Thursday, November 03, 2011

Crise européenne: la Chine "maîtresse du jeu"? Pas tout à fait

Pékin .
L'appel à l'aide lancé par une Europe dans la tourmente à son sommet de crise à Bruxelles a placé la Chine en position de force avant le G20 de Cannes, mais contrairement à ce que certains redoutent, celle-ci n'est pas "maîtresse du jeu", du moins pas encore.

Si les sollicitations d'une zone euro surendettée ont flatté l'image de la Chine, Pékin les a accueillies avec une extrême prudence et ne mettra pas la main à la poche sans contreparties ni probablement dans les proportions souhaitées.

A Cannes, où les maux de l'Europe vont occuper une place majeure jeudi et vendredi, c'est une Chine qui affirme son "entier soutien" au Vieux Continent sans fournir le moindre engagement qui sera représentée par son président, Hu Jintao, dont la capacité de décision personnelle est limitée.

Mais en tendant la sébile à la deuxième économie mondiale, l'Europe a érigé en "trésorier de la planète" une Chine communiste qui finance déjà les déficits abyssaux américains.

Et le sommet marathon de Bruxelles à peine achevé, c'est à Hu Jintao que téléphonait le président français Nicolas Sarkozy, à une semaine de "son" G20, et avec lui encore qu'il aura un dîner de travail mercredi à Cannes.

INDÉPENDANCE PAS REMISE EN CAUSE

Une consécration, alors que Paris "veut obtenir quelque chose des Chinois afin de ne pas sortir bredouille de la présidence française" du G20, dit à l'AFP Jean-Pierre Cabestan, de la Hong Kong Baptist University.

"Notre indépendance ne sera en rien remise en cause", a assuré M. Sarkozy à propos de la main tendue à Pékin.

Ce n'est pas l'avis de son possible successeur, François Hollande, qui expliquait récemment au Monde que "la Chine est désormais la maîtresse du jeu, de sorte que le Sommet du G20 (...) va consacrer l'empire économique chinois".

Beaucoup ont vu avec inquiétude Pékin donner des leçons d'économie à l'oncle Sam, appelé à "cesser de vivre au-dessus de ses moyens" ou à l'Europe, sommée de "mettre de l'ordre" dans ses comptes.

L'EUROPE A LE CHOIX

Déjà la méfiance était grande face à des Chinois achetant le port grec du Pirée, de la dette portugaise ou espagnole, construisant des routes en Afrique et bientôt peut-être des TGV en Californie.

"Mais la Chine n'est pas maîtresse du jeu", et "l'Europe a le choix de ne pas se placer en position de dépendance exagérée", assure M. Cabestan, "la Chine est fragile, ne l'oublions pas".

Si elle a de colossales réserves de change (3.200 milliards de dollars), elle fait aussi face à d'énormes défis: réorientation de son économie vers la demande intérieure, extraction de 150 millions de personnes -soit la moitié de la population de la zone euro- de la pauvreté, mise en place de coûteux systèmes de protection sociale, urgences écologiques.

Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), estime aussi qu'il est "très exagéré" de dire que la Chine "est devenue le maître du jeu financier en Europe".

"Le tournant, en terme d'image, ne date pas de ce sommet (de Bruxelles), mais de la crise de 2008 et du premier G20 où la Chine a réussi à imposer l'image de son modèle, sorti indemne de la crise financière, au modèle démocratique occidental dénoncé comme inefficace", affirme-t-elle.

POSITION DE FORCE

Quant à ce que fera la Chine, "tout dépendra de l'image qu'elle voudra projeter, de ce qu'elle aura pu monnayer avant Cannes", sachant que par ailleurs "une diversification de ses réserves de change peut-être objectivement intéressante", dit Valérie Niquet. Et qu'il est dans l'intérêt de Pékin que l'Europe -son premier marché- s'en sorte.

"En position de force, la Chine ne va pas faire beaucoup de concessions, mais au contraire exiger des compromis, des compromissions des Européens et des Occidentaux en général", juge M. Cabestan.

Elle attend toujours de l'UE le statut d'économie de marché et de ses partenaires européens et américain la fin du "protectionnisme" pénalisant ses exportateurs.

Elle souhaite aussi qu'on la laisse enfin tranquille avec son yuan "sous-évalué" et veut jouer un rôle plus important au sein du FMI, notamment.

"La crise de la zone euro a donné à la Chine l'occasion d'ajuster ses relations avec l'Europe", s'est félicitée l'économiste Liu Jianxiong, elle "devrait poser ses conditions".

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