(MFI) L’agriculture a depuis longtemps
été vue comme le « socle » du développement en Afrique, et la mauvaise
gestion du secteur comme la cause directe de son échec : de René Dumont à
Edgar Pisani, pour beaucoup d’auteurs l’Afrique est agricole avant tout, et
les politiques suivies en la matière ont débouché sur une impasse.
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De fait, l’agriculture constitue la base
de l’économie pour beaucoup d’Etats du continent. Au Mali comme à Madagascar,
la population compte plus de 70 % de paysans, et en tout le secteur agricole
fournit 57 % des emplois du continent. Pourtant, le secteur ne contribue que
pour 17 % à son PIB. Dans de nombreux pays, il est notamment fragilisé par sa
dépendance vis-à-vis des cultures de rente développées pendant la période
coloniale et destinées à l’exportation. L’économie du Ghana, par exemple, est
tributaire de l’évolution des cours mondiaux du cacao, celle du Mali des
cours du coton, celle du Kenya des cours du thé. Certaines de ces cultures
ont conduit à l’appauvrissement des sols, comme au Sénégal où la monoculture
de l’arachide a abîmé durablement un écosystème déjà fragile, ou en Côte
d’Ivoire où la culture du cacao s’est faite au détriment du couvert
forestier.
Extensive, majoritairement constituée de petites exploitations familiales, qui combinent élevage et cultures vivrières pour la satisfaction des besoins locaux, l’agriculture africaine souffre d’un manque de compétitivité. Dans un contexte de croissance démographique, l’Afrique est ainsi le seul continent où la production agricole par habitant a baissé au cours des quarante dernières années. Le peu d’attention que les gouvernements ont accordée au monde rural depuis les indépendances serait en cause. Les prix payés aux producteurs ont toujours été très faibles et la plus-value tirée de l’agriculture a été la plupart du temps utilisée pour assurer la paix sociale et le développement des villes. Dépourvues de protection sociale, d’accès facile au crédit, de moyens pour maîtriser l’eau, pour stocker et commercialiser leurs récoltes, de systèmes de retraite et de santé, les populations rurales disposent aujourd’hui de peu d’infrastructures : écoles, dispensaires, routes, approvisionnement en eau et électricité sont insuffisants, voire inexistants. Du coup, les paysans n’ont pas les moyens d’entretenir le capital foncier national qui se dégrade petit à petit et devient de moins en moins productif. De mauvaises conditions climatiques, comme les périodes de sécheresse des années soixante-dix au Sahel, font partie des facteurs qui ont aggravé cette situation. Ajustement structurel et accords de Marrakech de l’OMC ont imposé la libéralisation Les programmes d’ajustement structurel, prescrits à la fin des années quatre-vingt par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, n’ont pas arrangé les choses. L’ajustement structurel a été préparé par le fameux rapport Berg, Le développement accéléré en Afrique au Sud du Sahara (1981). Celui-ci, tout en insistant sur le caractère surtout rural de la pauvreté et la nécessité de redonner la priorité à l’agriculture vivrière, aux petits exploitants et aux coopératives, a ouvert la voie à une libéralisation de l’économie toujours d’actualité. Les grands organismes multilatéraux ont ainsi obligé les Etats à se retirer du secteur agricole, mis fin aux systèmes de stabilisation des prix, entraîné la fermeture des offices publics de commercialisation, supprimé les subventions à l’achat d’intrants ainsi que les organismes de recherche et de vulgarisation. Au final, les paysans se sont retrouvés sans ressources, financières comme techniques. Ces orientations ont été renforcées, en 1994, par les accords de Marrakech signés, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, pour favoriser la libre circulation des produits agricoles. Avec eux, la marge de manœuvre des Etats sur le contrôle de leurs importations a encore diminué. Le faible niveau des droits de douane commun à l’ensemble des pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest, adopté en 1997, est allé dans le même sens. Extrêmement bas, il a laissé grandes ouvertes les frontières de ses pays membres aux produits vivriers extérieurs. S’il a arrangé à court terme les gouvernements, qui pouvaient nourrir à bas prix leur population grâce aux importations, ses répercussions ont été considérables pour les paysans. Concurrencés par les produits subventionnés et les excédents à bas prix des pays développés, les producteurs n’arrivent plus, depuis, à vendre correctement le fruit de leur travail sur leurs propres marchés. Ils sont devenus de plus en plus pauvres : au Sénégal, plus de 70 % d’entre eux vivent désormais en dessous du seuil de pauvreté. Favoriser l’agriculture familiale, pourvoyeuse d’emplois Pour tenter de sortir de cette spirale de la pauvreté, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, lors du sommet de Maputo (Mozambique) en 2003, se sont engagés à doubler en cinq ans la part des budgets nationaux consacrés à l’agriculture et d’atteindre 10 %. Conscients de la nécessité de se moderniser, les paysans s’organisent eux aussi. Ils ont créé, au cours des années quatre-vingt-dix, des plate-formes régionales actives sur le plan national et international, à l’image du Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles d’Afrique de l’Ouest (Roppa). Ensemble, ces organisations plaident pour l’adoption de régimes fonciers qui permettraient de sécuriser les paysans, demandent à bénéficier du même niveau d’investissement que les villes, réclament la protection des filières agricoles, la reconnaissance d’un statut juridique pour les travailleurs du monde rural, l’accès à une protection sociale. Surtout, elles s’opposent à la volonté de plusieurs gouvernements (du Sénégal et de Madagascar, notamment) de développer une agriculture industrielle, gérée par des investisseurs privés, travaillant pour l’exportation et employant une main d’œuvre salariée, et de reléguer au second plan l’agriculture familiale, pourtant beaucoup plus pourvoyeuse d’emplois. |
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Fanny Pigeaud.
Jean-Claude de L’Estrac quand à lui, réaffirme sa foi en
Madagascar. Deux jours de réflexions pour chercher une solution pour booster la
production agricole dans le pays.
Une preuve de confiance. Malgré la déficience du pays,
la Commission de l’océan Indien (COI) croit en la potentialité agricole de
Madagascar. Elle affirme, à travers son secrétaire général Jean-Claude de
L’Estrac, que la Grande île peut être la solution à la dépendance de la région
à l’importation des denrées alimentaires. Elle croit ainsi qu’en boostant sa
production agricole, Madagascar peut atteindre le summum de sa potentialité.
« Les problèmes rencontrés par Madagascar sont solubles. Il y a la possibilité, en relativement peu de temps, de soutenir une amélioration de la production agricole, de sa qualité, des filières de commercialisation suivant des normes phytosanitaires reconnues », a indiqué le secrétaire général de la COI dans son discours, lors de l’ouverture officielle de la réunion sur « La sécurité alimentaire dans l’Indianocéanie - Investir dans la production agricole », dans la matinée d’hier. Celle-ci se tient à l’hôtel Roches Rouges à Mahajanga depuis hier et se terminera mercredi. « Pour cela, il faut investir dans les ressources humaines, les infrastructures, l’accompagnement des communautés d’agriculteurs », a-t-il souligné. Chance à saisir D’après Ziva Razafintsalama, spécialiste sénior en développement rural de la Banque mondiale, lors de son intervention devant un panel des partenaires de développement en fin d’après-midi, « Madagascar a le gap de rendement le plus élevé dans le monde. C’est un indicateur de potentialité qui mérite d’être soulevé ». Or, il explique qu’en augmentant ne serait-ce que peu le rendement, le pays peut déjà remplir ce gap. Il a appuyé sa théorie grâce à l’exemple de la filière riz. « Chaque année, Madagascar importe 100000 à 200000 tonnes de riz. Si la production passe de 2,5 tonnes à 3 tonnes par hectare, on peut dépasser ce volume d’importation. Le pays deviendrait même excédentaire », a-t-il avancé.
Judicaëlle Saraléa
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Sunday, June 30, 2013
L’agriculture en Afrique et à Madagascar : un secteur fragilisé
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