Tuesday, March 20, 2012

Tamatave: Sécurité mora : l’affaire nationale du blackvery de Mialy Rajoelina

mercredi 21 mars 2012



Le fait divers qui a occupé les colonnes des journaux hier est le vol du blackberry de Mialy Rajoelina alors qu’elle était en déplacement à Toamasina. Le vol s’est déroulé vendredi dernier, et selon les médias, sept personnes étaient inculpées cinq jours après. On ne peut que constater la célérité des forces de l’ordre à procéder à une enquête sérieuse et approfondie dès qu’il s’agit de Mme Rajoelina. Mais c’est normal, ils sont payés pour protéger les intérêts de la main qui les nourrit.

Il y a quelques jours, on a aussi constaté avec étonnement la sortie dans la presse de Jean-Marc Châtaignier, ambassadeur de France de son état, et qui s’était ému des actes de banditisme dont étaient victimes depuis un certain temps des personnes de nationalité française. On ne peut que constater la célérité de l’ambassadeur-plus-pour-longtemps à réagir dès qu’il s’agit de ses compatriotes. Mais c’est normal, il est payé pour veiller à l’intérêt des Français à Madagascar.

Là où je m’étonne, c’est que l’ambassadeur de France se soit empressé de proposer une aide au gouvernement malgache pour lutter contre le banditisme dès que des Français ont été (à son goût) un peu trop souvent victimes, alors qu’il a toujours fait l’aveugle, le sourd et surtout le muet devant la croissance effrénée des actes de délinquance depuis que Rajoelina s’est installé au pouvoir en mars 2009. Combien de personnes se font voler leur téléphone portable, braquer, attaquer ou tuer sans que cela n’émeuve qui que ce soit ? Et surtout pas le bwana d’Ambatomena en sécurité dans sa belle voiture à plaque verte. Si lui et son pays n’avaient pas soutenu le coup d’état, on n’en serait sans doute pas là. Alors ses états d’âme et ses inquiétudes sur la croissance du banditisme, il peut sans doute les placer avec le coco dont on parle plus bas.

En effet, le lien entre crise économique et hausse de la délinquance est à la fois logique et mécanique. Primo, des pères et mères de famille risquent de ne plus trouver comme solution que le banditisme et la prostitution pour nourrir leurs enfants. Secundo, le trafic d’armes et l’indiscipline sont les résultats directs des manipulations perpétrées dans l’armée par les auteurs du coup d’état durant le premier trimestre 2009. Ces actions avaient été faites à l’époque pour, d’une part, fragiliser l’autorité de l’État, et d’autre part, pour s’assurer le contrôle des hommes et des armes nécessaires pour la mutinerie du 8 mars 2009 puis pour l’attaque du Palais d’Iavoloha le 16 mars 2009. Le résultat se paye maintenant. Et tertio, certains groupes ont pris goût à se servir dans les biens d’autrui depuis les pillages durant la période du lundi noir (26 janvier 2009).

Remonter la pente du failed state dans lequel nous ont précipité Rajoelina et sa clique, et rétablir un minimum de sécurité nécessite que l’on s’attaque à bras-le-corps à trois chantiers : restaurer l’autorité d’un État qui soit respecté car respectable ; rendre crédible les forces de sécurité en les remettant sur les rails de leur mission, et non les dévoyer dans une perpétuelle chasse aux opposants ; redonner confiance en la Justice. Or, qu’est ce que nous avons ? Au pouvoir, des gens qui ont profité de la mutinerie du CAPSAT et qui manipulent le Droit à tour de bras pour de vulgaires intérêts politiciens ; des magistrats qui ne font grève que pour demander plus d’avantages liés à leur fonction ou pour se plaindre qu’un des leurs a été assassiné, et jamais pour demander un assainissement du milieu de la justice [1] ; des gradés de la police qui couvrent le meurtre d’un magistrat, ou qui claironnent impunément par voie de presse qu’ils n’ont pas d’ordre à recevoir du Premier ministre, pourtant chef de l’administration dans le pays.

Dès le mois d’août 2009, votre serviteur lançait un avertissement sur les conséquences sociales de la crise : « Maintenant, le spectre de la perte des privilèges de l’AGOA nous pend au nez. 100.000 emplois directs, 300.000 emplois indirects, soit plus d’un million d’individus dont les revenus sont menacés. Nul gouvernement ne pourra gérer la crise sociale sans précédent que cela risque d’entraîner. Beaucoup de ces hommes risquent de devenir des délinquants, beaucoup de ces femmes des prostituées » (édito du 31 août 2009). En partant de là, comment peut-on s’étonner que le banditisme ait le vent en poupe, et que de nombreuses affaires de criminalité révèlent des implications de militaires ou de policiers, dans la location d’armes, ou bien dans les actes même. « Le chômage et ses effets pervers qui s’appellent délinquance, marchands de rue et prostitution etc » (édito du 1er janvier 2011) ; « La paupérisation de la population est une réalité, et les victimes se lancent dans l’informel pour joindre les deux bouts. Cela se voit dans les rues, où les vendeurs sont de plus en plus nombreux. Et cela se voit dans les journaux, où des « salons de massage » en nombre croissant proposent leurs services tout en résorbant le chômage féminin » (édito du 27 juillet 2011).

Voilà donc les conséquences de l’acte irréfléchi et stupide que fut le coup d’état de 2009. Rappelons encore une fois la citation de Sun Tzu : « Faire servir le désordre à l’ordre n’est possible qu’à celui qui a profondément réfléchi aux événements qui peuvent survenir ». Et rappelons à la sauce ivoirienne que « Qui avale une noix de coco a confiance en son anus », comme nous l’avions souligné dans l’anus et le coco, un édito qui a pris très peu de rides depuis septembre 2009.

Il est quand même curieux de constater le comportement de nos super-enquêteurs à l’imagination débordante : ils font l’exploit de trouver quelques heures après (si ce n’est avant...) des commanditaires de bombes artisanales, des complices présupposés de coup d’état en complicité avec des officiers, ou un paquet de rongony caché dans un hangar du côté d’Antsirabe ; mais ils sont tout à coup aussi amorphes qu’un pénis en manque de viagra quand il faut faire leur vrai métier, celui d’attraper les bandits. Après trois ans de crise, les forces censées être de l’ordre étalent au grand jour leur impuissance à juguler la hausse du banditisme. En tant que contribuable, on est en droit de se poser la question : marque d’incompétence, d’inconscience ou de complicité ?
Notes

[1] J’avoue cependant être très positivement impressionné par le président actuel du Syndicat des Magistrats, qui n’hésite pas à engager le fer avec le symbole du ministère de l’injustice. On verra à l’aune du procès Ranjeva si la magistrature va honorer les belles envolées lyriques entendues lors des assises nationales pour l’indépendance de la justice

1 comment:

rafidison hasindranto said...

On dirait bien que ce black renferme quelque secrets qui dérangent.
Vivement qu'on les publie