Saturday, November 12, 2011

Les gènes des centenaires sous la loupe des chercheurs


Même si des études antérieures ont démontré que leur longévité ne réside pas uniquement dans l'ADN, les chercheurs font le pari que les centenaires sont porteurs de particularités génétiques qui leur permettent d'éviter ou de retarder les principales maladies.



Les centenaires, leurs cellules et surtout leurs gènes passionnent les chercheurs. Et, quoique de plus en plus nombreux sur la planète, ils valent de l'or. La fondation américaine X Prize vient ainsi de lancer un concours doté de 10 millions de dollars (7,28 millions d'euros) pour le premier laboratoire qui réussira à décrypter l'ADN de 100 centenaires.

En 2004, cette fondation dont l'ambition est de stimuler l'innovation par la compétition avait, sur le même principe, attribué une récompense de 10 millions de dollars aux concepteurs du premier vaisseau spatial privé. Pour ce nouveau projet, baptisé Archon Genomics X Prize, la barre a aussi été placée très haut : le séquençage devra être complet, rapide (en moins de trente jours), pour un coût inférieur à 1 000 dollars par génome, et avec un taux d'erreur inférieur à un par million de paires de nucléotides.

L'un des objectifs est évidemment de percer les secrets de la longévité et du vieillissement en bonne santé. Même si des études antérieures ont démontré que leur longévité ne réside pas uniquement dans l'ADN, les chercheurs font le pari que les centenaires sont porteurs de particularités génétiques qui leur permettent d'éviter ou de retarder les principales maladies. "La découverte de ces variants pourra conduire à celle de cibles thérapeutiques et de mécanismes protecteurs", écrivent des membres de la fondation dans la revue Nature Genetics de novembre.

PLUS D'ALCOOL ET MOINS D'EXERCICE

Les travaux d'autres équipes, dont ceux d'Israéliens parus cet été dans le journal de la Société américaine de gériatrie, confortent l'hypothèse de gènes protecteurs. En comparant 477 juifs ashkénazes de plus de 95 ans, autonomes, à quelque 3 000 témoins nés à la même époque, les chercheurs ont observé que les personnes qui avaient vécu le plus longtemps buvaient un peu plus d'alcool que la moyenne et faisaient plutôt moins d'exercice physique.

Ils en ont déduit que les centenaires ont un profil génétique qui les protège contre les effets nocifs d'un mode de vie peu sain. Archon Genomics X Prize permettra peut-être d'identifier ces "bons" gènes. Mais ce n'est pas son seul objectif. L'idée est aussi "de pousser l'industrie à développer des techniques de séquençage plus précises, plus rapides et moins chères", a relevé Craig Venter, pionnier du décryptage du génome humain et vice-président de la compétition. C'est, selon le généticien américain, un préalable indispensable pour entrer réellement dans l'ère de la médecine personnalisée.

Les volontaires, qui doivent être centenaires et en bonne santé, sont en cours de recrutement dans le monde entier. Le concours proprement dit démarrera le 3 janvier 2013, date à laquelle les équipes en lice recevront un échantillon d'ADN des participants. A l'issue de la compétition, la base de données sera accessible à la communauté scientifique.

D'autres vastes études recrutant des centenaires sont en cours dans le monde. L'une des plus connues a commencé en 1995 en Nouvelle-Angleterre et prévoit d'étudier 1 600 centenaires et leurs familles.

Les chercheurs s'intéressent aussi à des cas individuels de longévité extrême. Ainsi d'une certaine "w115", dont le génome, entièrement séquencé, a été présenté au congrès de la Société américaine de génétique humaine, qui s'est tenu en octobre à Montréal (Canada). Le destin de cette femme, doyenne de l'humanité au moment de son décès, à 115 ans, est tout à fait exceptionnel.

Née prématurée, elle a vécu cent quinze ans sans souffrir de maladies vasculaires ni de détérioration de ses fonctions intellectuelles, ont rapporté Henne Holstege (université d'Amsterdam) et ses collègues. W115 a été traitée pour un cancer du sein à l'âge de 100 ans. Deux ans avant sa mort, due à un cancer de l'estomac, ses performances neuropsychologiques restaient équivalentes à celles d'une femme de 60 à 75 ans.

L'autopsie a confirmé qu'elle n'avait pas de plaque d'athérome sur ses artères et que son cerveau était indemne de maladie d'Alzheimer. Parallèlement, les chercheurs ont retrouvé sur son ADN des variants très rares sur des gènes associés aux affections cardio-vasculaires, aux maladies d'Alzheimer et de Parkinson.

Son profil génétique pourrait en partie expliquer sa protection contre ces pathologies du vieillissement. Ces données attendent encore d'être publiées dans une revue scientifique.

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