Wednesday, July 12, 2006

Première naissance de souris à partir de spermatozoïdes fabriqués in vitro



Une équipe germano-britannique a fait naître des souris en fécondant artificiellement des ovocytes avec des spermatozoïdes produits in vitro à partir de cellules souches embryonnaires. Publié dans le numéro de juillet de la revue Developmental Cell, le travail de Karim Nayernia et de ses collaborateurs constitue la première démonstration qu'il serait possible de produire des cellules sexuées fonctionnelles, avec d'éventuelles applications dans le traitement de l'infertilité.


Basé depuis fin juin à l'université de Newcastle (Royaume-Uni), Karim Nayernia explique au Monde qu'il espère à l'avenir "produire in vitro des spermatozoïdes fonctionnels à partir de cellules souches provenant d'embryons de souris de sexe féminin". Avant même qu'une expérimentation humaine ne soit envisagée, la presse britannique spécule sur la possibilité dans le futur pour des couples homosexuels d'avoir des enfants ayant un patrimoine génétique issu de leurs deux parents.

Plusieurs laboratoires dans le monde étudient la transformation de cellules souches embryonnaires en cellules sexuées. Une équipe franco-américaine a ainsi publié dans la revue Science un article relatant la transformation in vitro de cellules souches embryonnaires de souris en ovocytes (Le Monde du 7 mai 2003). Cette opération a été réalisée aussi bien avec des cellules souches d'embryons femelles que mâles.

LIMITES IMPORTANTES

Karim Nayernia souligne que l'originalité de ses recherches sur la souris a été de montrer qu'il était possible de "créer des lignées de cellules souches spermatogoniques, précurseurs des spermatozoïdes, à partir de cellules souches embryonnaires, puis de les faire ensuite évoluer jusqu'à devenir des spermatozoïdes et, enfin, que ceux-ci étaient capables de féconder un ovocyte". Cette fécondation a été réalisée par micro-injection intracytoplasmique de spermatozoïdes. Les oeufs fécondés ont été ensuite transférés dans les voies génitales de plusieurs souris. Sept souriceaux sont nés, dont six sont parvenus à l'âge adulte.

Il faut toutefois souligner les limites importantes de ce travail expérimental. La technique possède un faible rendement, puisque les auteurs indiquent avoir injecté des spermatozoïdes dans 210 ovocytes. Seuls 65 oeufs se sont développés jusqu'au stade de deux cellules et 7 animaux sont nés.

De plus, les spermatozoïdes obtenus présentaient tous une absence ou une réduction de la motilité. Les souriceaux étaient plus petits ou plus gros que la normale et mouraient prématurément.

"Il nous faut perfectionner notre technique, reconnaît Karim Nayernia. Mais, avec elle, nous pourrons mieux comprendre les étapes de la formation des spermatozoïdes, qu'il n'est pas possible de suivre in vivo."

Selon le chercheur, cela permettrait d'identifier in vitro les gènes responsables du développement des gamètes mâles. "On peut imaginer de prélever des cellules souches de la moelle osseuse chez un homme infertile et de créer in vitro des spermatozoïdes", avance Karim Nayernia.

Les perspectives ouvertes par ce travail suscitent des réactions parfois vives. Membre du Comité consultatif national d'éthique, le professeur Claude Burlet se dit "scandalisé" à l'idée que l'on utilise des cellules souches "autrement que comme un médicament".

Quant à Jean-Claude Ameisen, président du comité d'éthique de l'Inserm, il souligne que "les frontières naturelles considérées comme infranchissables s'estompent peu à peu. Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion éthique. Cela restaure l'importance du choix et de la responsabilité".

En matière de reproduction, estime-t-il, "il n'est pas possible d'envisager l'expérimentation sans en espérer un bénéfice pour l'enfant, sans quoi il est instrumentalisé. Souvent, c'est le bénéfice des parents qui est avancé".

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