Wednesday, September 01, 2010

Décision de la justice et autorité de la gendarmerie

L’encre a coulé à flots, dans les médias, sur la fameuse affaire de 17,5 tonnes de cuivre qui, de Toliaraà Antananarivo, a laissé des traces indélébiles quant à la manière avec laquelle le ministère des Transports - par le truchement de l’Agence portuaire, maritime et fluviale (Apmf) – entend la traiter. En tout cas, en face de l’Arrêt définitif qui a été prononcé par la Cour d’Appel de Toliara, de hauts cadres dudit département ministériel tentent de passer outre, arguant que ces 17,5 tonnes de cuivre relèveraient du domaine d’épaves maritimes d’intérêt historique, archéologique ou culturel. Ceci, sans aucun autre titre judiciaire.

Une société privée a fait valoir, à qui veut l’entendre, qu’elle a acheté auprès des pêcheurs d’Androka (Toliara) des déchets de cuivre que ces derniers ont puisés du fond marin de cette localité. Déchets de cuivre qui pèsent 17,5 tonnes et seraient évalués actuellement à près de 140 millions Ariary. Malheureusement pour son gérant statutaire, au moment où il allait exporter ces lots de cuivre, le ministère des Transports - par le biais de l’Agence portuaire, maritime et fluviale (Apmf) – est intervenu pour y faire blocage. En tout cas, sans crier gare, le directeur général de cette Apmf a saisi le tribunal correctionnel de Toliara pour poursuivre pénalement le gérant statutaire en question de « détention et exportation d’épaves d’intérêt historique, archéologique ou culturel ». Le procès afférent s’était tenu le 18 mars dernier. Là où le Tribunal correctionnel de Toliara a statué, par jugement n°179 – C, qu’aucune preuve, contre le prévenu d’avoir commis les faits par lesquels il est poursuivi, n’a été retenue, étant donné que l’infraction n’est pas constituée pour défaut d’élément moral. Ce qui a amené le Tribunal dont il s’agit à renvoyer le prévenu des fins de poursuites, sans peine ni dépens. Sur les intérêts civils, le même Tribunal correctionnel a débouté l’Apmf de sa demande de restitution desdites 17,5 tonnes de cuivre. Ceci, sans qu’il n’ait oublié d’ordonner la restitution desdits déchets au gérant statutaire en question.
Claire et catégorique…
Non satisfaite de ce jugement prononcé en premier ressort, l’Apmf a interjeté appel. Le dossier afférent a ainsi été cité à l’audience de la Cour d’Appel de Toliara, à la date du 9 juin dernier. Là où ladite Cour a été claire et catégorique dans son Arrêt n°374 - C : « confirme le jugement entrepris ayant débouté l’Agence portuaire, maritime et fluviale de sa demande de restitution des 17,5 tonnes de déchets de cuivre et ayant ordonné la restitution desdits déchets, objet de la saisie incidente (…) ». Dans son exposé des motifs, cette Cour d’Appel de Toliara a fait valoir, sans équivoque, que – au niveau du Tribunal correctionnel de Toliara et en exécution du jugement avant – dire – droit n°46 du 11 février dernier ayant ordonné à la partie civile, en l’occurrence l’Apmf, à produire les preuves de la propriété sur les biens saisis – le directeur général de l’Apmf n’a fait que reproduire les dispositions d’un article du Code maritime stipulant que les épaves maritimes d’intérêt historique, archéologique ou culturel sont propriétés de l’Etat, leurs anciens propriétaires n’ayant droit à aucune indemnité. Qu’en outre, la même Apmf a produit au dossier la loi n°2003 – 025 portant statut des ports et le décret portant création de l’Apmf ainsi que la loi portant refonte du Code maritime. Des pièces que la Cour d’Appel de Toliara n’a pas jugées pouvoir satisfaire les exigences des textes en vigueur. En effet, la même Cour a statué, toujours dans son exposé des motifs, qu’ « aucune découverte d’épave, ayant fait l’objet de déclaration auprès de l’autorité administrative maritime, n’a été enregistrée conformément aux dispositions de la loi portant refonte du Code maritime. Qu’il en est de même du défaut de déclaration précisant la date de la découverte, l’identité et l’adresse de l’inventeur, la nature et l’emplacement de l’épave. Qu’ainsi, les conditions, édictées par ladite loi, n’ont pas été respectées ni remplies pour que la partie civile puisse prétendre l’appropriation des objets saisis ».
Opposition musclée, voire armée
Malheureusement, et en dépit du certificat de non pourvoi délivré par le Greffier en chef de la Cour d’Appel de Toliara qui a donc consacré le caractère définitif de l’Arrêt dont il s’agit, le gérant statutaire en question s’est buté à une opposition musclée, voire armée, de quelques hauts gradés de la Gendarmerie nationale de Toliara quand il a voulu, par voie d’Huissier, faire exécuter ledit Arrêt définitif. Plus grave, sans aucun titre judiciaire, le ministère des Transports, plus précisément un Capitaine de Vaisseau, a fait enlever cette cargaison de 17,5 tonnes de cuivre du camp de la Gendarmerie de Toliara – où elle a été saisie – pour l’emmener dans la Capitale. S’étant armé d’un courage exemplaire, le gérant statutaire dont il s’agit a déployé tous les moyens légaux pour que ladite cargaison soit interceptée, sur la Rn7, et emmenée au camp du Gsis de la Gendarmerie nationale. Jusqu’à ce que la lumière soit faite sur cette affaire. Là où, toujours sans aucun titre judiciaire, des soi - disant fonctionnaires du ministère des Transports ont voulu, avant – hier, procéder à la levée des scellés officiels apposés sur les conteneurs de cuivre. Une démarche abusive qui a reçu une ferme opposition de la part du gérant statutaire en question. De tout ce qui précède, une question pertinente requiert une réponse, claire et officielle, de la part du ministère des Transports : comment se fait – il que, sans aucun titre judiciaire en mains, ses fonctionnaires se permettent le luxe de tenter de faire tomber en brèche un Arrêt définitif prononcé par la Cour d’Appel de Toliara ? Quoi qu’il en soit, un fait criard est à relever dans cette affaire : quand un Arrêt définitif d’une Cour d’Appel peut encore faire l’objet d’une opposition de la part d’un simple ministère qui, d’ailleurs, ne dispose même pas d’un autre acte judiciaire pouvant conforter le bien - fondé de sa démarche, c’est que – sans souffrir la moindre discussion – nous sommes en face d’une gouvernance bananière.
Un « Vazaha » à l’affût…
D’ailleurs, d’autres confidences ont laissé filtrer que, dans cette affaire, un « Vazaha » serait à l’affût pour que, par le truchement du ministère des Transports, ces 17,5 tonnes de cuivre échouent dans son escarcelle. A l’instar des autres 40 tonnes du même métal, issues de la même épave, qu’il aurait déjà pu amasser et exporter. Quoi qu’il en soit, voir un ministère s’opposer à l’exécution d’une décision de Justice définitive – que ledit ministère n’a d’ailleurs pas jugée utile de casser au niveau de la Cour de cassation – ne peut qu’inquiéter plus d’un juriste averti. En tout cas, sans ambages, il appert ici de faire valoir que le ministère des Transports, et son démembrement de l’Apmf, sont en train de donner raison aux détracteurs de l’actuel régime transitoire qui qualifient ce dernier de « pouvoir de voyous ». Etant entendu que, selon la Constitution, nul ne peut s’opposer à l’exécution d’une décision définitive de Justice. A moins que ledit ministère des Transports, se prévalant d’une quelconque autorité « exceptionnelle », puisse déroger à ce principe sacré de l’Etat de droit. D’ailleurs, ce même ministère aurait encore des explications à faire valoir sur la manière avec laquelle il a acquis un remorqueur, valant près de 9,6 millions d’Euros, sans avoir suivi les procédures requises en la matière.
Recueillis par R. Christian Frédéric

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