Tous les régimes successifs sans exception ont pillé les ressources de notre pays, dilapidé l’argent public et opprimé notre peuple d’une manière ou d’une autre. Aucun malgache n’a échappé à l’oppression quelle que soit sa forme, physique, économique, médiatique, politique ou judiciaire. Militaires ou civiles n’ont pas échappé à l’arrogance de ces politiciens.
Le Président Marc Ravalomanana, pour réconcilier son peuple doit faire preuve d’humilité, et doit prendre ses responsabilités en reconnaissant pleinement ses erreurs et le mal causé à ce peuple qui l’a conduit à la situation actuelle. Le Président Marc Ravalomanana doit admettre qu’un devoir de reconnaissance et de réconciliation s’impose - tout propos visant à nier catégoriquement ce qui lui est reproché ne ferait qu’alimenter le sentiment de révolte et nourrir la haine et la soif de vengeance de ceux qui étaient prêts à tout et sont allés jusqu’au bout pour lui ôter le pouvoir. Malgré la division apparente du peuple, on note deux points communs entre ce peuple désuni, d’une part la soif de liberté et de combattre un régime jugé autoritaire et d’autre part la blessure profonde qui a bien du mal à se refermer.
Andry Rajoelina a dit « le peuple donne le pouvoir et reprend le pouvoir ». Il a raison, il n’aura pas tort non plus de rendre le pouvoir au peuple, non pas par la voix des ondes mais par la voix des urnes, il n’aura pas tort non plus de considérer que dans un Etat de droit, l’auto-proclamation n’existe pas.
L’homme le plus puissant et le plus adulé du monde, le Président Barack Obama, fait sans cesse preuve d’humilité envers son peuple et envers le peuple du monde entier. L’humilité n’est pas une faiblesse mais une force - sinon la plus grande des sagesses. Or tandis que les hommes politiques à Madagascar n’aspirent qu’au pouvoir et à la vengeance, à la mise à mort physique, intellectuelle, médiatique et constitutionnelle, le peuple malgache n’aspire qu’à l’unité, à la liberté et à la cohésion nationale.
Aux militaires de la CAPSAT, comme tous les malgaches, vous vous êtes émus des évènements du 07 Février dernier ainsi que de la mort de centaines de nos compatriotes calcinés et emportés par les flammes durant la « révolution orange » de Andry Rajoelina, connu sous le nom TGV pour son caractère fonceur dit-on. Beaucoup de nos compatriotes ont payé de leur vie suite à la fermeture de VIVA télévision. Vous avez dénoncé et refusé de participer à l’humiliation, aux arrestations que vous jugiez injustifiées et injustes de certains de nos compatriotes et vous vous êtes refusés à obéir aux ordres par empathie et par compassion pour vos semblables – telles étaient les raisons principales et motivations de votre désobéissance. Votre message était clair et votre décision, sans appel. Le sentiment de fraternité qui nous unit tous, nous a amené à nous mettre à votre place et à vous comprendre.
Oui, le « non –dit » n’enlève en rien le sentiment commun, connu de tous les malgaches à faire partie d’une même grande famille. Nous partagions avec vous le même sentiment de douleur vu les images de nos compatriotes tombés sous les balles à Ambohitsirohitra et ceux morts brûlés vifs sur leur lieu de travail. Votre tristesse apparente s’est traduite par la désobéissance et la notre, par des larmes incessantes. Larmes qui ne cessent de tomber aujourd’hui encore.
Le peuple malgache est connu et admiré pour son unité et dit-on de lui qu’il est un peuple pacifique. À l’heure où des guerres se propagent dans le monde entier, et l’Afrique est le premier continent touché par la guerre. Notre cohésion est reconnue dans ce même continent où nous constituons un véritable exemple, une inspiration pour les autres nations qui ne se limitent pas au continent africain.
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La fermeture d’une station de télévision dont seul Tananarive et ses environs pouvaient capter a pourtant conduit à la mort de plus d’une centaine de nos compatriotes et a fait l’objet de millions de dollars de pertes économiques. Malgré toutes les tentatives visant à masquer cette réalité, il est de notre devoir à tous, civils et militaires de ne jamais nous détourner ou de fermer les yeux sur cette réalité-là afin que personne n’ignore. Alors, plusieurs questions se posent, une station de télévision, quelles que soient son importance et l’influence de son propriétaire vaut-elle la perte de toutes ces vies humaines ? Fallait-il et faut-il que le sang de pauvres innocents coule - quand on sait que de tout temps nous nous reconnaissons en nos semblables, tant on sait que leur vie vaut la nôtre ?
La véritable injustice n’est-elle pas celle affligée au peuple malgache depuis des années par les régimes successifs ? Andry Rajoelina est-il la victime la plus à plaindre dans un pays où « ny ohanina androany tadiavina androany ? » où dans les villages, des pères de familles, leur bêche sur l’épaule, partent à l’aube pour essayer de trouver un travail afin de pouvoir permettre à sa famille de manger le seul repas de la journée – rentrer, dormir et repartir le lendemain pour recommencer ?
Avons-nous pris acte du fait que si VIVA télévision n’a pas été fermée, Andry Rajoelina ne serait jamais devenu le « révolutionnaire » qu’il a prétendu devenir et oser parler non pas au nom mais à la place du peuple ? A la Mairie de Tananarive, ce dernier a affirmé maintes fois, n’avoir aucune intention de faire de la politique. Or le sort du peuple malgache au moment où il prononçait ces paroles, jusqu’à aujourd’hui dépend et se construit autour d’une volonté politique. C’est la raison pour laquelle dans un Etat de droit, le peuple vote pour qu’il puisse être maître de son destin en élisant l’homme ou la femme politique dont il pense capable de le représenter et défendre ses intérêts. Ainsi, c’est donc par pur opportunisme que le sort des malgaches est devenu une priorité et c’est la soif de vengeance qui conduit à la révolution et de parler au nom d’un peuple souverain sans son consentement.
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Or la place du 13 Mai a constitué un véritable quai pour ce TGV. Incontestablement il à réussi à embarquer façon « taxi be » des milliers de passagers vers une destination incertaine, mais dont on suppose ressemble au paradis, si ce n’est le paradis. Alors il faut foncer coûte que coûte. L’armée, sans doute sous l’emprise des sentiments de révolte face aux pertes de vie de leurs compatriotes, a contribué bon gré mal gré au départ du TGV et de ces passagers affamés et assoiffés au sens propre et figuré.
Le 07 février 2008 pourtant, le TGV fonceur curieusement ralentit mais prend tout de même le temps et la précaution de débarquer les passagers dont il sait déterminés à arriver à destination. En train ou à pieds, ne jamais s’arrêter. La réalité est que la destination finale n’était pas si loin. Entre la Place du 13 Mai et Ambohitsirohitra, il n’y avait qu’un pas alors le TGV n’avait aucun besoin de foncer.
Le train à grande vitesse a aussi un grand pouvoir, celui d’apparaître et de disparaître selon les situations. Il disparut le 07 février pour réapparaître le 08 février et déplorer la mort de ses passagers. Il a disparu de son domicile pour réapparaître à celui de l’Ambassadeur de France quelques jours plus tard, affirmant avoir 50 millions pour 18 millions de malgaches.
Au final il embarque quelques milliers de passagers à son bord et a délibérément ou involontairement (selon) laissé à quai quelques millions d’autres.
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Nous vous avons vu et nous vous observons - vos visages, vos images, vos faits et gestes circulent partout dans le monde entier et dans tous les supports médiatiques. Nous ne vous perdons pas de vue car vous nous ressemblez. Des hommes peuvent s’égarer mais un peuple ne peut pas se perdre. Puisque les armes sont braquées sur nous, qui sommes vos frères et sœurs de sang et vos semblables alors nos regards seront braqués sur vous. Nous chercherons votre regard jusqu’au bout.
Il apparaît aujourd’hui que le véritable TGV au caractère fonceur, c’est vous. Alors donnez nous un peu de votre énergie et fonçons ensemble et oeuvrons ensemble pour la paix. Lutter pour préserver la légalité c’est aussi lutter pour préserver l’identité et la liberté de nos générations futures dont vous êtes aussi les garants. C’est aussi lutter pour tous les malgaches sans exception qu’ils soient civils ou militaires. Ceux qui sont tombées sous les balles sont morts au non de notre liberté, votre liberté.
Le 26 juin 1960 a marqué l’indépendance et la liberté du peuple malgache. Indépendance dont beaucoup ont le sentiment d’avoir perdu le 21 mars 2009 par voie « extra constitutionnelle ». D’autres pensent avoir été emprisonné depuis l’avènement du Président Marc Ravalomanana. Les avis divergent et seules des élections transparentes permettront de confirmer ou d’infirmer ces sentiments.
Nous avons tous gravés dans nos mémoire l’image d’un homme, nommé RAZILY, aspirant à la liberté, pas uniquement à sa liberté mais à celle de ses compatriotes. Il s’est dirigé vers certains d’entre vous, militaires, drapeau à la main, avec comme seule protection, un cartable d’écolier porté comme bouclier. Les images qui circulent de lui le montrent, brandissant un drapeau qui est aussi le vôtre, symbole notre souveraineté et de notre indépendance. Au vue des images, le drapeau pourtant lui a été arraché et lui violenté. Aujourd’hui encore, nous ignorons le sort et le devenir de RAZILY. Nous estimons que sa place est auprès de sa famille.
Le 26 juin, lorsque vous défilerez pour commémorer l’indépendance et la liberté du peuple malgache dont vous-même en faites partie. Lorsque vous commémorerez la mémoire de vos anciens, morts au combat pour votre liberté, lorsque vous porterez ce même drapeau malgache en le brandissant de la même manière que RAZILY l’a porté,– je souhaite que vous vous souviendrez de ces quelques mots et que vous ayez une pensée pour lui. Il n’est pas différent de vous. Il est de votre sang et qui sait peut-être de votre rang.
A l’heure où il est devenu illégal d’être légaliste, et un délit d’exprimer ses idées dans les rue, la place de la démocratie, Ambohijatovo ou la place du 13 Mai, n’est pas un quai pour embarquer vers une destination inconnue mais un bien moyen pour rester chez nous. C’est un socle qui porte le nom et l’objet de notre engagement et un endroit pour nous permettre d’exprimer notre désir de rester comme la place du 13 Mai fut un quai pour TGV.
Sans identité, un être humain est un clandestin. Politiques et/ou militaires ne pourront contraindre tout un peuple à devenir clandestin dans leur propre pays. D’une manière ou d’une autre, ce peuple reviendra aux sources car il aspirera à retrouver ses repères, de la même manière que vous retrouvez les vôtres en retournant à vos casernes après avoir affronté vents et marrés du monde civile.
Je ne suis qu’une simple citoyenne qui demande humblement à tous mes compatriotes civils et militaires qu’ils soient d’Antsiranana, Tuléar, Majunga, Toamasina, Fianarantsoa ou d’Antananarivo de méditer sur le fait que notre pays est actuellement entrain de vivre les moments les plus sombres de son histoire. De même, nos vies et notre avenir sont compromis pour la simple raison que deux hommes, depuis toujours se vouent une haine farouche et s’amusent au jeu de la « chasse à la sorcière » . Or le seul grand perdant, c’est nous peuple malgache que nous soyons civil ou militaire.
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Quelques milliers de passagers ont certes embarqué à bord de ce train, mais beaucoup d’entre nous n’ont jamais prétendu être armés physiquement ou psychologiquement pour partir vers des aventures incertaines. Beaucoup n’ont jamais entendu parler de ce train non plus. Ceux qui ont choisi de rester et de ne pas embarquer ne doivent en aucun cas être forcés, à monter dans les wagons comme l’ont été les juifs pendant la guerre mondiale. Tout un peuple a été contraint d’embarquer contre leur volonté et envoyé vers une destination inconnue après avoir été dépouillés de leur identité, de leurs biens et de leur dignité humaine (leurs valeurs ne comptaient pas), ce sous le regard malveillant d’une armée prête à tout. Or le voyage n’a été qu’un aller simple et seuls le pilote (Hitler) et les militaires le savaient sans retour.
Au nom de tous les patriotes morts tombés sous les balles, et brûlés vifs, et au nom de ceux qui se battent pour retrouver la liberté, qu’ils aient suivi le TGV ou non, nous sollicitons la sagesse de l’armée afin qu’elle ne soit pas tentée d’utiliser l’arme de la colonisation qui vise à diviser le peuple pour régner.
Au nom des millions de malgaches compatriotes dans toutes les provinces qui ignoraient et qui ignorent toujours l’existence de VIVA TV et du TGV, nous réclamons leur droit à rester seuls maîtres de leur destin. Nous demandons à l’armée de les aider à pouvoir s’exprimer par la voie des urnes dans les meilleurs délais – ce même s’ils choisissent à leur tour d’embarquer dans ce train dont les rails sont encore inexistants, et ce même si le voyage est un aller simple – l’essentiel c’est qu’ils choisissent.
(...)
Par la présente, j’appelle tous mes compatriotes, de tous les bords pour qu’ensemble et avec courage, nous osions faire preuve d’une prise de conscience générale.
L’unité est le garant de la liberté - La paix est un comportement.
Angelina Soamininala
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