme et au pire de l’écœurement, chez le citoyen et la ménagère de base. Une dépense s’élevant en final à plusieurs centaines de millions d’Euros est mal perçue par l’opinion publique quand le minimum vital manque. 336.000 emplois formels perdus depuis le début de la crise en 2009 selon le BIT, 950.000 enfants déscolarisés comptabilisés par l’UNICEF, une insécurité non maîtrisée qui touche tout le monde, etc…, les chiffres et les faits sont cruels. La population, très croyante, s’en remet plus au Créateur qu’au pouvoir pour s’en sortir... C’est pour cela qu’Andry Rajoelina, qui n’est plus à une contre-vérité près, s’est empressé d’ajouter qu’Air Madagascar «n’aurait rien à débourser». S’agissant d’un leasing, c’est évidemment faux, et avec les intérêts, on finit toujours par payer le prix maximal, surtout quand il s’agit d’avions obsolètes. Car, précision d’importance oubliée par l’interviewé, il s’agit d’A340-300. La série 300 est la version sous-motorisée, c’est-à-dire la moins performante et, en terme économique, la moins rentable de cette lignée d’appareils, bien moins réussie que les versions 500 ou 600 disposant de moteurs plus puissants et d’une autonomie plus grande. Cette sous-motorisation se révèle particulièrement pénalisante au décollage, c’est pourquoi la piste de Nosy-Be doit être rallongée (montant estimé des travaux : 15 milliards d’Ariary). L’A-340 est un échec commercial pour Airbus, qui a dû en arrêter la production en 2011, faute de commandes. Les grandes compagnies aériennes préfèrent toutes les biréacteurs Boeing 767 et 777, l’A-340 quadriréacteurs étant trop budgétivore en carburants. Elles se débarrassent donc de leurs A-340, y compris Air France qui a plusieurs 777 en commande, ou Air Mauritius qu’Andry Rajoelina a cité dans son allocution. Air Madagascar est la seule compagnie au monde à faire le chemin inverse. Il serait intéressant de savoir combien auront coûté exactement ces appareils quand les Malgaches auront fini de payer le leasing, dans 6 ans. On a fait tout un foin pour Force One II (voir article : «Champagne pour Romeo Papa»). Les Malgaches sont en droit d’être informé du montant qu’ils paieront pour renflouer les caisses d’Air France, une compagnie dans le rouge qui a annoncé le 8 mars dernier un déficit record de 353 millions d’Euros pour l’exercice 2011 et prévoit pire pour 2012 : 458 millions d’Euros de déficit. Tout est donc bon pour faire des économies : gel des salaires, suppression d’escales, vente d’actifs… Jean-Cyril Spinetta, le PDG du groupe, a justifié ces pertes par le niveau «historiquement élevé» du pétrole car la hausse du baril a coûté 904 millions d’Euros au groupe Air France-KLM l’an dernier. Mais les analystes constatent que les compagnies rivales comme Lufthansa ou British Airways-Iberia ont réussi à afficher des résultats d’exploitation largement bénéficiaires et pointent du doigt le manque de compétitivité de la compagnie française. Madagascar, en ouvrant son ciel via l’adhésion à Skyteam, permet à Air France de renforcer les destinations rentables sur l’Océan Indien. Quant à la vente des 2 Airbus A-340, des avions peu performants face à ceux des concurrentes, c’est assurément une bonne affaire pour la compagnie française, bien moins pour son homologue malgache. Ce ne sont pas des partenariats win-win car ces appareils plombent l’avenir d’Air Madagascar. Pendant un temps, il fut question de louer provisoirement deux A-340 avant l’acquisition de deux A-330 neufs, ce qui était une démarche pertinente. C’est donc la pire solution qui a été retenue. Rappelons que c’est la mise sur liste noire de ses 2 Boeing 767 en avril 2011, après des défaillances sur l’entretien constatées lors de contrôles à l’aéroport de Roissy, qui a précipité la décision. Et en 2002, Paris avait trouvé un prétexte pour bloquer les 2 Boeing d’Air Madagascar sur son sol, à la demande soit-disant des compagnies de leasing qui auraient craint pour la sécurité des appareils, étant donné la situation de troubles. En fait, la décision s’inscrivait dans le combat que le gouvernement français menait contre Ravalomanana et le peuple malgache. Le but était d’isoler et de mettre sous blocus le pays. Dans le même temps, Paris bloquait les avoirs malgaches… Corsair avait pu néanmoins poursuivre ses vols, et Air Madagascar s’était débrouillée pour louer les services de la compagnie italienne Blue Panorama. Concernant les deux A-340, le discours officiel inverse les rôles et fait croire que c’est Air France qui «aide» la compagnie de la Grande Ile à redécoller. C’est faux ! Ce genre de manipulation était la norme durant la colonisation et il est symptomatique qu’Andry Rajoelina utilise les mêmes artifices sémantiques. Les pots cassés, c’est le peuple malgache qui les paiera. Une erreurs de jeunesse dans une entreprise peut être rectifiée aisément, mais lorsque cela concerne toute la nation les conséquences peuvent être dramatiques et irréversibles. La valeur d'un chef d'état dépend avant tout de ses expériences, donc de son âge.

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