2 novembre 1917 : La déclaration Balfour Un an après avoir publié son livre L’État des juifs, fondement du sio- nisme politique, Theodor Herzl avait réuni, en 1897, le premier Congrès sioniste à Bâle, afin d’« obtenir pour le peuple juif en Palestine un foyer reconnu publiquement et garanti juridiquement ». Puis il chercha durant toute sa vie à obtenir des appuis internationaux. Il rencontra le sultan turc, les ministres du tsar, le kaiser allemand, mais sa préférence allait d’emblée à la Grande-Bretagne. Il déclara en 1904 : « Avec l’Angleterre en guise de point de départ, nous pouvons être assurés que l’idée sioniste s’élancera plus avant et plus haut que jamais auparavant. » Si Theodor Herzl meurt en 1907 sans avoir obtenu le soutien public britannique qu’il espérait, son successeur Haïm Weizmann réussit dix ans plus tard, le 2 avril 1917 : le secrétaire au Foreign Office, Lord Arthur James Balfour, déclare que le gouvernement de Sa Majesté « envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non-juives existant en Palestine, ou aux droits et statut politiques dont les Juifs jouissent dans tout autre pays ». Cette « déclaration Balfour » contredit les autres engagements que la Grande-Bretagne avait déjà pris à l’époque. D’abord la promesse faite en 1916 au chérif Hussein, comme à Ibn Saoud, en échange de leur participation à la guerre contre les Turcs, de« reconnaître et soutenir l’indépendance des Arabes ». Ensuite, les accords Sykes-Picot passés la même année avec les Français, qui partagent entre les deux pays le grand royaume soi-disant destiné aux Arabes et qui internationalisent la Palestine, sans y prévoir d’ailleurs de Foyer national juif. Arthur Koestler a résumé d’une très belle formule cette opération : « Une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième. » Londres compte effectivement, à l’époque, sur le mouvement sioniste dans l’immédiat pour renforcer le camp allié dans la guerre contre l’Allemagne qui s’éternise, mais surtout pour s’assurer, après guerre, une mainmise sur le Proche-Orient. De fait la Palestine, théoriquement internationalisée par les accords Sykes-Picot, devient en 1920 un mandat britannique. Elle représente, en effet, le carrefour stratégique de toutes les routes de l’Orient et notamment la protection directe du canal de Suez. Les espoirs sionistes ne vont donc pas être déçus. Les hauts-commissaires britanniques successifs en Palestine vont couvrir la création d’un embryon d’État juif. Entre 1917 et 1948, les Juifs passent de 10 % à 30 % de la population de la Palestine, la superficie agricole qu’ils cultivent est multipliée par trois, le nombre de leurs colonies par dix, et leur indice de production industrielle par cinquante. L’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne renforce considérablement l’afflux d’immigrants et de capitaux juifs en Palestine. L’Organisation sioniste signe d’ailleurs avec les autorités nazies, dès 1933, l’accord dit Haavara qui permet et facilite cette immigration d’hommes et de capitaux. Mais si le calcul est bon du côté sioniste, il l’est beaucoup moins du côté britannique. Londres a sous-estimé la résistance des Arabes. Le mécontentement contre la trahison par les Britanniques de leurs promesses, déjà vif en 1917, grandit durant l’entre-deux guerres au fur et à mesure de la construction du Foyer national juif, en violation de la clause du Mandat qui protège les population non-juives, majoritaires... D’où des révoltes de plus en plus massives et de plus en plus violentes, suivies chaque fois d’une commission d’enquête et de livres blancs d’une Grande-Bretagne soucieuse de ne pas miner son pouvoir en Palestine et donc au Moyen-Orient en général. Des premiers heurts graves ont lieu en mai 1921, suivis d’un premier Livre blanc en 1922. Les incidents plus graves de 1929 sont suivis d’un nouveau Livre blanc en 1930. En 1936 éclate une véritable grève insurrectionnelle palestinienne, qui dure près de trois ans. Après l’avoir réprimée sauvagement avec l’aide des milices juives, Londres tente de tirer les leçons politiques de ce qui s’est passé. Le coup d’essai rate : la commission conduite par Lord Peel - qui propose, en 1937 déjà, le partage de la Palestine, mais aussi un « transfert » des populations arabes vivant dans la partie allouée au futur État juif - se heurte au refus de toutes les parties prenantes, aussi bien juives que palestiniennes. En fait le Livre blanc du 17 mai 1939 pour enregistrer un véritable tournant de la politique britannique. Il prévoit, lui, des mesures draconiennes : limitation de l’immigration juive à 75 000 personnes pendant cinq ans, après quoi toute immigration suivante sera soumise au consen- tement arabe ; interdiction de l’achat de terres par le mouvement sioniste dans l’essentiel du pays et réduction drastique ailleurs ; Bref, la Palestine, vouée à l’indépendance dans les dix ans, serait certaine de rester majoritairement arabe. Pourquoi ce retournement britannique ? L’intérêt supérieur du Royaume-Uni est en jeu : le conflit entre Juifs et Arabes en Palestine atteint une telle acuité que les dirigeants des pays arabes voisins menacent Londres de renverser leurs alliances, c’est-à-dire de répondre aux avances de l’Allemagne nazie. Cette pression est d’au- tant plus efficace que Londres, comme Paris, s’inquiète de la montée en puissance de l’Allemagne hitlérienne, très active dans la région. D’où une rupture durable entre Londres et le mouvement sioniste. Le Livre blanc s’appliquera jusqu’au retrait britannique, le 14 mai 1948. Et l’al- lié d’hier - le mouvement sioniste - ira jusqu’à l’action terroriste pour forcer Londres à abandonner dans un premier temps cette politique, puis dans un second temps son Mandat lui-même sur la Palestine. 29 NOVEMBRE 1947 : Le plan de partage de l’ONU La Seconde Guerre mondiale marque un véritable tournant dans le conflit israélo-palestinien. Jusque-là, l’idée sioniste restait minoritaire, y compris parmi les juifs largement intégrés dans les différents pays où ils vivaient, en particulier en Europe. Le génocide change tout : concrètement, des centaines de milliers de juifs survivants du génocide ne peuvent pas ou ne veulent pas rentrer dans leur pays d’origine et se voient refuser toute immigration souhaitée vers les États-Unis. Le mouvement sioniste en profite pour organiser une immigration « illégale » vers la Palestine ; idéologiquement, l’extermination de six millions de juifs donne une légitimation tragique au combat des sionistes pour un État juif, notamment aux yeux des consciences occidentales travaillées par un sentiment - justifié - de culpabilité. Dès le congrès sioniste de Baltimore, aux États-Unis, en 1942, qui fixe explicitement l’objectif de l’État juif, David Ben Gourion lance : « Qui veut et peut garantir que ce qui nous est arrivé en Europe ne se reproduira pas ? [...] Il n’y a qu’une sauvegarde : une patrie et un État. » On imagine la force de l’argument en 1945 après la découverte de la Shoah... Or l’opinion occidentale ignore tout des Palestiniens, lesquels ne font pas grand chose pour s’en faire comprendre : les dirigeants arabes palestiniens, en tête le grand mufti (de retour de Berlin où il a supervisé pendant deux ans les divisions SS musulmanes), boycotteront les commissions d’enquête internationales, en premier lieu l’Unscop qui séjourne en Palestine durant l’été 1947. Londres a passé la main sous les pressions conjuguées à la fois du mouvement sioniste et de la Maison-Blanche, très sensible à l’argumentation de celui-ci - sans oublier l’opinion britannique elle-même qui veut sortir du bourbier. Les deux autres grandes puissances - l’URSS et les États-Unis - prônent le partage, avec la volonté d’utiliser la Palestine comme un levier pour mettre fin à la domination britannique sur le Proche-Orient. Rien d’étonnant dès lors si, le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies, à la majorité requise des deux tiers, adopte la résolution 181 : un État juif sur 56 % de la Palestine - dont les juifs représentent à l’époque 32 % de la population et ne détiennent que 7 % des terres ; un État arabe sur les 44 % restants ; un régime de tutelle internationale pour Jérusalem et les Lieux saints (« corpus separatum »). La guerre civile commence le jour même de la décision des Nations unies. Six mois plus tard, les forces juives, financées par les États-Unis et armées par l’URSS via Prague, se sont emparées de la plupart des villes arabes et ont déjà chassé le 14 mai 1948 près de quatre cent mille Palestiniens du territoire prévu pour l’État juif. Le Plan de partage est déjà mort lorsque Israël proclame son indépendance. 14 MAI 1948 : La déclaration d’indépendance d’Israël La déclaration d’indépendance d’Israël constitue un tournant majeur de la première guerre israélo-arabe : côté israélien, car le texte de la déclaration oublie délibérément qu’un second État a été prévu par l’ONU dans le plan de partage : « En vertu du droit naturel et historique du peuple juif, et de la résolution des Nations unies, dit le texte, nous proclamons par le présent acte la création de l’État juif de Palestine qui prendra le nom d’Israël. » Contrairement à tous les usages, cette déclaration ne définit pas les frontières du nouvel État. Bref, on mesure là que les dirigeants sionistes veulent, en fait, au-delà de que que l’ONU a prévu, l’État juif le plus grand possible et le plus « homogène » possible. côté arabe, car la déclaration d’indépendance d’Israël est immédiate- ment suivie par l’intervention des armées des États arabes voisins, officiellement pour empêcher la naissance de l’État juif. En fait, les historiens le confirment, le roi Abdallah de Jordanie veut s’emparer du territoire prévu pour l’État arabe, et les autres pays arabes entendent l’en empêcher. Aucun de ces pays ne souhaite une Palestine arabe indépendante. Entre le 15 mai 1948, date de l’entrée des troupes arabes en Pales- tine, et le 10 mars 1949, date de la dernière bataille de la guerre (prise d’Umm Rashrash, future Eilat), une alternance de combats et de trêves débouche pour les Palestiniens sur la Nakba, c’est-à-dire la « catas- trophe ». Le bilan de la première guerre israélo-palestinienne, puis israélo-arabe, est le suivant : Israël a augmenté d’un tiers la superficie prévue pour lui par les Nations unies, il se répartit ce qui reste de l’État arabe avec la Transjordanie, qui annexe la Cisjordanie et l’Égypte, qui obtient la tutelle de Gaza. Et dans cette période huit cent mille Palestiniens ont pris les chemins de l’exil. Longtemps, cette guerre a été racontée par ses vainqueurs. Le récit israélien a dominé. Mais tout a changé dans les années 1980, avec l’apparition des « nouveaux historiens » israéliens qui ont trouvé dans les archives israéliennes de quoi ébranler trois mythes fondamentaux : Premièrement celui d’une menace mortelle qui aurait pesé sur Israël à l’époque : contrairement à l’image d’un frêle État juif à peine né et déjà confronté aux redoutables armées d’un puissant monde arabe, les « nouveaux historiens » établissent la supériorité croissante des forces israéliennes (en effectifs, armement, entraînement, coordination, motivation...), à la seule exception de la courte période allant du 15 mai au 11 juin 1948. De surcroît, l’accord tacite passé entre Golda Meïr et le roi Abdallah, le 17 novembre 1947, bouleversait la situation stratégique : la Légion arabe, seule armée arabe digne de nom, s’engageait à ne pas franchir les frontières du territoire alloué à l’État juif en échange de la possibilité d’annexer celui prévu pour l’État arabe. Abdallah tiendra sa promesse. Et, de fait, le partage du 17 novembre se substituera à la fin de la guerre à celui du 29 novembre... Le deuxième mythe concerne l’exode des Palestiniens. Selon la thèse traditionnelle, ceux-ci ont fui à l’appel des dirigeants palestiniens et arabes. Or les « nouveaux historiens » n’ont pas trouvé la moindre trace d’un tel appel, ni par écrit, ni par radio. En revanche, de nombreux documents attestent, sinon d’un plan d’expulsion global, en tout cas de pratiques d’expulsion généralisées, notamment suite à des massacres comme celui de Deir Yassin. Le premier bilan de l’expulsion est dressé par les Services de renseignements de la Hagana en date du 30 juin 1948 et il porte sur la première période (judéopalestinienne) de la guerre : il estime que 73 % des 391 000 départs recensés ont été directement provoqués par les Israéliens. Durant la seconde période (israélo-arabe), une volonté d’expulsion ne fait plus le moindre doute avec le symbole de l’opération de Lydda et Ramlah, d’où, le 12 juillet 1948, 70 000 civils sont évacués militairement (près de 10 % du total !), sous la conduite d’Itzhak Rabin et avec le feu vert du Premier ministre Ben Gourion. Le troisième mythe concerne la volonté de paix d’Israël au moment des négociations de 1949. Dans une première phase, Tel-Aviv a effectivement fait une ouverture : le 12 mai, sa délégation ratifie, avec celles des États arabes, un protocole réaffirmant à la fois le plan de partage de l’ONU et la résolution 194 de l’Assemblée géné- rale des Nations unies du 11 décembre 1948. En clair, cela signifie qu’Israël reconnaît le droit à l’existence d’un État arabe en Palestine et le droit au retour des réfugiés, mais aussi que les Arabes recon- naissent le droit à l’existence d’un État juif en Palestine. Mais, ce même 12 mai, l’État juif est admis à l’ONU. Dès lors, confiera Walter Eytan, codirecteur général du ministère israélien des Affaires étran- gères, « mon principal objectif était de commencer à saper le protocole du 12 mai, que nous avions été contraints de signer dans le cadre de notre bataille pour être admis aux Nations unies ». De fait, la conférence de Lausanne finira dans une impasse. Israël s’oppose à tout retour des réfugiés palestiniens. Et pour cause : la loi dite « propriétés abandonnées » lui permet de mettre la main sur les biens arabes. Selon un rapport officiel, le jeune État a ainsi récupéré trois cent mille hectares de terres ; plus de quatre cents villes et villages arabes disparaîtront ou deviendront juifs. Tout se passe comme si les fondateurs d’Israël ont cru pouvoir effa- cer le peuple palestinien d’un coup de gomme. Les quinze années qui suivent semblent donner raison à ceux qui rêvent d’une assimilation des Palestiniens dans les pays arabes. Faute d’une organisation représenta- tive, ils disparaissent même de la scène politique. Mais l’apparition de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) va changer la donne. 30 MAI 1964 : La création de l’OLP La naissance de l’OLP sous l’égide égyptienne résulte d’une déci- sion de la Ligue arabe. Mais elle exprime aussi la nécessité pour ces régimes de tenir compte de la réalité palestinienne nouvelle, et en premier lieu, de la formation en exil d’une élite palestinienne de très haut niveau culturel et politique. Bien plus qu’Ahmed Choukeyri, placé à la tête de l’OLP par Nasser, Yasser Arafat symbolise la nouvelle génération palestinienne : jeune ingénieur, plus radical et plus indépendant des pays arabes, président de l’Union des étudiants palestiniens de 1952 à 1956, il a créé avec ses amis au Koweït, en 1959, le mouvement Fatah. Dix ans après sa fondation, ce dernier deviendra le principal courant de l’OLP et en prendra la direction. Cette marche vers le pouvoir a aussi permis l’évolution stratégique de l’OLP en plusieurs étapes : 1er janvier 1965, la branche militaire du Fatah effectue sa première opération en Israël. Ce modèle du combattant, le Fedaï, mobilise largement la jeunesse palestinienne. 1967, la défaite arabe au cours de la guerre des Six Jours radicalise l’OLP. 22 mars 1968, au lendemain de la bataille presque légendaire de Karameh (en Jordanie), les organisations de fedayin intègrent l’OLP qui adopte sa « Charte nationale ». 4 février 1969, Yasser Arafat devient président du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine. Cet événement marque la victoire de la stratégie de la lutte populaire armée. Mais cette ligne se heurtera, comme on le verra, aux événements dans lesquels l’OLP sera entraînée, souvent contre sa volonté, en Jordanie puis au Liban. D’où la nécessité d’adapter son orientation. Sans entrer dans les détails, on peut résumer le long débat interne au sein de l’OLP en le qualifiant de lutte entre « jusqu’au-boutistes » et « réalistes » : dans un premier temps, suite au revers subi en Jordanie, l’OLP se lance - sous couvert de l’organisation « Septembre noir » - dans une stratégie terroriste ; dans un deuxième temps, après la guerre d’octobre 1973, elle accumule plusieurs succès qui vont mettre fin au recours aux attentats et renforcer en son sein le courant politique : la reconnaissance de l’OLP comme « seul représentant du peuple palestinien » par le sommet arabe de Rabat en 1973 et l’invitation de Yasser Arafat à l’Assem- blée générale des Nations unies en 1974 sont des grandes victoires pour les « réalistes » ; d’où, dans un troisième temps, une évolution accélérée qui va voir l’OLP passer du mot d’ordre de « Palestine laïque et démocratique » - qui implique la destruction de l’État d’Israël - à celui de construc- tion d’un État « sur toute partie libérée de la Palestine » - qui admet, de fait, l’existence d’Israël. Malgré le front du refus, constitué par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et quelques autres organisations, l’objectif d’une coexistence entre deux États s’impose entre 1974 et 1977. Mais revenons auparavant au grand tournant du conflit Proche-Orient. JUIN 1967 : Israël occupe la Cisjordanie et la bande de Gaza La troisième guerre israélo-arabe - dite guerre des Six Jours - constitue une étape décisive. Jusqu’en 1967, Israël occupe plus que le territoire prévu par l’ONU, mais le reste de la Palestine demeure dans des mains arabes. La Jordanie et l’Égypte n’ont d’ailleurs jamais profité de la situation pour créer un État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Le 12 juin 1967 introduit un changement radical : l’État juif, qui vient de s’emparer - outre le Sinaï et le Golan - de Jérusalem- Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, occupe ainsi la totalité de la Palestine. Il détient désormais seul la clef du problème palestinien. Au début, le gouvernement et les diplomates israéliens présentent les Territoires occupés en 1967 comme une carte qu’ils sont prêts à jouer dans des négociations : conformément à la résolution 242, adop- tée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 22 novembre 1967, il s’agit d’échanger la Cisjordanie et Gaza contre la paix. Cette promesse de négociation n’est pas vérifiable, puisque les États arabes réunis à Khartoum refusent toute négociation. En même temps, Israël annexe dès juillet 1967 Jérusalem-Est et proclame la ville « réunifiée » capitale d’Israël. Cette décision, comme celle de 1949 de faire de Jérusalem-Ouest sa capitale, viole toutes les résolutions de l’ONU : la résolution 181 du plan de partage de 1947 prévoyant un « corpus separatum », les textes des armistices de 1949, la résolution du 19 décembre 1949 qui réaffirmait l’internationalisation de Jérusalem, sans oublier la résolution 242. Mais surtout la volonté de colonisation des Territoires occupés s’af- firme. Dès juillet 1967, de premières colonies y sont établies et le vice- Premier ministre israélien Allon présente un plan portant son nom qui prévoit l’annexion de près d’un tiers de la Cisjordanie et la multiplication des colonies dites de « sécurité », en particulier dans la vallée du Jourdain. Toutefois, dix ans plus tard, le nombre total de colons n’est que de cinq mille, contre plus de deux cent mille aujourd’hui (sans compter les deux cent mille habitants juifs de Jérusalem-Est). Par ailleurs, l’occupation des Territoires à partir de 1967 en refait le centre du combat palestinien. Cette tendance est soulignée à la fois : positivement, par la montée de la puissance de la résistance « de l’in- térieur » - de l’insurrection de 1981 jusqu’à la première Intifada, née fin 1987 ; négativement, par les échecs subis par l’OLP en Jordanie et au Liban. 16 SEPTEMBRE 1970 : « Septembre noir » Après la guerre des Six Jours, l’OLP considère que la Jordanie consti- tue sa base arrière numéro un pour mener la lutte armée contre Israël. Cette stratégie pose de graves problèmes au régime hachémite : à court terme, le pays subit durement des représailles israéliennes après chaque opération des fedayin ; à plus long terme, le développement d’un contre-pouvoir palestinien sape l’autorité du roi Hussein et gêne ses tentatives de règlement ; Mais l’essentiel est ailleurs : le « petit roi » sait que son trône est d’autant plus fragile que la majorité de la population est palestinien- ne. Hussein veut donc « récupérer » la Cisjordanie par un accord avec Israël pour réunifier les deux rives, comme son grand-père Abdallah l’avait fait. Il redoute la tentation de transformer la Jordanie en État palestinien propre à la droite israélienne et aux organisations les plus radicales de l’OLP. Ces dernières sont à l’origine de la crise de 1970-1971 en Jordanie : pour elles, « la route de Jérusalem passe par Amman ». D’où la provocation du 7 septembre 1970, lorsque des hommes de George Habache détournent trois avions occidentaux sur Zarka et les font exploser. Le roi Hussein saisit l’occasion et lance son armée contre les fedayin le 16 septembre 1970. L’aviation et les chars syriens menacent d’intervenir aux côtés de l’OLP. Mais la pression d’Israël - prêt à intervenir si le trône est en dan- ger - et du secrétaire d’État américain Henry Kissinger - qui couvre l’éventuelle entrée en lice de l’État juif - suffisent à Hafez Al-Assad pour refuser de fournir une couverture aérienne aux blindés syriens entrés en Jordanie. Les Palestiniens sont écrasés par l’armée hachémi- te. Les combats, qui se terminent le 27 septembre, font des milliers de victimes - dont Gamal Abdel Nasser qui meurt d’une crise cardiaque après avoir obtenu un cessez-le-feu entre la Jordanie et l’OLP. C’est « Septembre noir », marqué par des massacres massifs non seulement de fedayin mais aussi de civils dans les camps palestiniens. Un an plus tard, l’OLP a été complètement expulsée de Jordanie. 13 AVRIL 1975 : Le début de la guerre civile libanaise Le piège libanais va se refermer sur l’OLP selon le même schéma que le piège jordanien : après son expulsion de Jordanie, le Liban devient la seule base arrière de l’OLP à proximité d’Israël ; les opérations des commandos palestiniens contre l’État juif entraînent des représailles dont la population libanaise est aussi victime ; les dirigeants libanais sont de plus en plus inquiets de voir les Palestiniens constituer un État dans l’État, avec des camps de réfugiés, des milices, des quasi-ministères, des services d’aide sociale, etc. La présence palestinienne, légalisée par les accords du Caire en novembre 1969, est d’autant plus mal vécue qu’elle bouscule l’équilibre déjà précaire du Liban, dont le système économique, social, politique et institutionnel, hérité du Pacte national de 1943, repose sur l’hégémonie des chrétiens maronites et l’alliance de ceux-ci avec l’élite sunnite, elle-même dominante parmi les musulmans. Or l’évolution démographique a bouleversé ce schéma : la majorité est musulmane et non plus chrétienne et, parmi les musulmans, chiite et non plus sunnite. La construction libanaise doit donc être réformée pour tenir compte des réalités. Mais les élites ne sont pas prêtes à renoncer à leurs avantages économiques et politiques. Au lieu de négocier la transformation du système, elles s’arc-boutent sur leurs privilèges au risque d’un affrontement avec les forces réformatrices, regroupées au sein du Mouvement national. Ce dernier, quant à lui, cherche à créer le rapport de forces le plus favorable possible pour obtenir la laïcisation de l’État : il fait donc tout pour entraîner les fedayin à ses côtés dans cette bataille. Si la direction de l’OLP est consciente du danger, le FPLP et le FDLP foncent tête baissée dans le piège qui leur est tendu. Les Phalangistes en appellent à la Syrie, qui intervient le 1er juin 1976, écrase le Mouvement national et les Palestiniens, avant de se retourner contre ceux qui l’avaient appelée. Les troupes de Damas sont d’ailleurs toujours là, vingt-six ans après... On n’a pas le temps de faire ici l’histoire de la guerre civile libanaise. La fusillade dont un bus palestinien est victime dans le faubourg d’Aïn Al Remmaneh, le 13 avril 1975, marque le début de quinze années de combats sanglants, dont les Palestiniens sont parmi les premières victimes, du massacre de Tall Al Zaatar pendant l’été 1976 par les Syriens et des Phalangistes, à celui de Sabra et Chatila en 1982 par les milices chrétiennes sous les yeux d’Ariel Sharon... 17 MAI 1977 : La victoire du Likoud en Israël On a parfois la tentation de considérer le Parti travailliste et le Likoud comme « blanc bonnet et bonnet blanc ». Comme toutes les formules simplistes, celle-ci n’aide pas à comprendre. Ainsi la victoire de la droi- te et de l’extrême droite en 1977, pour la première fois dans l’histoire d’Israël, marque un tournant redoutable pour les Palestiniens. Certes, le Parti travailliste est l’héritier de la ligne nationaliste de David Ben Gourion. À partir de 1967 notamment, il assume l’occupation et la colonisation de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza - comme celles du Golan. Mais Menahem Begin, après la victoi- re du Likoud aux élections législatives le 17 mai 1977, radicalise tous azimuts la politique du gouvernement travailliste : il intensifie la colonisation dans tous les Territoires occupés - et plus seulement dans les « zones de sécurité ». Lors de l’arrivée au pouvoir de Itzhak Rabin, quinze ans plus tard, on compte 110 000 colons en Cisjordanie, 120 000 à Jérusalem-Est, 4 000 à Gaza, 12 000 dans le Golan ; le chef du Likoud multiplie les opérations militaires ou répressives contre la Résistance palestinienne, depuis la première intervention massive au Sud-Liban en 1978 jusqu’à l’invasion totale du Liban en 1982, en passant par la répression extrêmement violente de l’in- surrection des Territoires occupés de mai 1981 ; car le projet de Menahem Begin va bien au-delà de ceux de ses prédécesseurs : il affirme clairement sa volonté de réaliser Eretz Israël - le Grand Israël. Le gouvernement du Likoud est d’autant plus inquiétant, qu’il sait conjuguer une plus grande fermeté sur les principes et une plus gran- de souplesse quant à la tactique. Le meilleur exemple est celui des négociations entre Israël et l’Égypte, sous l’égide des États-Unis, à Camp David. 17 SEPTEMBRE 1978 : Les accords de Camp David Le 19 novembre 1977, Sadate effectue une visite surprise à Jérusalem. Le raïs égyptien estime avoir remporté une victoire psy- chologique suffisante lors de la première phase de la guerre du Kippour, en octobre 1973, pour rechercher avec Israël la paix dont son pays a besoin. Pendant un temps pris à contre-pied, Begin se ressaisit et exploite à fond le désir de Sadate et du président Carter d’aboutir à un accord rapide. Sachant que les questions de l’arrêt de la colonisation, du retrait israélien de la Cisjordanie et de Gaza et de l’autodétermination des Palestiniens sont les plus difficiles pour lui, il focalise les négocia- tions sur... ce qui n’est pas négociable : le retrait évident d’Israël du Sinaï et la normalisation, évidente en cas d’accord de paix, des rela- tions égypto-israéliennes. Il obtient ainsi la dissociation des deux dos- siers : le document de Camp David du 17 septembre 1978 comprend deux « accords-cadres » : le premier concerne la conclusion de la paix entre l’Égypte et Israël qui aboutira effectivement au traité du 26 mars 1979. L’Égypte récu- pérera le Sinaï le 25 avril 1982, en échange de la normalisation entre les deux pays ; en revanche, dans le second texte consacré aux Palestiniens, si Israël a dû accepter la mention de la résolution 242, le processus proposé est mort-né, et c’est en vain que l’Égypte tente d’entraîner la Jordanie et l’OLP dans la négociation. Ainsi Menahem Begin a obtenu en échange du Sinaï - secondaire pour Israël - quelque chose au contraire essentiel pour lui : une paix séparée qui élimine le risque d’une guerre sur plusieurs fronts. Pour preuve : un mois et demi après la normalisation égypto-israélienne, le 25 avril 1982, Tsahal se lance dans l’invasion du Liban. 6 JUIN 1982 : L’invasion du Liban par Israël « Paix en Galilée » est le nom officiel de l’opération déclenchée le 6 juin 1982 par Israël au Liban pour y liquider la structure politico-militaire de l’OLP. Mais la fiction d’une intervention limitée à quarante kilomètres au nord de la frontière libano-israélienne ne tient pas longtemps : sur ordre du ministre de la Défense, Ariel Sharon, Tsahal remonte jusqu’à Beyrouth. Mais, contrairement aux espoirs des organisateurs, l’opération s’en- lise. Non seulement le siège de Beyrouth dure plus de deux mois, mais les fedayin ont déjà embarqué sous la protection de la Force multina- tionale dans des bateaux français, le 30 août, lorsque les Israéliens pénètrent dans la capitale libanaise, le 15 septembre. La veille, l’hom- me des Phalanges et d’Israël, Bechir Gemayel, a été assassiné. Le len- demain, commencent les massacres des camps palestiniens de Sabra et de Chatila par les hommes (si on peut dire) des Forces libanaises et de l’Armée du Liban sud, sous les yeux de l’état-major israélien. Pour l’État juif, l’aventure libanaise se transforme en un bourbier sanglant, coûteux humainement et désastreux politiquement. Il suffit de comparer les objectifs affichés et les résultats : Ariel Sharon voulait mettre en place un Liban avec un gouverne- ment fort, à direction chrétienne, capable de sortir le pays de la guerre civile et de signer une paix durable avec Israël. Or l’accord de paix israélo-libanais du 17 mai 1983 ne durera pas plus long- temps que le pouvoir d’Amine Gemayel. Ariel Sharon voulait « détruire totalement et pour toujours les terroristes de l’OLP. » Or, si la centrale palestinienne a perdu beaucoup de com- battants, si elle est privée de son quasi-État et dépossédée de sa dernière base proche des masses palestiniennes, c’est-à-dire des Territoires occupés, elle n’est pas pour autant détruite. Ce qui explique pourquoi, trois ans après, Israël finit par se replier sur la bande dite « de sécurité », au Sud-Liban, avec des pertes considé- rables : des centaines de morts, des milliers de blessés, des milliards de dollars gaspillés, sans compter la dégradation de l’image de l’État juif à l’étranger. Pour les Palestiniens, la leçon est claire : ils ne remporteront pas le combat pour l’autodétermination ailleurs qu’en Palestine même. Ce n’est pas un hasard si, deux ans après le repli israélien du Liban, l’Intifada se déclenche. 7 DÉCEMBRE 1987 : Le déclenchement de l’Intifada À Gaza, le 7 décembre 1987, un accident de circulation entre un véhicule israélien et un taxi collectif palestinien, dont deux occupants meurent, met le feu aux poudres. Le soulèvement durera trois ans, malgré une répression brutale - mais sans commune mesure avec la répression actuelle. Avec le recul, l’Intifada représente le bond qualitatif le plus important du mouvement palestinien depuis 1967. C’est un mouvement populaire massif et non armé, de longue durée, dont les effets se font sentir : sur l’opinion israélienne qui, comprenant que le statu quo n’est pas durable, vit une lente bipolarisation : une fraction minoritaire opte pour l’annexion des Territoires occupés et même pour le « transfert » de leurs habitants, mais une majorité choisit la recherche d’une paix de compromis ; sur la stratégie de la Jordanie, où le roi Hussein renonce au rêve de récupérer la Cisjordanie conquise par son grand-père Abdallah et perdue en 1967 ; sur l’OLP elle-même, qui est transformée, par la décision jorda- nienne de renoncer à la Cisjordanie, en interlocuteur incontour- nable pour Israël et la communauté internationale ; sur l’opinion internationale qui est choquée par le spectacle d’une armée puissante réprimant durement des jeunes ne lançant - à l’époque - que des pierres. D’autant que les Palestiniens lui donnent un débouché politique avec le Conseil national palestinien d’Alger de novembre 1988, qui franchit un triple pas : il proclame l’État indépendant de Palestine ; il accepte comme bases de règlement les résolutions des Nations unies : la résolution 181 de l’Assemblée générale de 1947 (partage), la 242 du Conseil de sécurité de 1967 (échange de territoires contre la paix) et la 338 du Conseil de sécurité de 1973 qui actualise la précédente ; il condamne explicitement toute forme de terrorisme. La reconnaissance d’Israël sera confirmée le 15 décembre 1988 par Yasser Arafat devant l’Assemblée générale des Nations unies, réunie à Genève. Les États-Unis lui ayant demandé de traduire explicitement la déclaration du Conseil national palestinien, le chef de l’OLP prononce les mots magiques. Ceci provoque un véritable bouleversement du paysage proche-oriental : le soutien à l’Intifada grandit, l’État de Palestine, proclamé à Alger, est reconnu à l’époque par quatre-vingt-dix pays, c’est-à-dire plus que le nombre de pays qui reconnaissaient l’État d’Israël ; le président Ronald Reagan annonce l’ouverture du dialogue américano-palestinien ; les dirigeants israéliens, de plus en plus isolés, entament une longue période de résistance, puis Itzhak Shamir, qui dirige le gouvernement israélien, essaye de manoeuvrer en retrait pour éviter les plans américains de paix successifs. Itzhak Shamir disait à propos du plan Shultz (secrétaire d’État de Ronald Reagan) : « Je suis d’accord sur un seul point, la signature ! » Cette impasse au Proche-Orient favorise les plans de Saddam Hussein qui espère en profiter pour assurer le leadership de l’Irak sur la région. D’où la crise puis la guerre du Golfe, après laquelle seulement on reviendra à la négociation interrompue à laquelle Israël devra cette fois participer. 30 OCTOBRE 1991 : La Conférence de Madrid Malgré la survie de la dictature de Saddam Hussein, la guerre du Golfe se solde pour les États-Unis par une grande victoire : ils ont réaffirmé leur leadership mondial et régional face au défi de l’Irak, mais aussi de l’URSS en décomposition et des Occidentaux qui sont contraints de suivre leur grand allié. James Baker parle du « test politique de l’après-guerre froide. L’Amérique doit diriger » ; ils ont commencé à redessiner politiquement la carte du Proche- Orient en leur faveur avec la vaste alliance anti-irakienne ; ils ont renforcé leur mainmise sur le pétrole (la région détient 65 % des réserves mondiales). Ces modifications fondamentales entraînent un infléchissement stratégique dans la politique américaine. Certes, Israël demeure l’allié le plus puissant, le plus fiable et le plus durable. Mais cette alliance est relativisée par la disparition de la « menace » soviétique. La priorité pour Washington est désormais la stabilisation des acquis de la guerre du Golfe. Or le « consensus stratégique », dont l’Amérique a toujours rêvé au Proche-Orient, achoppe comme toujours sur le conflit israélo- arabe, donc en dernier ressort sur le problème palestinien. D’où la pression sans précédent des États-Unis sur Israël pour négocier un compromis. Avec deux atouts : l’affaiblissement du lobby pro-israélien en Amérique et la dépendance croissante de l’État juif vis-à-vis des États-Unis du fait du coût fantastique que représente l’in- tégration des juifs qui arrivent de l’Union soviétique. Un an, jour pour jour, après l’occupation du Koweït, Itzhak Shamir est contraint d’accepter le principe de la conférence de paix proposée par les États-Unis, avec une participation palestinienne au sein d’une délégation commune avec la Jordanie. Malgré cette limite, l’ouverture de la conférence de Madrid, le 30 octobre 1991, marque une victoire historique pour les Palestiniens puisque, pour la première fois, ils se retrouvent aux côtés des autres délégations arabes pour négocier avec Israël une paix fondée sur le retrait de celui-ci des Territoires occupés en échange de la normalisation des relations. Ces négociations bilatérales et multilatérales officielles s’enlise- ront, mais elles déboucheront sur des tractations, secrètes, à Oslo. 13 SEPTEMBRE 1993 : L’accord d’Oslo C’est une des images les plus fortes de l’histoire du Proche-Orient : la poignée de mains d’Itzhak Rabin et de Yasser Arafat, sous le regard de Bill Clinton, sur la pelouse de la Maison-Blanche. La déclaration de principes sur l’autonomie qu’ils viennent de para- pher représente, malgré les limites qui reflètent les rapports de forces très défavorables aux Palestiniens, une triple avancée : pour la première fois, Israël et l’OLP se reconnaissent mutuelle- ment. C’est une nouveauté absolue pour le gouvernement israé- lien, alors que le Conseil national palestinien, lui, avait franchi ce pas en 1988 ; les deux signataires affirment vouloir mettre en place une autono- mie palestinienne transitoire dans les Territoires occupés par Israël en 1967 ; ils conviennent théoriquement de trouver une solution définitive, dans les cinq ans, aux questions cruciales qui sont nommées dans le texte : statut, frontières, territoires, avenir des colonies juives, sort des réfugiés, sans oublier Jérusalem. Ce cadre se remplit avec l’accord du Caire, dit Oslo I, en mai 1994, dont l’application commence sur le terrain au début de 1995. L’armée israélienne se retire progressivement des grandes villes palesti- niennes. Yasser Arafat est élu démocratiquement président, à la tête d’un Conseil législatif qui est majoritairement acquis au Fatah. L’Autorité palestinienne se met en place. Une nouvelle étape est franchie le 28 septembre 1995, avec la signature à Taba d’un nouvel accord, dit Oslo II. Mais cet accord ne sera jamais appliqué puisque, un mois plus tard, le Premier ministre israé- lien est assassiné. 4 NOVEMBRE 1995 : L’assassinat d’Itzhak Rabin A-t-il été victime d’un individu isolé ? Ou d’un complot par les ennemis de la paix avec la complicité des responsables des services secrets israéliens ? En tout cas, la droite et l’extrême droite menaient depuis des mois une campagne hystérique contre Oslo et contre son signataire israélien, n’hésitant pas à le dépeindre en uniforme SS. Avec le recul, il est clair que ce drame a condamné à terme le pro- cessus de paix. Les circonstances tragiques de la mort d’Itzhak Rabin ne justifient bien sûr pas qu’on le présente sous les traits d’un pacifis- te de toujours : il a été successivement un des acteurs majeur de l’ex- pulsion des Palestiniens en 1948, le dirigeant des principales guerres d’Israël et le chef de la répression de la première Intifada. Mais le vieux général avait tiré des leçons de l’impasse de l’occupation et choisi cou- rageusement d’essayer d’en sortir. Son successeur, Shimon Peres, va, lui, se suicider politiquement. Le 5 janvier 1996, en période de calme, il donne le feu vert à l’exécution de l’« ingénieur » du Hamas, Yehia Ayache. Le mouvement islamiste riposte par une vague d’attentats terroristes en Israël. Tel-Aviv répond par le blocus des Territoires. Le Hezbollah libanais envoie, par solida- rité, des roquettes sur l’État hébreu. Lequel déclenche l’opération des « Raisins de la colère » et commet une « bavure » meurtrière à Canaa. Le résultat, c’est que la droite et l’extrême droite remportent, avec Benyamin Netanyahou, les élections du 29 mai 1996. À l’exception de l’arrangement de Hebron, le nouveau Premier ministre va bloquer toute négociation sérieuse avec les Palestiniens. Trois ans après, Benyamin Netanyahou est battu par Ehud Barak. Pour la troisième fois en sept ans, la majorité des Israéliens bascule. 25 JUILLET 2000 : L’échec de Camp David Le nouveau Premier ministre va hélas décevoir les espoirs de paix qui ont été placés en lui. Pendant un an durant, Ehud Barak reporte aussi bien le troisième redéploiement de l’armée israélienne des Territoires occupés que les négociations sur le statut final, qui auraient dû commencer en 1996 ! Lorsque il se tourne enfin, au printemps 2000, vers les Palestiniens, c’est après l’échec de ses négociations avec la Syrie, et le fossé entre les positions des deux parties est très profond. C’est pourquoi Yasser Arafat propose de reporter le sommet. Mais le président Clinton tient à conclure ses deux mandats sur un succès international. Et Ehud Barak rêve d’imposer, grâce à cette situation d’urgence, ses propositions aux Palestiniens, en sous-estimant une donnée fondamentale : cette fois, l’accord n’est pas intérimaire, mais définitif. Les trois parties se retrouvent donc à Camp David le 11 juillet pour se séparer, deux semaines plus tard, sur un constat d’échec. L’explication souvent donnée est simple, pour ne pas dire simpliste : Ehud Barak a fait une « offre généreuse », et Yasser Arafat l’a refusée. Les propositions de Ehud Barak vont effectivement plus loin qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait été. Mais pas assez loin, ni du point de vue du droit international, ni au regard des conditions nécessaires à la créa- tion d’un État palestinien réellement indépendant et viable : il aurait, dit-on, promis le retrait de 90 % de la Cisjordanie, mais ce chiffre « oublie » la région de Jérusalem, la vallée du Jourdain et le territoire contrôlé par les colonies (42 % de la Cisjordanie). Surtout, les zones qu’Israël prétend annexer pour regrouper 80 % des colons coupent la Cisjordanie en trois morceaux discontinus ; sur Jérusalem, il n’y a pas d’avancée décisive. La fameuse déclaration sur le partage de la souveraineté n’interviendra que le 29 septembre ; de même, sur le sort des réfugiés, il n’y a pas un millimètre d’avan- cée dans les positions de Ehud Barak à Camp David. Bref, c’était l’échec annoncé. Malgré la campagne qui a été développée pour en faire porter la responsabilité aux Palestiniens, les faits sont têtus. L’OLP a fait en 1988, en reconnaissant Israël, le principal compromis, puisqu’elle lui a abandonné 78 % de la Palestine mandataire. Et c’est sur les 22 % restants que Ehud Barak exige de nouvelles concessions. Le Premier ministre israélien pouvait-il aller plus loin ? L’Histoire a tranché : la délégation israélienne est allée beaucoup plus loin cinq mois plus tard lors des négociations de Taba en janvier 2001. Les minutes de l’envoyé spécial de l’Union européenne, Miguel Angel Moratinos, comme les témoignages de plusieurs négociateurs palestiniens et israéliens, confirment que les deux parties ont approché, sur la base des propositions du président Clinton, un accord sur toutes les questions, même sur celle des réfugiés. Hélas, Taba était inutile, Ehud Barak ayant décidé de démissionner, provoquant des élections anticipées en février. C’était un véritable suicide politique pour lui et pour la « gauche » : au lieu de miser sur la conclusion d’un accord à Taba et de se donner quelques mois pour convaincre l’opinion israélienne, le Premier ministre s’est lancé dans un affrontement avec la droite, sans la moindre alternative à la politique de force qu’incarne Ariel Sharon. Le piège qui a été tendu par le vieux général en montant sur l’esplanade des mosquées, le 28 septembre 2000, se referme. Le 6 février 2001, Ariel Sharon est élu Premier ministre d’Israël. La suite est - hélas ! - connue... Juillet 2006 : une escalade du conflit embrase le Liban. Kofi Annan a réclamé devant le Conseil de sécurité des Nations unies, jeudi 20 juillet, un "arrêt immédiat des hostilités" au Liban, pour "empêcher de nouvelles pertes de vies innocentes et de nouvelles souffrances", et permettre une intervention des organisations humanitaires. Il a reconnu que les émissaires qu'il avait dépêchés ces jours derniers dans la région avaient conclu qu'un cessez-le-feu durable serait "difficile à obtenir à l'heure actuelle" mais qu'il fallait au moins une cessation temporaire des hostilités. |
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