Saturday, March 24, 2012

Au Mali, le front des putschistes se fragilise

Samedi 24 mars 2012

Vendredi en fin d'après-midi, des informations contradictoires avaient circulé sur la situation à Bamako et le sort du chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo.

De plus en plus isolés à l'étranger comme au Mali, les auteurs du putsch contre le président Amadou Toumani Touré tentaient samedi 24 mars de mettre fin à la dangereuse incertitude régnant dans le pays et garder le contrôle de la situation face à une possible contre-offensive loyaliste. Un calme précaire et tendu par endroits régnait dans la matinée à Bamako, où l'activité tournait toujours au ralenti.

Visiblement sur les dents, les putschistes contrôlaient toujours le siège de la télévision publique ORTM, qui continuaient de diffuser des émissions de musique traditionnelle, en alternance avec les précédents messages des soldats mutins assurant que "tout va bien" et invitant les Maliens à "vaquer normalement à leurs occupations". Vendredi en fin d'après-midi, des informations contradictoires avaient circulé sur la situation à Bamako et le sort du chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, en lien avec une brève interruption du signal de la télévision publique.

"Rumeurs", avait réagi la junte du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE), assurant que la situation était sous contrôle. Des soldats du rang dirigés par le capitaine Sanogo ont annoncé jeudi avoir déposé le président Touré, dissous toutes les institutions du pays et suspendu la Constitution. Ils ont accusé le président Touré, ainsi que leurs supérieurs hiérarchiques, d'incompétence dans la lutte contre la rébellion touareg et les groupes islamistes, en particulier Al-Qaida au Maghreb islamiques (AQMI), qui mènent depuis la mi-janvier une vaste offensive dans le nord-est du pays.

Un groupe islamiste armé touareg a d'ailleurs affirmé samedi qu'il s'apprêtait à prendre Kidal, une des villes les plus importantes du nord-est du Mali, selon un communiqué reçu par l'AFP sur place.

LE SORT DU PRÉSIDENT TOURÉ INCONNU

Les mutins du CNRDRE, dont la plupart sont issus de la troupe, ont leur quartier général dans la caserne de Kati, à 15 km de Bamako, où leur chef, dont on sait très peu de choses, a donné vendredi une série d'entretiens à la presse. Le sort du président Touré reste pour l'instant toujours inconnu. On ignore si, protégé dans un endroit inconnu par des militaires loyalistes il préparerait la contre-offensive, comme l'assurait jeudi son entourage, ou s'il est prisonnier des mutins.

Le chef de l'Etat "va très bien, il est en sécurité", a assuré vendredi le capitaine Sanogo, refusant cependant de dire où il se trouve. Les dirigeants du gouvernement renversé sont "sains et saufs" et seront "prochainement remis à la justice malienne", a dit l'officier, qui a promis de protéger "leur intégrité physique".

A Bamako, vendredi 23 mars.

A l'incertitude sur la situation militaire, s'ajoute l'incertitude politique sur les projets de la junte : à cinq semaines du premier tour de la présidentielle prévu le 29 avril, le coup d'Etat a été condamné dans une déclaration commune par 12 des principaux partis politiques maliens, fragilisant un peu plus la position des putschistes.

Samedi matin, un responsable de l'un de ces partis, l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adema) a été brièvement interpellé par des militaires à son domicile de Bamako. Kassoum Tapo a été relâché peu après, après avoir reçu les excuses du chef de la junte pour son arrestation, a-t-il précisé. Trois autres hommes politiques, qui ont requis l'anonymat, ont indiqué à l'AFP être entrés "en clandestinité", parce que selon eux, recherchés par des "hommes armés".

Le coup d'Etat a été unanimement condamné sur la scène internationale. Venue d'Abidjan, une délégation de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a brièvement séjourné à Bamako vendredi. Ses membres se sont entretenus par téléphone avec le capitaine Sanogo, celui-ci ne s'étant pas déplacé en ville pour des raisons de sécurité. Le chef de la junte a cependant promis d'autoriser le départ des ministres kényan et zimbabwéen des affaires étrangères, ainsi que le secrétaire d'Etat tunisien en charge des affaires africaines, bloqués dans la capitale depuis le coup d'Etat.

Les frontières terrestres et aériennes du pays restent fermées depuis jeudi et un couvre-feu est en vigueur.

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