Friday, March 02, 2012

Déverrouiller son mobile, mode d'emploi




Des détenteurs de téléphones mobiles qui ont quitté leur opérateur pour l'offre mobile de Free, lancée à la mi-janvier, s'aperçoivent souvent qu'ils ne peuvent toujours pas utiliser leur appareil : l'ancien opérateur ne l'a pas "désimlocké".

La carte SIM (de l'anglais subscriber identity module), qui contient toutes les informations relatives à l'abonné (numéros, type d'abonnement, options...), reste verrouillée, et ne peut fonctionner chez le concurrent. Des abonnés ont protesté auprès de l'Institut national de la consommation (INC) et sur le site Lesarnaques.com, à propos notamment des iPhones.

Ce sont les constructeurs de téléphones qui se chargent de verrouiller les cartes SIM, à la demande des opérateurs. De cette façon, une carte SFR ne pourra pas être utilisée sur le réseau d'Orange. Lorsqu'il vend les téléphones à l'opérateur, le constructeur lui transfère les codes nécessaires pour débloquer la carte. Sauf dans le cas d'Apple : le service de presse de la firme à la pomme n'a pas souhaité nous dire pourquoi.

Lorsque le client demande le déverrouillage de son téléphone, c'est l'opérateur qui s'en charge - sauf dans le cas d'un terminal de marque Apple. Sur le site Lesarnaques.com, nombre de possesseurs d'iPhones se plaignent de faire l'objet d'une partie de ping-pong entre l'opérateur, qui assure avoir envoyé les demandes, et Apple qui dit ne pas les avoir reçues...

Ceux qui perdent patience auront la tentation de recourir aux nombreuses officines de téléphonie mobile qui proposent du "désimlockage", pour des sommes allant de 15 à 30 euros, ou plus. Elles sont "illégales", prévient la Fédération française des télécoms. "Elles utilisent des codes acquis frauduleusement", assure-t-elle. Ces codes seraient souvent détournés par des employés.

A la suite d'une plainte de SFR à Marseille, les gendarmes de la cité phocéenne ont ainsi mis au jour, en mai 2011, un trafic portant sur des centaines de codes de déblocage et ayant généré des dizaines de millions d'euros. Ils ont identifié des "taupes" chez les opérateurs. Elles vendaient les codes trois euros l'unité. Des trafiquants les revendaient ensuite sur des sites Internet pour environ 30 euros. En 2010, les gendarmes marseillais avaient déjà identifié le créateur d'un site Internet qui revendait des codes au grand public grâce à une société créée aux Etats-Unis : l'affaire lui rapportait environ 25 000 euros par mois...

"Il existe d'autres façons de déverrouiller son téléphone portable, explique Karim Bensfia, créateur du site Iphone3Gsystem.fr, dédié à cette question. Sur un iPhone, on peut faire une modification de logiciel en débridant les protections de l'appareil, assure-t-il. Il y a pour cela des logiciels de "jail break" (évasion de prison), comme Ultrasnow, proposés gratuitement par des hackers américains." Il existe un site spécialisé et actif : Tweak-cydia.com. De nombreuses démonstrations sont aussi fournies sur YouTube.

Les détenteurs de téléphones autres que les iPhones peuvent télécharger des calculateurs de codes de déblocage, continue M. Bensfia. Plus simple : on peut introduire, sous la carte SIM de chaque terminal, une carte à puce de type "Gevey", pour la somme d'environ 50 euros.

Ces procédures sont-elles légales ? Le service de presse de la police nationale n'a pas été en mesure de nous répondre. "Il n'existe pas d'incrimination pénale sanctionnant le déblocage d'un téléphone", précise Me Cathie-Rosalie Jol y, avocate spécialiste des nouvelles technologies du cabinet franco-belge Ulys. "Mais le constructeur peut refuser le bénéfice de la garantie à l'utilisateur, si le désimlockage ne s'est pas fait conformément à ses procédures", ajoute-t-elle.

L'avocate rappelle qu'il existe pour le client un "droit au déverrouillage" : il doit être gratuit six mois après la date de souscription du contrat, a prévu l'Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep), dans une décision du 8 décembre 2005. Les opérateurs membres de la Fédération française des télécoms (notamment Orange, Bouygues et SFR) l'ont réduit à trois mois.

Avant ce délai, ils le facturent au prix fort : 120 euros chez Bouygues Telecom, 76 euros chez Orange et de 65 à 100 euros chez SFR, précise le magazine 60 millions de consommateurs (mars 2012). "Un abonné qui déverrouille lui-même son terminal ne devrait pas être poursuivi par l'opérateur", estime Me Joly.

Les opérateurs font verrouiller les cartes SIM pour des raisons économiques : lorsqu'ils vendent à leur abonné un téléphone à un prix inférieur à sa valeur réelle, ils s'assurent ainsi de sa fidélité pendant trois mois.

L'UFC-Que choisir proteste contre ce fil à la patte, car le coût du téléphone est déjà compensé par la durée de l'engagement - en général deux ans. "L'engagement ajouté au désimlockage, c'est ceinture et bretelles !", résume Edouard Barreiro, chargé de mission à l'UFC.

La Fédération française des télécoms fait valoir que les clients partent souvent avant la fin de leur engagement et que, depuis la loi Chatel entrée en vigueur en juin 2008, leurs pénalités sont minorées. "En outre, certains partent sans laisser d'adresse", assure-t-elle.

Les consommateurs qui n'arrivent pas à faire désimlocker leur iPhone auront intérêt à s'adresser à l'association Lesarnaques.com, qui tente des médiations auprès des opérateurs. S'ils ne sont pas pressés, ils peuvent saisir le médiateur des communications électroniques - seulement par courrier ! (BP 999 75829 Paris cedex 17) - ou se plaindre à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

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