Y a-t-il quelque prestidigitateur
autour de l'étoile TYC 8241 2652 1 ? Cette très jeune étoile, semblable
à notre Soleil et située à 456 années-lumière de nous, vient de voir
disparaître, comme par enchantement, la quasi intégralité de l'énorme
disque de poussières qui l'entourait. "C'est comme le tour de magique classique : un coup il y est, un coup il n'y est plus", résume Carl Melis, astronome à l'université de Californie (San Diego) et auteur principal de l'article, publié dans Nature du 5 juillet,
où cette énigmatique disparition est pour la première fois décrite.
Sauf que cette fois, ce n'est pas un lapin que l'on glisse dans le
double fond d'un chapeau haut de forme : "Dans le cas présent, nous parlons d'une quantité de poussière suffisante pour remplir un système solaire interne
(dans le cas de notre Système solaire, il s'agit de l'espace comprenant
les orbites de Mercure, de Vénus, de la Terre, de Mars ainsi que la
ceinture d'astéroïdes, NDLR), et elle est vraiment partie", ajoute Carl Melis.
TYC 8241 2652 1 est une étoile
âgée d'environ 10 millions d'années. A côté de notre Soleil et de ses
presque 4,6 milliards d'années, elle fait figure de jeune enfant. Mais
ce n'est pas vraiment un bébé qui vient de naître. Au cours de sa courte
existence – à l'échelle astronomique –, les résidus de sa formation
(gaz, glaces, poussières) ont eu le temps d'essayer de s'agglomérer en
planète(s). On ignore si ce processus a abouti car aucun compagnon n'a
pour le moment été détecté autour de cette étoile pas vraiment toute
proche, mais les astronomes estiment que le disque de poussières qui, il
y a quelques années encore, entourait TYC 8241 2652 1 n'était pas le
disque primitif à partir duquel se fabriquent les planètes mais plutôt
un disque secondaire, constitué de grains résultant des multiples
collisions que les embryons de planètes (les planétésimaux) avaient
subies. Chauffées par leur soleil, ces poussières rayonnaient dans
l'infra-rouge et c'est dans cette longueur d'onde qu'elles avaient été
détectées dès 1983.
Qu'ont donc vu exactement les astronomes ? Ils
ont suivi l'évolution dans le temps du rayonnement infra-rouge de ce
disque en récupérant les données enregistrées par quatre télescopes
spatiaux travaillant dans ce domaine – IRAS en 1983, Akari en 2006, WISE en 2010 et Herschel en 2011 –, qu'ils ont complétées par des observations au sol effectués avec le télescope Gemini South situé au Chili (en 2008, 2009 et 2012) et le NASA Infrared Telescope Facility d'Hawaï
(2011). Jusqu'en 2008, la quantité de lumière émise par le disque est
stable. Quand de nouvelles mesures sont réalisées en 2009, elle a chuté
de près d'un tiers. Et en 2010, ce chiffre a de nouveau été divisé par
dix et ce qui subsiste du disque est à la limite du détectable. "C'est comme si les anneaux de Saturne avaient disparu, explique un des auteurs de l'article de Nature, Benjamin Zuckerman, professeur au département de physique et d'astronomie de l'université de Californie (Los Angeles). C'est
même plus étonnant parce que ce disque de débris poussiéreux était plus
grand et beaucoup plus massif que les anneaux de Saturne."
Le problème des chercheurs, c'est qu'aucun modèle connu n'est en mesure de faire disparaître une telle quantité de matière en l'espace de deux ans. "Rien
de semblable n'a jamais été observé autour des centaines d'étoiles dont
les astronomes ont étudié les disques de poussières, ajoute Benjamin Zuckerman. La
disparition de la poussière autour de TYC 8241 2652 1 était si bizarre
et si rapide qu'au début, je me suis dit qu'un truc étrange avait faussé
nos observations." Mais ce n'était pas le cas. De plus, pendant
les deux années en question, l'étoile a fait preuve de stabilité et ne
semble avoir connu aucune colère violente susceptible de balayer la
poussière.
Pour le moment, les astronomes n'ont
en main que deux hypothèses un peu boiteuses pour essayer de comprendre
ce qui s'est passé. La première imagine que la présence de gaz dans le
disque provoque une accrétion accélérée de la poussière en direction de
l'étoile. Le hic, c'est qu'il faut, pour réussir un tel nettoyage en si
peu de temps, une masse de gaz dix fois supérieure à celle du disque de
poussières et que les auteurs de l'étude sont bien embêtés pour
expliquer d'où une telle quantité de gaz pourrait provenir. La seconde
hypothèse met en scène une collision violente entre planétésimaux ou
bien la dislocation de l'un d'eux. Dans les deux cas, une grande
quantité de petits débris est éjectée dans le disque. Sous certaines
conditions, ceux-ci seraient capables de provoquer un effet boule de
neige, en percutant des grains de poussière du disque, dont les éclats, à
leur tour, s'en iraient frapper d'autres grains, etc. Cette avalanche
de collisions pourrait mener à la désintégration et à l'évacuation de la
majorité des grains. Le scénario est joli mais, là aussi, il se heurte à
un problème de taille car le modèle qu'il reprend, imaginé en 2006, évoque un processus durant environ... mille ans et non pas deux.
Le casse-tête de l'étoile TYC 8241 2652 1 ajoute
encore un peu plus de complexité aux phénomènes mal connus qui sont à
l'œuvre dans ces disques de poussières. Des phénomènes qui intéressent
particulièrement les astronomes étant donné qu'ils sont responsables de
la formation des planètes et de tous les systèmes solaires, plus ou
moins exotiques, que les chercheurs découvrent depuis une quinzaine
d'années.
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