La fermeture des entreprises franches à Madagascar a poussé des milliers de jeunes filles malgaches à aller chercher du travail ailleurs. Le Liban figure dans ce sens leur destination de prédilection pour lequel un départ massif des femmes est enregistré en 2007. A partir de ce moment, les problèmes ont commencé à défrayer la chronique.
Sont définis comme une forme moderne d’esclavage, le recrutement, le transport et l'hébergement de personnes à des fins d’exploitation, généralement d'exploitation sexuelle ou de travaux forcés. La traite de personnes, par ailleurs, peut qualifier la situation des femmes malgaches qui travaillent au Liban. A entendre les vécus des femmes ayant travaillé dans ce pays, mais qui ont réussi à rentrer sauves mais pas toujours saines au pays, le concept de l’esclavage moderne n’est pas à exclure. Les agences de placements, de leur côté, pointent du doigt ces femmes comme étant elles-mêmes la principale source du problème. Selon les témoignages de ces jeunes filles, les conditions de travail ne sont pas du tout conformes aux clauses du contrat qui dure 3 ans et à toutes les promesses mirobolantes faites avant le départ pour appâter les éventuelles candidates. Pour le cas de Ramamonjisoa qui a travaillé un an au Liban et qui est arrivée au pays au mois de mars dernier, elle était prévue travailler au sein d’une famille. Cependant, une fois sur place, elle a travaillé simultanément dans 4 foyers. « Le pire, c’est le nettoyage d’une maison toute entière qui compte une quinzaine de chambres. On ne dort que lorsque tous les travaux sont finis, c'est-à-dire à minuit, pour se réveiller dès 6h de matin, alors qu’on ne mange qu’une fois par jour », a-t-elle révélé. Même si elle n’a pas subi des agressions physiques et morales, comme les autres filles, elle ne supporta pas davantage les conditions de travail et chercha à rentrer au pays, par tous les moyens. D’autres filles affirment ainsi des conditions de travail lamentables. Andréa, l’une d’elles, confie que « lorsqu’on tombe malade, aucun médicament ni soin ne nous est accordé. Mais encore, on nous accuse d’être des paresseuses si nous nous plaignons ». Une fois arrivées à Madagascar, chômage, exclusion et rejet sont autant de problèmes auxquels ces femmes font face. Qu’elles en reviennent saines ou traumatisées, rien ne sera plus comme avant. Nombre d’entre elles sont rejetées voire maltraitées par leurs époux et leurs familles, surtout si elles avaient fait l’objet de certaines formes de violence notamment sexuelles. Heureusement que le volet « prise en charge des femmes en détresse et des victimes de la migration économique » du Syndicat des personnes diplômées en travail social (SPDTS) effectue des suivis personnels et des soutiens psycho-sociaux à l’endroit de ces filles.
Mort suspecte
Selon les statistiques de ces deux dernières années, le nombre des femmes qui travaillent actuellement au Liban s’élève à environ 6 200 sans compter les femmes qui parviennent à s’introduire clandestinement dans le pays des cèdres malgré l’interdiction formelle de l’Etat. Les demandes de rapatriement déposées auprès du SPDTS sont actuellement au nombre de 441 outre celles reçues auprès des autres organismes œuvrant pour les droits de l’homme comme l’Ong Tsaramanasoa, l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) ou encore auprès du ministère de la Population et de Lois sociales qui s’élèvent à près de 221. Parmi les quelque 311 femmes (statistique du 1er au 18 juillet 2010) qui sont déjà rentrées au pays, 294 d’entre elles ont affirmé avoir été sujettes à des maltraitances physiques à l’instar de gifles, brûlures, coups de poignard, empoisonnement par l’eau de javel, entre autres. 227 femmes confirment en outre qu’elles ont été maltraitées psychologiquement (brimades, injures, cruauté mentale, répétition sans cesse de la punition). La maltraitance sexuelle a en outre affecté les quelque 94 femmes parvenues à rentrer à Madagascar. Par ailleurs, le nombre de décès s’élève à l’heure actuelle à 8. « Ma fille a commencé à travailler au Liban comme femme de ménage, le 1er septembre 2009. Agée de 21 ans, elle a trouvé la mort le 20 octobre de la même année si sa dépouille mortelle n’est arrivée en terre malgache que le 6 novembre. Notre seul moyen de communication était le téléphone portable. Chaque fois que Mampionona (c’est le nom de la jeune fille) me téléphonait, elle se plaignait de l’insuffisance de nourriture et de l’abondance des travaux à effectuer qui excède largement les normes. Après notre première communication téléphonique, nous nous sommes donné rendez-vous le 15 octobre 2009 mais elle l’a manqué. Alors je l’ai rappelé le 21 octobre et c’est la patronne qui m’a répondu en disant que ma fille était morte après être tombée du 3ème étage de l’immeuble qu’ils habitaient. Mais à constater l’état de son corps, sa mort est douteuse vus les coups de poignard et les brûlures recouvrant son corps », a raconté Marie Louisette Rasoanirina, mère de Mampionona, une des filles ayant succombé au Liban, qui attend encore jusqu’à l’heure actuelle les résultats de l’autopsie. D’après Marie Louisette, l’agence de placement, responsable de l’envoi de Mampionona au Liban, n’a pris aucune charge sur le rapatriement de la dépouille mortelle de sa fille. Cette agence n’a du reste pas pris la peine d’annoncer la mort de Mampionona à sa famille.
Plainte collective
L’association des familles des femmes victimes de non-droit au Liban, créée récemment et les organismes œuvrant pour les droits de l’homme comme le SPDTS, accusent les agences de placement d’être auteures de traite de personnes compte tenu de la situation. Raison d’ailleurs pour laquelle ladite association a décidé de déposer une plainte collective contre tous les acteurs dans l’envoi des femmes malgaches au Liban. « Signée au nom de l’association, la plainte doit être déposée au plus tard demain auprès du tribunal de 1ère instance d’Antananarivo et dont la synthèse sera envoyée auprès des ministères concernés et à la Présidence de la HAT », a expliqué Norotiana Jeannoda, présidente du SPDTS. Le but étant d’impliquer l’association dans toute les décisions compte tenu de la réticence des gens sur la dénonciation des cas puisque jusqu’à ce jour deux femmes victimes seulement ont osé porter plainte contre les agences de placements. Le syndicat du bureau de placement (SBPM), de son côté, nie en revanche ce fait. « Nous connaissons des filles qui réussissent leur vie au Liban. Si ces quelque centaines de filles ont subi une maltraitance, physique ou morale, c’est de leur faute puisque qu’elles sont peut-être des paresseuses. Certaines d’entre elles espèrent entre autres trouver des maris et ont cherché par tous les moyens pour revenir au pays quand la situation ne se présentait pas comme prévu », a avancé un représentant du SBPM. Ce dernier n’a cessé d’interpeller l’Etat malgache à leur accorder la poursuite de leur activité pour nourrir leur famille. « Il faut seulement bien déterminer la responsabilité de tout un chacun dans ce cercle vicieux et réviser les clauses du contrat », a encore ajouté le représentant du syndicat, avant de poursuivre qu’il travaille discrètement. Raison pour laquelle, la population ne connaît pas les démarches que le syndicat suit pour venir en aide aux victimes, selon encore ses affirmations.
Des autorisations
A noter que l’Etat malgache a déjà envisagé la perspective d’envoyer un avion spécial au Liban pour rapatrier les femmes victimes de non-droit dans ce pays. Les responsables s’attellent en ce moment au recensement des filles voulant rentrer au pays et qui sont déjà avisées de cette initiative, annonce une source proche de la Présidence de la HAT. Cependant, cette décision n’a fait qu’intensifier les tortures endurées par les femmes malgaches au Liban. Certains patrons ont même déménagé, selon nos sources. Ces derniers ont en outre affirmé que certaines personnalités au sein du ministère de la Fonction publique et celui de l’Intérieur accordent encore des dossiers nécessaires au déplacement à l’étranger et ce, à destination de Maurice pour être ensuite envoyé au Liban. « Nous avons seulement donné des autorisations aux femmes malgaches ayant travaillé au Liban, qui sont en vacances dans la Grande Ile et désireuses d’y retourner et ce, après investigations », a rétorqué Margueritte Razanazafy, directrice générale de l’emploi et de la formation professionnelle au ministère de la Fonction publique.
Source Madamatin
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