Saturday, January 30, 2010

L'amitié franco malgache

Dans ce grand carnaval où certains vautours se parent des plumes de démocrates pour habiller leurs intérêts, leurs ambitions personnelles et leur soif de puissance, le masque d’un acteur majeur de cette crise est en train de tomber. Il ne dissimulait pas grand-chose et la ficelle était grosse, mais elle se relâche. Le soutien de la France aux auteurs de ce coup d’Etat, qui offrira certainement aux historiens et autres politologues matière à une riche thèse, n’est pas officiellement exprimé. Mais déjà, son activisme permanent et ses interventions pour le moins mal avisées, ne laissent plus de doute sur un engagement qui ne cesse de nous interpeller.
La poignée de main d’un nouvel ambassadeur à un putschiste au lendemain d’un coup d’Etat, la représentation de la coopération militaire affichée le 26 juin, les déclarations de Joyandet à l’Assemblée Nationale ou de Kouchner qui soutient un processus électoral que la communauté internationale réprouve, les interventions de Bourgi émissaire africain de l’Elysée, l’accueil de Rajoelina avant qu’il ne passe devant la Commission à Bruxelles, les interventions du quai d’Orsay auprès des Africains après le clash de l’Onu, l’activisme diplomatique appliqué à Maputo et Addis, les initiatives actuelles qui veulent promouvoir la relance économique malgache auprès des investisseurs malgré l’illégitimité actuelle du pouvoir, etc … autant d’éléments d’une longue liste de faits qui ne laisse que peu d’incertitudes quant à l’implication de la France dans la situation présente. Elle n’en a peut être pas été à l’origine … Mais, pour servir ses intérêts, elle ne s’y est pas opposée.
Cette implication, qui irrite le secrétariat d’Etat américain, qui dérange les chancelleries européennes et à laquelle s’oppose farouchement le bloc africain, et l’attention portée par l’ensemble de la communauté internationale à cette interminable crise malgache reflètent d’énormes enjeux économiques, politiques et géostratégiques que la grande majorité des malgaches eux-mêmes ne mesure peut être pas pleinement.
« Madagascar est prioritaire » déclarait récemment en commission parlementaire un député français quant au financement de l’APD. Pour le plus grand nombre, y compris en métropole, les intérêts de la France à Madagascar sont essentiellement caractérisés par sa présence.
[…] On recense plus de 650 entreprises - dont 130 filiales et plus de 500 entreprises privées à capitaux français - et environ 25 000 ressortissants y compris les franco-malgaches, ce qui en fait l’une des plus importantes communautés françaises à l’étranger.
Les intérêts français sont principalement dans les activités financières (Crédit Agricole-BNI, BFV-Société Générale, BNP-Paribas avec BMOI), distribution de produits pétroliers et énergie (Total, LP, Air Liquide, Rubisgaz/Vitogaz), BTP et immobilier (Colas, Sogea/Vinci, Guy Hoquet, Getim), transports et tourisme (Air France, Corsair/Nouvelles Frontières enregistrée comme filiale française malgré son actionnariat allemand, Accor avec un investisseur local, Caillé/Sicam, CMA-CGM, AGS, […] ingénierie et études (Socotec, Sofreco, Sogreah, Brl), grande distribution (Casino,Weldom/Ravate). [1]
Cette caractérisation est imparfaite. Parce qu’au-delà de cette présence immédiate, la question essentielle reste : ces intérêts étaient ils si importants pour que M/car fasse l’objet de jeux d’une telle violence de la part des grandes puissances ?
Dans un précédent papier « M/car 2009 et Diplomatie française encore … et si les enjeux réels étaient simplement au delà de notre entendement ??? » étayé par un document de l’IRIS cité dans Madagascar et l’Océan Indien : enjeux géostratégiques … ???, je posais en postulat :
« L’argument de la Françafrique, image d’une France jalouse de son ancien empire colonial, s’il a pu satisfaire les « damnés » du néo-colonialisme en mal de légitimité d’une construction intellectuelle et politique, ne tenait pas la route sur le long terme quand on l’opposait aux arguments de la mondialisation et de ses enjeux économiques.[…] »
Supputations …
« La France a perdu l’Afrique »
En fait, depuis la chute du mur de Berlin qui a bouleversé les équilibres mondiaux, depuis le 11 septembre avec l’érection des USA en gendarmes de la planète, et depuis la montée en puissance sur le continent africain des pays émergents Chine, Inde et Russie, la France semble avoir peu à peu perdu son pré carré en Afrique. La crise en Côte d’Ivoire de 2004 en a été l’expression ultime. On y a vu la France se retirer de manière humiliante et affronter l’hostilité des africains de sa vitrine ivoirienne qu’elle croyait jusque là ses amis. Quoi qu’on en dise et quoi qu’on en pense, la Françafrique de Foccart « écheveau de liens occultes, privés et publics, entre une majorité de régimes africains dits francophones et le parrain français, caractéristique, de la Ve République », est morte [2], d’autant que ses réseaux et supports (Bongo) ont désormais disparu. À l’ère chiraquienne, la politique française en Afrique empêtrée dans ses contradictions, dans ses scandales (Elf, Angolagate, …), dans son clientélisme et dans ses erreurs dramatiques et ses fautes d’analyse (Rwanda) s’est cherchée sans se trouver, enferrée dans ses anachronismes et son passé colonial. Elle y a aussi perdu ses positions pétrolières au bénéfice des américains et des chinois, alors que le pétrole africain place le continent au cœur des enjeux stratégiques et énergétiques du XXIème siècle.
Un revirement récent ? La France veut reprendre sa place
L’attachement et l’intérêt de la France pour Madagascar n’ont jamais été démentis. Les effectifs de l’ambassade de France à Madagascar mettent Antananarivo au 8ème rang [3] des représentations diplomatiques françaises dans le monde. Le Document Cadre de Partenariat 2006-2010, qui formalise les grandes lignes de la coopération française, caractérise le souci que la France a du développement de Madagascar. À travers ce document la France reconnaissait formellement à l’époque, à l’instar de l’ensemble des institutions internationales, la pertinence et les avancées de l’action du gouvernement Ravalomanana quand elle ne les louait pas... C’était en 2006…
Curieusement, 2007 a vu une élection présidentielle qui a mis un nouveau pouvoir à Paris. La politique étrangère n’échappera pas en effet à la volonté de changement et de rupture du « super-président ».
Le changement de ton a été vite donné après changement de locataire à l’Elysée. Quand le ministère des affaires étrangères déclare que la diplomatie française est au service de la défense des intérêts économiques de la France, on sait qu’une nouvelle donne va être distribuée. Alors même que de nouvelles puissances régionales (Afrique du Sud, Nigeria), sont en train d’émerger, et que la mainmise de la Chine inquiète, ne s’agit-il pas désormais de tracer une politique qui veut redonner à la France la place, l’influence politique et la présence économique qu’elle avait perdues ? Et qui, surtout, veut préserver les ressources et les marchés du futur…
Concernant l’Ile Rouge en particulier, les dérives du pouvoir de Marc Ravalomanana à partir de 2006 ont probablement fait le jeu et l’argument d’une évolution radicale de la politique française. À la colère des diplomates du Quai d’Orsay quant à l’expulsion, incompréhensible à leurs yeux, d’un de leurs plus brillant diplomates, l’ambassadeur Gildas le Lidec, s’est rajoutée l’exaspération des acteurs économiques français frustrés. Le sort du Président malgache s’est peut être scellé là, avec le revirement de la position de la France à son égard.
Ralentir l’avancée de la Chine et de l’Inde.
Nonobstant cela, l’Océan Indien, voie d’approvisionnement obligée, s’avère essentiel pour les pays émergents asiatiques. La présence française sur un arc Abou Dhabi, Djibouti, Mayotte, Iles Eparses, trace ainsi une ligne de défense symbolique entre l’Asie et un continent Africain dont le développement est le futur de l’occident. La géopolitique est une partie d’échecs au cours de laquelle chaque position prise permettra de négocier un échange de pièces.
Le Canal du Mozambique est une possession française
Les Zones d’Exclusivité Economique (ZEE), qui tracent autour de chacune des possessions françaises une bande exclusive de 200 miles, définissent à la France le deuxième territoire maritime au monde après les Etats-Unis. Ses 10 millions de km2 sont extensibles à 11 millions avec les demandes formulées à l’ONU en Mai 2009 d’extension du plateau continental. Ces demandes pourraient élargir ce territoire jusqu’à 350 miles des cotes. Ainsi, autour de Mayotte et des îles éparses [4], possessions françaises que Madagascar revendique de longue date, est tracé un territoire couvrant les 2/3 du Canal de Mozambique. Ce qui fait quasiment du dit Canal une possession de la France. Ces zones écologiques à la biodiversité préservée, recèlent toutefois des richesses jalousées : en pêche (des accords de pêche ont été établis entre la France et M/car)… mais aussi, en ressources minérales en eaux profondes.
Il y a là pour la France un enjeu géopolitique majeur. Alors quand viennent se greffer dessus d’autres enjeux économiques et commerciaux… Supputations …
Des enjeux économiques immédiats.
La France reste le premier client à l’exportation de Madagascar. Mais elle a perdu sa place de premier fournisseur désormais occupée par la Chine. Contrairement à cette dernière, la France n’a pas de fait tiré avantage de la hausse des importations malgaches (+26%) dues aux grands chantiers. Il y a là un évident manque à gagner pour les entreprises françaises… et l’emploi des français.
La France reste, de très loin, le premier pays client historique de Madagascar en absorbant 38% des exportations malgaches en 2008, avec même une légère tendance haussière au cours des dix dernières années.[…]
La France détient 6,9% de parts des importations malgaches en 2008 (14,6% en 2007) ce qui la situe au troisième rang des pays fournisseurs, après la Chine (22,2% contre 16,7% en 2007)[…] qui s’adjuge la place de premier fournisseur grâce à la fourniture de grands équipements : pipeline de 220 km, moteurs et turbines pour centrale hydroélectrique, équipements pour centrale thermique, équipements ferroviaires, etc.
L’analyse des importations malgaches confirme un tropisme asiatique croissant, en ligne avec la tendance mondiale. Désormais, l’Asie de l’Est détient 34,8% des importations malgaches (25% en 2007), essentiellement en provenance du monde chinois (23,2% pour Chine, HK, Taiwan), ASEAN (6%), Japon-Corée du Sud (5,5%) [5].
Alors même que les atouts et les potentiels de développement de Madagascar s’avèrent phénoménaux.
On n’épiloguera pas sur l’énorme capacité agricole du pays avec une surface agricole potentielle estimée à 36 millions d’ha, surfaces que le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) estime exploitées à moins de 10%. Et dans ce cadre on n’a pas fini de s’interroger sur un dossier Daewoo assassin et assassiné par manque de transparence. On se demandera aussi pourquoi les scandales Daewoo et Varun ont été levés (et il n’est pas question de les défendre ici), quand rien semble-t-il n’a remis en question les superficies concernées par les projets miniers. Bizarreries de la politique et de la manipulation de l’information. Il est vrai que le potentiel minier de l’île engage des enjeux financiers sans commune mesure avec la sauvegarde des intérêts des paysans qu’on prétendait défendre.
On démontera un jour le montant des faramineux investissements en prospection et en infrastructures engagés jusque là. Ils sont venus, ils sont tous là, même ceux du Sud de l’Australie… On se demande bien pourquoi…
Le développement de la Chine et des pays émergents a, on le sait, tiré vers le haut les cours mondiaux de l’ensemble des matières premières nécessaires à leur développement. De fait les importantes ressources minières de Madagascar ont attisé les convoitises de toutes les grandes nations industrielles et de la Chine en premier lieu… et attiré les investisseurs… pour de multiples ressources.
Nickel et Cobalt,
Ces minéraux, dont Madagascar représente aujourd’hui, à travers le concessionnaire Sherritt, respectivement 5% et 10% de la production mondiale, ont connu en un an une hausse de 66% et 36% de leurs cours. Bagatelle me direz vous. A-t-on besoin de se battre pour cela ?
Ilménite et Bauxite
Le métal de titane, transformation de l’ilménite, a vu de même en un an une hausse de + 57%. Les 750 000 tonnes /an d’ilménite qui seront produite par QMM Rio Tinto représentent 10% de la production mondiale. Les chinois sur la côte Est, et les sud-africains au Nord de Tuléar ont lancé ou négocient des projets d’exploitation de ce minerai. La mise en exploitation d’autres gisements d’ilménite le long de la côte Est, entre Mananjary et Fénérive ont fait l’objet d’appels d’offres. Le projet Ticcor des Sud Africains laissait, lui, envisager la production de 500 000 tonnes/an d’ilménite.
L’aluminium, lui, a augmenté de 71%. Est il alors surprenant que Rio Tinto s’intéresse dans le Sud aux ressources en bauxite à proximité des gisements qu’ils exploitent. Mais au fait, où sont donc les compagnies françaises ?
L’uranium
L’explosion de la demande en énergie nucléaire laisse craindre à terme une pénurie des ressources en uranium. Là aussi, britanniques, canadiens, australiens et leurs compagnies minières (ALM & Forex et ClineMining Corp, Pencari Mining Corp, Haddington, Uranium Star) ont lancé des campagnes d’exploration dans l’Ouest, le Centre et le Sud.
A-t-on vu Areva dans cette énumération ? Alors que « Depuis 2001, le prix spot de l’ U3O8 (yellow cake) est en progression constante, Il a ainsi augmenté de plus de 300 % en moins de cinq années. Cette hausse n’est donc pas conjoncturelle et elle a de forte chance de perdurer. » [6]
Le charbon
Les besoins sidérurgiques de la Chine et des pays émergents ont de la même manière provoqué une envolée des cours du charbon qui ont pris 200% entre 2005 et 2008. Ainsi, le gisement de la Sakoa « exploité dans la seconde moitié du siècle dernier, puis délaissé en raison d’une rentabilité insuffisante, voit son intérêt renouvelé » [7]. Les réserves en charbon de la Sakoa sont à ce jour estimées à plus de 100 millions de tonnes en hypothèse basse et jusqu’à 1 Md de tonnes en hypothèse haute !!! Le groupe australien Straits (coté à Singapour) à travers Red Island Mineral et Madagascar Consolidated Mining dispose d’un champ d’exploitation de 800km2 sur la zone. De français ici, point…
Le fer
Le gisement de fer de Soalala dont les réserves sont estimées à 562 Mt pour une production à ciel ouvert de près de 3,5 Mt annuelles intéresse bien évidemment les entreprises de la région asiatique, première productrice d’acier et dont les besoins continuent de croître…
Et le reste… Sans oublier le pétrole.
Nous ne nous étendrons pas sur les ressources et les potentiels réels en or, en pierres précieuses et semi-précieuses, ou en chromite et autres graphite, mais est il besoin de parler EN PLUS du pétrole qui demeure la ressource éminemment stratégique des décennies à venir ? Les sables bitumineux et les huiles lourdes ne sont rentables qu’avec un cours du brut autour de 100 dollars le baril, mais les 16 milliards de barils estimés en réserve on shore sur Bemolanga (plus vaste gisement inexploité au monde) ont certainement posé des enjeux de pérennisation de la ressource. Ce sont ces enjeux qui ont poussé Total à acquérir 60% du contrat d’exploration de Bemolanga. Selon Afrique Energy Intelligence, il a fallu, pour la conclusion de ce contrat, une intervention du président Sarkozy lui-même qui en aurait négocié en avril 2008 le dossier avec Ravalomanana. Ce dernier préférait en effet une solution en faveur des chinois de la China National Petroleum Corp. Tiens donc !!!
Et bien évidemment, derrière les énormes infrastructures à bâtir et les besoins de logistique, les intérêts des géants français du BTP (Colas) et du transport (Bolloré), ne sont probablement pas très loin.
Au-delà des potentiels pétroliers on shore de Madagascar, les potentialités offshore font l’objet de convoitises que l’on lit derrière les blocs de prospection négociés du Sud au Nord de l’île. Or, il s’avère que les zones d’exclusivité économique des îles éparses, qui sont strictement accolées à la ZEE malgache et aux zones de prospection, recèlent aussi potentiellement des ressources pétrolières. Sur Juan de Nova, possession française, deux concessions de prospection aux sociétés Marex Petroleum Corporation et Roc Oil Compagny Ltd, ont été accordées (arrêté du 22/12/2008 du ministère français de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire) pour des montants d’engagement de 47 millions de $.
Pour conclure sur ces enjeux miniers,
Les observateurs attentifs auront par ailleurs pris note d’une manifestation organisée à Paris ce 4 février, petit-déjeuner débat tenu autour notamment de Jean Marc Chataignier (Ambassadeur de France) et de Lionel Levha (Directeur général, Total Exploration Production Madagascar). Cette réunion, qui veut promouvoir Madagascar auprès des investisseurs, présente ainsi son objet :
[…] La croissance est stoppée et la gouvernance (qui était déjà l’un des points faibles du régime précédent) ne s’est pas améliorée.
Quelles sont les raisons d’espérer, et sur quels éléments peut-on s’appuyer pour préparer en 2010 la reprise de l’économie, une fois la crise politique passée ? Est-il raisonnable d’étudier un projet, à Madagascar aujourd’hui et sur quels réseaux de contacts s’appuyer ?
L’île peut-elle sortir de son relatif isolement économique ? Quelles sont ses relations avec ses voisins ; peut-on espérer à moyen terme une meilleure intégration dans un développement régional ?
Ce petit déjeuner permettra de faire un point de situation (calendrier politique, prévisions macro-économiques, environnement des affaires) et d’étudier les secteurs qui peuvent se développer dans ce contexte avec deux éclairages particuliers sur l’environnement des grands projets miniers (implantations, développements, besoins) et sur les entreprises des secteurs de l’informatique et des services liés, au moment de l’arrivée de l’internet à haut débit.
Que doit on en penser ?
La diplomatie française peut-elle reprendre la main ?
Pour la France, Madagascar ne peut donc pas être livrée à une puissance ou un pouvoir qui pourrait remettre en question ses enjeux, ses intérêts et sa stratégie. Il faut le savoir et le dire. Elle ne PEUT pas lâcher prise et ne lâchera pas prise.
Une aberration demeure : la France a intérêt à un pouvoir stable ET LEGITIME. Croire que les « capacités » des gouvernants mis en place lors de ce putsch répondaient à ce souci de stabilité et de légitimité a été une grossière erreur. C’est là une ânerie d’analystes qui une fois encore, de leurs laboratoires en stratégie théorique, comme en 2002, comme en Côte d’Ivoire en 2004, se sont encore fourvoyés dans leur évaluation des aspirations des peuples et dans l’évaluation des forces endogènes et exogènes en présence.
Les incohérences et erreurs d’analyse de la diplomatie et de la politique étrangère française ne doivent pas nous surprendre. C’est s’illusionner que croire à une diplomatie de la France qui ne serait « qu’une seule main ». Coincé entre le gaullisme d’Henri Guaino, l’opportunisme de Jean David Levitte, et le cavalier seul de Claude Guéant, maîtres avec Nicolas Sarkozy de la politique étrangère française, le quai d’Orsay de Bernard Kouchner ne peut que dire « pouce ». Les guerres de pouvoir et les conflits d’ambition entre les 3 cavaliers de Napocalypse qui veulent « co-écrire l’histoire et influer sur les évènements » [8], ne laissent que peu de place à une diplomatie généreuse et à une prise en compte pertinente des réalités humaines et sociales de nos pays.
Il est scandaleux que les populations soient prises en otage de ces errements… Ce mépris qui ne voit que des pions à manipuler, déplacer, acheter, et non pas des interlocuteurs à préserver avec vigilance, est insupportable et il appartiendra aux malgaches de changer le regard de ces puissants… Mais…
Conclusion : peut-on enfin en sortir ?
La position de Jean PING représentant le GIC qui affirmait l’exigence du respect des accords de Maputo 1, devrait être rassurante. Mais les accointances de Ping avec les milieux financiers gabonais (Gabon = Total) posent quand même interrogation. Ceci étant, l’assouplissement apparent de Rajoelina qui semble accepter un report des élections peut laisser espérer un déblocage de cet imbroglio. On aurait pu craindre que la France ait réussi son forcing à faire reconnaître la situation non consensuelle actuelle. S’est elle désormais rangée à la voix de la raison ? La ficelle du masque était grosse, disions nous. Mais elle se relâche… L’acteur en question a peut être un peu moins la grosse tête, réalisant que les cartes qu’il jouait étaient mauvaises… Il est vrai que l’urgence est là… Parce que la révolte couve... Et parce que Paris aura du mal à se défaire de sa responsabilité en cas d’explosion sociale.
La prise en compte des enjeux de la France s’avère essentielle. Parce que dans cette situation il ne servira à rien de chercher l’affrontement. Il faudra négocier en préservant nos avantages et faire assumer à « Reny Malala » [9] qu’elle ne trouvera satisfaction à ses intérêts que dans une collaboration réelle, respectueuse et non entachée de faux semblants. Au-delà de ces luttes et de nos colères, on ne doit pas se tromper dans nos choix : on sait ce qu’on aura de la France, on ne sait pas ce qu’on aura de la Chine ou de l’Inde qui, soyons en convaincus, ne s’encombreront certainement pas de scrupules, ni d’un quelconque attachement affectif et culturel tel celui qui nous lie à la France.
Ne croyons pas que ce qui se passe actuellement, relève de la seule nostalgie d’un empire perdu. Là aura peut être été la plus grande erreur de Ravalomanana : ne pas avoir pris la mesure des enjeux de la métropole, et d’avoir joué l’affrontement au lieu de jouer une saine, juste et équilibrée coopération.
Un ami m’interrogeait : « le processus de décolonisation a-t-il préparé l’économie malgache a être indépendante, ou juste à rester le fournisseur de matières premières pour les autres ? » Quelque soit la réponse, nous devrons nous débarrasser, nous, de notre passé colonial. Parce qu’au bout du compte, au regard de ces éléments, il est malheureux de constater que les malgaches eux-mêmes ne soient pas eux aussi conscients et fiers de l’énormité du potentiel de leur tanindrazana… le discours est larmoyant : « nous sommes potentiellement riches mais nous restons économiquement, socialement et culturellement pauvres »…
Mais compte tenu des sommes colossales investies en matière de défense (géostratégique) dans les îles de la Réunion et Mayotte, et du déficit budgétaire de la France pour 2009 ( 80 milliards d'euros) , nous voyons mal comment ce « Reny malala » pourra-t-elle sortir les malgaches de ce gouffre, dans lequel elle a toujours souhaité que ces derniers y reste, pour implorer perpétuellement l'aide institutionalisée.
Notes
[1] Mission Economique de l’Ambassade de France.
[2] voir au sujet de la mort de la françafrique : Antoine Glaser et Stephen Smith « Comment la France a perdu l’Afrique ». 2005
[3] Etats-Unis, Royaume uni, Allemagne, Espagne, Italie, Maroc, Sénégal, Madagascar.
[4] Europa, Bassas-da-India, Juan-de-Nova, les Glorieuses à l’Ouest de Madagascar, Tromelin à l’Est.
[5] Mission Economique de l’Ambassade de France.
[6] Bergenza « L’uranium et l’industrie du nucléaire dans le monde.Situation actuelle et perspectives. »
[7] Mission Economique de l’Ambassade de France.
[8] http://www.lepoint.fr/actualites-politique/2010-01-14/la-guerre-des-elyseens/917/0/413386
[9] Reny Malala = littéralement « Mère Chérie », surnom donné à la France.

No comments: