Avec le retour de Robert Farquhar comme gouverneur de l'île Maurice en juillet 1820, des difficultés surgissent lorsqu'il faut renouer les négociations avec le roi Radama Ier. Durant l'absence de Farquhar, en effet, son intérimaire, le général Hall refuse de payer l'indemnité stipulée par le traité du 23 octobre, en contrepartie de l'abolition de la traite.
Radama ne manque d'ailleurs pas de le rappeler à Hastie, chargé de renouer les relations anglo-malgaches. « Je l'ai signé contrairement aux recommandations de mes nobles et de mes conseillers. J'ai rempli ma part des engagements de la façon la plus scrupuleuse et c'est avec un profond regret que j'ai dû finalement l'abandonner... ».
Du reste, Hastie éprouve quelque inquiétude à retrouver le roi trompé par le non-respect du traité. D'autant que Radama a fait des promesses qu'il n'a pu tenir à ses sujets , et son crédit en a évidemment souffert. Radama essaie de ce fait, de monnayer son accord et Hastie doit donner plus qu'il n'a consenti en 1817: la mise à disposition du roi d'un certain nombre d'artisans britanniques, envoi en Angleterre de six jeunes Malgaches, etc.
Le nouveau traité est signé le 11 octobre 1820. Radama faisant preuve de sa fougue juvénile, s'applique de toute son énergie à la faire respecter. En particulier, il fait renvoyer sur-le-champ plus de 1 000 esclaves qui attendent d'être embarqués à Toamasina. « Et comme il dut vraisemblablement à cette occasion rembourser la prime de deux piastres et demie par tête qu'il avait déjà touchée, ce fut pour le Trésor une perte sensible » (Jean Valette, archiviste-paléographe).
L'exécution très stricte du traité, renforcé en 1823 par des mesures destinées à autoriser la saisie des navires affrétés en vue du transport des esclaves, entraîne une collaboration anglo-malgache, « qui fut fructueux pour les deux pays, mais principalement pour l'Imerina ».
D'abord les Anglais exercent « sur l'esprit du roi » une grande emprise, grâce à l'envoi d'instructeurs militaires et d'artisans qui forment à Antananarivo une petite colonie influente. En outre ils peuvent, « sous prétexte de veiller à l'observation du traité », orienter la politique de Radama « dans un sens favorable à leurs intérêts » et contrecarrer ainsi les entreprises françaises sur la côte Est.
« Il y a là un mélange curieux- dont certains, à tort, se sont scandalisés- d'aspirations humanitaires et de buts réalistes. Il y a lieu d'admirer une semblable politique, imaginée, voulue et appliquée avec une grande opiniâtreté ».
De plus, il devient nécessaire à Radama d'occuper les points mêmes où cette traite se pratique s'il veut largement respecter et faire respecter l'abolition de la traite. Et « à plusieurs reprises dans les archives mauriciennes, les Anglais surent habilement suggérer à Radama telle ou telle campagne et même l'aider énergiquement ».
Pour que Radama puisse jouer avec succès le rôle de gendarme qui lui est désormais dévolu, il importe avant tout de mettre à sa disposition des forces militaires suffisantes. Avec l'aide des instructeurs britanniques, il se lance dans la réforme des institutions militaires selon les méthodes modernes.
L'aide anglaise dépasse cette réorganisation de l'armée. Les navires anglais aident Radama pendant la campagne de 1823, en le transportant avec une partie de son armée de Foulpointe à Vohémar. Car pour les Anglais, cette campagne n'a d'autre but que de mettre fin à des guerres intestines « fomentées par la France », qui sont la source du commerce des esclaves contre lequel lutte le roi merina.
L'action britannique est aussi manifeste dans la préparation de la campagne contre le Boina en 1824. « Les instructions adressées par le Colonial Office au gouverneur de Maurice, ne laissent aucun doute à ce sujet. On y lit, en effet, qu'il faut inciter Radama à entreprendre une campagne dans le Nord-ouest et tout faire pour contrecarrer en cette région, les activités de la France en utilisant le roi merina ».
Pour préparer cette campagne, la marine anglaise n'hésite pas à intimider le roi Andriantsoly en l'amenant à accepter le drapeau de Radama Ier, « dont ce roi ignorait jusqu'à l'existence ». Ce qui équivaut au roi sakalava à reconnaître la suzeraineté merina.
Selon Jean Valette, « sous le couvert de but humanitaire, les Anglais réussirent à utiliser Radama Ier pour mener à bien un plan qui réussit parfaitement, d'autant que ce plan ne pouvait que plaire à un roi jeune, actif et enclin à se réaliser par lui-même ».
Pela Ravalitera
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