Saturday, November 05, 2011

Antibiotiques et pesticides : un cocktail mortel pour les abeilles américaines

Les apiculteurs, qui accusent l'insecticide Cruiser d'avoir tué leurs Des chercheurs ouvrent une nouvelle piste pour expliquer la surmortalité des insectes.D.R.



Souvent qualifiée de "mystère", la surmortalité des abeilles domestiques, qui peut atteindre 90 % dans certaines colonies, mobilise un grand nombre de scientifiques. Les conclusions de leurs recherches excluent, dans une majorité de cas, une cause unique et évoquent une multiplicité de facteurs : monocultures, OGM, virus, champignons, invasion de frelons, réchauffement climatique et pesticides, bien sûr.

Ces derniers sont souvent les premiers accusés. Leur nombre et leurs multiples interactions possibles ouvrent un champ de recherche immense : ainsi, plus de 120 produits différents ont été trouvés dans des ruches américaines.

Cependant, l'étude que vient de publier la revue scientifique en ligne Plos One allonge d'un nom la liste des périls qui menacent les abeilles domestiques : l'oxytétracycline. Cet antibiotique ne sauve pas les butineuses, mais semble au contraire les rendre plus sensibles à l'effet nocif des pesticides. D'où le titre paradoxal de cette étude : "Les tuer avec gentillesse ?"

Aux Etats-Unis, à la fin de l'hiver, les apiculteurs ont couramment recours à l'oxytétracycline à titre préventif pour essayer de surmonter les pertes très importantes qui se produisent dans les colonies à cette saison-là. Ce médicament est mélangé à des nutriments sucrés ou diffusé dans la ruche. Cette façon de procéder est aujourd'hui interdite dans l'Union européenne, mais se pratiquait encore en France il y a une vingtaine d'années.

Pour sa recherche, l'équipe menée par David J. Hawthorne, professeur d'entomologie à l'université du Maryland, s'est penchée sur l'interaction de l'oxytétracycline avec deux médications communes chez les apiculteurs américains, le coumaphos et le tau-fluvalinate.

Toutes deux sont utilisées dans les ruches pour lutter contre le varroa, un acarien connu pour affaiblir le système immunitaire des insectes. Ces deux produits sont appliqués "par routine", notent les scientifiques. Or, lorsque les abeilles ont été préalablement traitées à l'oxytétracycline, les chercheurs ont constaté que ce "cocktail" de substances augmentait le taux de mortalité.

MÊME À FAIBLE DOSE

Les chercheurs se sont penchés plus précisément sur l'action de l'oxytétracycline sur certaines protéines des abeilles, appelées Mulit-drug Resistance Transporters (MDR). Ces vecteurs de résistance à de multiples substances avaient été peu étudiés chez les insectes et négligés dans la toxicologie des abeilles domestiques jusqu'à présent, note David J. Hawthorne. Il avance que l'inhibition de ces MDR qu'entraîne l'antibiotique amplifierait l'effet néfaste chronique des insecticides, même lorsque la contamination a lieu à faible dose.

Dans le cadre de cette étude, M. Hawthorne et son équipe ont par ailleurs traité des abeilles avec du Vérapamil, médicament contre la vasoconstriction connu pour inhiber certaines protéines MDR.

Dans ces conditions, les cobayes se sont montrés beaucoup plus sensibles que des insectes témoins à cinq pesticides différents. Trois néonicotinoïdes ont notamment été testés. Ce groupe de produits, dont le Gaucho est issu, a la réputation d'affecter l'orientation et la capacité des abeilles à retourner dans leur ruche.

Selon les auteurs, l'implication directe des néonicotinoïdes dans l'effondrement des colonies n'a pas été prouvée par des études récentes, mais l'abondance de ces pesticides (on en trouve jusque dans la cire et le pollen des abeilles domestiques) et le fait que leur nocivité augmente avec l'inhibition des protéines MDR pourraient les impliquer dans tous les cas de surmortalité explicables par une contamination multifactorielle.

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