Friday, December 16, 2011

Magistrature contre police: Indécision en haut lieu

L'affaire qui oppose les magistrats aux policiers traîne en longueur. Voilà bientôt dix jours que le meurtre et les exactions de Toliara ont eu lieu, mais rien n'a encore été tranché. Si l'affaire fait du surplace, c'est notamment car le président de la HAT (Haute Autorité de l'Etat) et le Premier ministre ne veulent pas prendre la responsabilité d'une décision et se renvoient la balle. Approché par les magistrats, le Premier ministre s'en est remis au président de la HAT. Interrogé, celui-ci déclare avoir confié le règlement de l'affaire au Premier ministre. Visiblement en haut lieu, c'est l'indécision et le flottement. Car on a affaire à deux chefs de l'exécutif qui manquent de punch et d'énergie, et qui préfèrent botter en touche plutôt que d'adopter une résolution ferme et sans appel. Les circonstances pourtant réclament de la détermination puisque ne pas agir, c'est ouvrir la porte à l'indiscipline et à la rébellion dans les autres corps en uniforme.

Tant de tergiversations étonnent, notamment quand on prend connaissance des propos suivants, tenus jeudi par Andry Rajoelina : "Les brutalités commises à Toliara par quelques policiers sont inadmissibles, d'autant qu'elles ont entraîné la mort d'un magistrat… ". Le chef de la transition s'est donc fait une opinion précise sur les événements de Toliara. Il pointe carrément le doigt sur des policiers et les tient pour responsables de la mort du substitut du procureur. Signalons que ces derniers jours, pour sauver le ministre de la Sécurité intérieure, menacé de destitution, des gradés de la police ont voulu noyer le poisson et ont attribué le décès à un arrêt du cœur ou à un AVC. Destinataire des témoignages et surtout du rapport d'autopsie, Andry Rajoelina n'est pas tombé dans le piège et est persuadé de la culpabilité des fonctionnaires de Police mutins de Toliara. Fort de ses convictions, l'homme devrait prendre les mesures qui s'imposent, mais n'en fait rien…

De cette attitude, on peut tirer la conclusion suivante : le président de la HAT tient un double langage et est en contradiction avec ses déclarations faites récemment en France. Interrogé sur le retour de Marc Ravalomanana, l'homme s'est montré hostile à l'impunité, notamment sur les crimes de sang, et s'en est donc remis à la justice sur ce cas d'espèce. Son comportement actuel prend le contre-pied de ces affirmations. A Toliara, en effet, il y eut un crime de sang manifeste (le rapport d'autopsie fait état de blessures effroyables infligées au magistrat Rehavana Michel) et l'impunité ne devrait donc pas être de mise. Au lieu de cela, Andry Rajoelina et Omer Beriziky s'attachent à rapprocher les magistrats et les policiers et à les amener sur un terrain d'entente. But de l'opération : un accord à l'amiable destiné à enterrer l'affaire, avec, selon les propos d'Andry Rajoelina, " une reconnaissance publique de leur faute par les auteurs ".

Bref, il y a une semaine en France, le chef de la transition s'est montré intransigeant à l'endroit des crimes de sang, censés avoir été commis par Marc Ravalomanana. De retour aujourd'hui dans l'île, l'homme change du tout au tout et plaide pour une tolérance à l'endroit du crime de sang de Toliara. Il semble même être favorable à l'impunité et au pardon…

En tout cas, en grève totale depuis une dizaine de jours, les magistrats ont paralysé l'appareil judiciaire. Lundi prochain, ils devraient se livrer à un geste fort, même si l'initiative ne fait pas l'unanimité dans leur camp : déposer en bloc leur démission si le ministre incriminé n'est pas destitué.

On s'achemine, donc, vers un blocage total de la machine judiciaire, et le chef de la transition devrait réagir avec vigueur pour conjurer la menace. Au lieu de cela, celui qui, selon la Constitution, est le " garant par son arbitrage du fonctionnement régulier des pouvoirs publics" se montre passif et inconsistant. Ne parlons pas de la grève des enseignants-chercheurs…

Actuellement, en tout cas, la démarche officielle consiste à réunir autour d'une table magistrats et policiers. Apparemment, une mesure fermement refusée à Marc Ravalomanana sera aussi accordée aux policiers meurtriers de Toliara : l'amnistie.

Il ne s’agit nullement de mettre de l’huile sur le feu, ni de remuer le couteau dans la plaie. La situation est encore et toujours suffisamment confuse et délétère pour qu’il faille encore en rajouter. Toujours est-il que les faits étranges se succèdent en cette période où la classe politique et dirigeante avec la Communauté internationale qui est en cours de reconnaissance du régime actuel.
Pour la présence même pas inclusive de tous les acteurs politiques puisque des groupes ont été écartés tandis que d’autres refusent toujours de signer et de siéger au sein des Institutions. Ainsi l’apaisement, selon le microcosme politique n’est pas encore à l’ordre du jour puisque reste en suspens le cas des prisonniers politiques, de certains exilés volontaires ou non, des médias qui n’ont pas encore été rouverts. Sur la question de l’amnistie, le pouvoir actuel continue de tergiverser alors qu’on se rappelle que la libération des prétendus prisonniers politiques du précédent régime s’est fait en deux temps trois mouvements et leur statut n’a pas encore été régularisé quand bien même certains ont fini par siéger au sein des instances dirigeantes de cette Transition. Deux poids deux mesures donc qui pourraient s’expliquer par certaines craintes fondées et suscitées par la personnalité et le tempérament des actuels prisonniers politiques qui n’incluent pas ceux qui ont déjà recouvert leur liberté. Laquelle a été sans doute négociée avec des contreparties qui commencent à être connues.
Le cas d’un prisonnier politique est en train de défrayer la chronique. Primo, parce qu’il n’est pas n’importe qui, puisqu’il a été une des pièces maîtresses ou un des éléments actifs déterminants dans l’avènement de cette Transition. Secundo, parce que les circonstances de son limogeage d’une structure de répression ont mis à jour des jeux de relations pour le moins fumeuses. Tertio, ce personnage a rejoint des « mutins » dont le but a été de renverser le même régime que la plupart d’entre eux ont contribué à porter au pouvoir. Quarto, de sa cellule, et même bien avant, il a menacé publiquement de révéler les dessus de l’affaire du 8 mars 2009. En fait, il en a déjà divulgué quelques aspects. La chute ou mieux la descente aux enfers, dans tous les sens du terme, de cet officier de l’armée a été spectaculaire. Elle l’est encore puisque le voilà hospitalisé pour une maladie tellement bizarre que les spéculations iront bon train dans les jours à venir.
Les premiers témoignages font état de délires hallucinatoires. Son hospitalisation serait due par contre à une perforation gastrique. Il aurait été opéré avant-hier et serait maintenant sorti du coma.
La situation politique dans le pays depuis bientôt trois ans ne donne pas seulement le tournis à tous ceux qui s’en préoccupent. Elle provoque la folie qui se traduit par des actes violents et des paroles virulentes. Cette folie ne touche pas seulement la population plongée dans la misère et dans la pauvreté, elle concerne également les politiciens et les dirigeants. Si l’on devrait évoquer un diagnostic médical, les habitants de Madagascar - y compris d’ailleurs les étrangers qui y sont installés- seraient atteints de schizophrénie paranoïde. Une expression savante pour dire que les personnes affectées ou infectées n’agissent plus correctement et ne pensent plus clairement (les discours ne sont pas seulement démagogiques, ils sont incohérents). Leur esprit est coupé des réalités (elles ignorent les souffrances des proches et des compatriotes). Elles sont sujettes à des hallucinations auditives (des voix de Dieu). Elles sont atteintes de déficiences intellectuelles profondes (elles ne se concentrent pas sur les vrais problèmes du pays et sont incapables de les résoudre). Quant à la paranoïa, elle se manifeste par des obsessions de complots et d’attentats.
Une personnalité, mais elle n’était pas la seule, avait déclaré il y a quelque temps, que le pays était malade, il ne croyait pas si bien dire. En fait, ce sont quasiment tous les Malgaches et les étrangers du pays qui le sont à des degrés divers et différents. Y compris et surtout ceux qui se prennent pour les sauveurs, guérisseurs et spécialistes.

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