Tuesday, January 05, 2010
Combien exactement sommes nous sur cette terre?
La population mondiale compte
6 834 035 964 personnes ce mardi 5 janvier 2010 à 16 h 10 min et 17 s !!!
La population mondiale avait compté
6 834 035 964 personnes le mardi 5 janvier 2010 ce chiffre a depuis changé...et ne cessera d'évoluer. Inquiétude, angoisse, mensonge, hypocrisie, violence, stress, soif, faim, misère seront désormais le décor incontournable de notre univers .
Si l’on regarde au-delà des inquiétudes à court terme qui ont empoisonné les débats sur la population au niveau politique, il apparaît de plus en plus clairement que la viabilité de la civilisation à long terme nécessitera non seulement une stabilisation du nombre d’êtres humains, comme on l’a estimé, sur les 50 prochaines années, mais également une réduction colossale à la fois de la population et de la consommation.
La tension grandissante entre deux tendances apparemment irréconciliables est devenue de plus en plus visible ces 50 dernières années. D’un côté, les projections démographiques modérées à conservatrices indiquent que le nombre d’habitants sur la planète atteindra, presque avec certitude, 9 milliards, peut-être plus, d’ici le milieu du 21ème siècle. De l’autre, des estimations scientifiques prudentes et de plus en plus fiables laissent entendre que la capacité de charge de la terre à long terme, à un niveau de vie qui pourrait être défini comme allant de "adéquat" à "modérément confortable", selon les standards des pays développés, pourrait ne pas dépasser deux ou trois milliards. Cela pourrait être considérablement moins, particulièrement si le style de vie de référence (niveau de consommation) auquel les gens aspirent se rapproche de celui des Etats-Unis.
En réaction à ce "dilemme malthusien" des temps modernes, il est grand temps de penser sérieusement au futur à moyen terme et d’envisager des alternatives qui vont plus loin que le simple ralentissement ou l’arrêt de la croissance démographique mondiale. L’espèce humaine doit développer, et rapidement mettre en application, des programmes bien conçus, clairement articulés, flexibles, équitables et coordonnés au niveau international, pour réduire la population humaine de façon significative sur les deux prochains siècles ou plus. Cet effort demandera probablement une réduction de la population mondiale d’au moins deux tiers à trois quarts, des 9 à 10 milliards d’individus prévus pour la seconde moitié du 21ème siècle à une "population optimale" future (à partir du 23ème siècle) ne dépassant pas les 2 à 3 milliards.
Visiblement, un changement démographique de cette amplitude nécessitera une réorientation majeure de la pensée, des valeurs, des attentes et des modes de vie de l’humanité. Il n’y a pas de garanties quant au succès d’un tel programme. Mais si l’humanité échoue dans sa tentative, la nature imposera certainement une réalité encore plus dure. En tant qu’anthropologue physique et biologiste spécialisé dans l’évolution humaine, je crains que cette crise démographique et environnementale métastasant rapidement (bien qu’elle soit partiellement cachée) ne se révèle être la plus grande impasse évolutionnaire/écologique jamais rencontrée par notre espèce.
Bien que la nécessité de réduire la population puisse prêter à controverse, elle peut être testée scientifiquement. Cette hypothèse peut être réfutée si on peut clairement montrer que les estimations actuelles de la population mondiale sur les prochaines centaines d’années n’excèderont pas les projections de plus en plus fiables des capacités terrestres maximales présentes et futures. Elle sera par contre confirmée si la taille de la population mondiale future continue de dépasser cette capacité maximale d’une marge importante. Et même si les estimations de capacité optimale de 2 ou 3 milliards se révèlent inexacte, disons d’un facteur de deux, il faudra quand même, pour arriver à une population maximale de 4 à 6 milliards, une réduction substantielle par rapport à la projection de 9 milliards ou plus pour le milieu du siècle.
En dessous des radars ?
Il est surprenant de constater le peu d’intérêt scientifique et public qu’a éveillé la mise en place de paramètres quantifiables, testables et acceptés socio-culturellement, propres à déterminer la capacité limite à long terme de la planète. Malheureusement, à quelques exceptions près, un grand nombre de chercheurs scientifiques, par ailleurs très qualifiés, et d’experts en politiques publiques ont plutôt rechigné à adopter une position claire et franche sur ce sujet profondément important. On peut se demander pourquoi - prudence inhérente, inquiétude à propos de leur réputation professionnelle, effets secondaires des structures de plus en plus spécialisées des institutions tant politiques que scientifiques, ou toutes autres raisons. Etant donné la nature et les ramifications globales du problème, la principale raison est peut-être simplement la "paralysie par l’échelle", ce sentiment débilitant d’impuissance collective et individuelle face à des problèmes dont la taille semble insurmontable.
Les estimations sommaires de la capacité limite faite par le passé varient considérablement, allant de moins d’1 milliard à plus de 20 milliards. Et il est évident qu’il sera difficile d’apporter une réponse efficace à cette crise si les objectifs démographiques pour le futur continuent à être mal compris et mal exprimés. Il est cependant intéressant de noter que plusieurs chercheurs et organisations ont développé des positions plutôt bien pensées sur la population mondiale future optimale, ces estimations s’échelonnent de 1 à 3 milliards.
J’espère que mon hypothèse est fausse et que les diverses théories démographiques plus optimistes avançant que la population mondiale commencera à se stabiliser et à décliner plus vite que prévu vont s’avérer exactes. Mais cet optimisme ne peut se justifier que si des données viennent les corroborer, c’est-à-dire uniquement si les "chiffres irréconciliables" mentionnés précédemment arrivent à tendre de manière plus convaincante vers une certaine congruence.
Il est clair que les affirmations selon lesquelles la Terre pourrait être capable de supporter une population de 10, 15 ou même 20 milliards d’individus pour une durée indéterminée et à un niveau de vie supérieur au niveau actuel sont non seulement terriblement trompeuses mais aussi presque certainement fausses. En dépit de notre dépendance actuelle à une croissance économique continue et ininterrompue, l’humanité doit reconnaître que la capacité maximale de la Terre à des limites physiques, biologiques et écologiques finies. Et si l’on en juge par les inquiétudes grandissantes sur le maintient de la qualité, de la stabilité et/ou de la durabilité de l’atmosphère, de l’eau, des forêts, des terres agricoles, des zones de pêche et de bien d’autres choses encore sur la planète, il y a peu de doutes quant au fait que beaucoup de ces limites seront bientôt atteintes, si elles n’ont pas déjà été dépassées. Dans la mesure où les dégâts causés par une reproduction humaine excessive et la surconsommation, dont les effets s’amplifient mutuellement, pourraient provoquer une pénurie irréversible de certaines ressources, et puisqu’il n’y a qu’une planète pour se livrer à cette expérience, il serait préférable pour notre espèce de choisir la prudence, adoptant à chaque fois que cela est possible une attitude réfléchie et responsable.
Il est peut être temps que les preuves sur le sujet, que l’on a longtemps demandées aux soi-disant pessimistes néo-malthusiens, soient fournies par les "optimistes de la corne d’abondance". Laissons-les répondre : quelles preuves avons-nous que la Terre puisse supporter, sans dégâts irréparables, encore deux siècles ou plus de présence humaine, pendant lesquels la population mondiale et la consommation par tête excéderont toujours davantage sa capacité limite optimale (durable) ?
Dans tous les cas, une fois établi un cadre de référence "quantifiable et falsifiable", il est temps d’affirmer que la rhétorique actuelle sur la réduction de la croissance ou même la stabilisation de la population, est clairement insuffisante. Les données empiriques et une logique implacable laissent entendre que notre position par défaut pour les deux ou trois siècles à venir devrait être de chercher une réduction significative du nombre d’êtres humains.
Reconnaître notre dilemme
Est-il naïf d’espérer que lorsqu’un nombre important de chercheurs préoccupés commenceront à considérer sérieusement cette réduction, il deviendra plus facile pour les scientifiques, les écologistes, les politiciens, les économistes, les moralistes et les autres citoyens du monde inquiets de parler ouvertement du besoin critique pour l’humanité d’une stabilisation et d’une réduction de la population ? Ils devraient au moins ne pas avoir le sentiment de commettre un suicide politique, professionnel ou moral en abordant ces problèmes. Le temps est de plus en plus précieux, et notre marge de manœuvre pour prendre des mesures efficaces pourrait se réduire rapidement - en admettant qu’il ne soit pas trop tard.
Jusqu’à preuve du contraire, j’affirmerai donc qu’une croissance démographique insuffisamment ralentie devrait être considérée comme la caractéristique la plus importante dans un paysage physique, écologique, bio-culturel et socio-politique complexe (et synergique). Réguler la population humaine, et faire face aux nombreux problèmes qui seront engendrés par son inévitable rétrécissement, devrait être une priorité du dilemme moderne, et en tant que telle, elle devrait être traitée beaucoup plus sérieusement et rapidement qu’elle ne l’a été jusqu’à présent.
Il y a plus d’un demi-siècle, à l’aube de l’ère nucléaire, Albert Einstein avait suggéré que nous aurions besoin d’une nouvelle façon de penser pour que l’humanité survive. Même si l’explosion de la population n’est pas aussi brusque et spectaculaire qu’une explosion nucléaire, ses conséquences finales pourraient être tout aussi réelles (et tout aussi dévastatrices) que le scénario d’hiver nucléaire envisagé au début des années 1980.
Une réduction à grande échelle de la population mondiale sur les deux ou trois siècles prochains apparaît inévitable. Le problème majeur semble être de savoir si ce processus s’accomplira sous un contrôle humain conscient et (espérons-le) de manière relativement bénigne, ou si cela s’avérera être imprévisible, chaotique et (peut-être) catastrophique. Nous devons commencer à penser différemment à ce problème mondial d’une importance capitale, pour que les inquiétudes prescientes et légitimes d’Einstein sur la survie de l’espèce humaine et de la civilisation au 21ème siècle, et d’après, soient abordées aussi rapidement, pleinement et humainement que possible.
L'humanité peut-elle juguler le drame du réchauffement climatique ?
Le désert avance inexorablement sans qu'une solution à ce jour ne soit apportée...
Va-t-on vers un crash alimentaire après un crash financier et une crise économique dont on n’est pas sorti ?
En 2008, les cours mondiaux des principaux grains ont triplé. Le riz thaïlandais est passé de 300 à 1000 dollars la tonne de 2006 à avril 2008 alors que l’Afrique noire se trouve aujourd’hui à l’origine de 20% des importations mondiales de riz (et que ce riz pourrait très largement produit en Afrique si des politiques agricoles incitatives étaient développées dans ce sens).
Le prix de cet aliment de base a été multiplié par 3 et le prix des autres céréales a plus que doublé avant de retomber brutalement dans la seconde moitié de l’année 2008. Cela a déclenché au printemps de 2008 des émeutes de la faim qui étaient en fait des émeutes de la pauvreté.
Au début des années 2000, d’après la FAO, 800 millions de personnes étaient en état de sous alimentation chronique. A cette époque, son directeur Jacques Diouf envisageait une amélioration de cette situation.
Le dernier chiffre publié cette année décompte 965 millions de personnes en sous alimentation chronique sur 6.5 milliards d’hommes. Il faut adjoindre 2 milliards de personnes en état de malnutrition pâtissant de régimes alimentaires mal équilibrés, souvent caractérisés par un manque de protéines.
D’un autre côté, on compte 1 milliard d’hommes (dont nous faisons partie) en situation de suralimentation, surtout dans les pays du Nord, mais aussi, et de plus en plus, dans les pays émergents.
Il existe une relation partielle entre ce triste constat et la crise financière même si celle-ci est loin de tout expliquer.
Quelle est la demande alimentaire dans le monde ?
Quelle est l’offre ? Que donne leur confrontation ?
I. La demande
3 facteurs principaux expliquent l’accroissement de la demande alimentaire
La transition alimentaire (ou nutritionnelle) se passe quand une partie des populations pauvres ont des revenus qui augmentent et consomment au départ davantage de produits végétaux. Si l’enrichissement se poursuit, autour de 1300 dollars de revenus annuels par exemple, elles se mettent à consommer bien davantage de protéines d’origine animale ; œufs, viandes de volailles et/ou de porc, lait, en fonction des civilisations.
Pour produire ces protéines, on développe des élevages de granivores, volailles et de porcs. C’est plus difficile avec les bovins qui métabolisent moins bien les graines. Pour produire 1 kg de poulet bas de gamme dans un élevage performant, on a besoin de 2 kg d’aliments : blé, maïs, tourteaux oléagineux comme le soja. Aliments qui permettent aux animaux de se développer très vite.
Pour les porcins, le rendement est moins bon. Il faut consommer 3 à 4 kg d’aliments pour produire 1 kg de viande.
Quand un Chinois commence à manger 1 kg de porc en plus, cela fait 4 kg d’aliments en plus. Les Chinois de 1994 à 2004 (on ignore les chiffres les plus récents) ont augmenté de 4% par an leur consommation de porc et de 7% par an celle de poulet d’après la Banque Mondiale. Un Chinois moyen consomme aujourd’hui 45 kg de viande par an, deux fois moins que nous mais 10 fois plus que les Chinois de Mao au début des années 1960.
C’est un facteur d’accroissement de la demande de grains considérable. Les importations céréalières de la Chine ont peu augmenté mais elle est devenue le 1er importateur de graines de soja (35 MT) devant l’Europe, soja très largement transgénique bien sûr. Si on additionne céréales et graines oléagineuses, la Chine est devenue le 1er importateur mondial de grains.
L’urbanisation est le deuxième facteur. En Chine, les revenus agricoles restent faibles. Un agriculteur du Guizhou (province montagneuse du sud de la Chine où les minorités ethniques demeurent largement représentées) a un revenu d’environ 100 à 120 euros par an. C’est pourquoi, les jeunes partent vers Hong Kong ou le delta de la Rivière des Perles, où ils gagnent le même niveau de revenu en un mois. Les habitudes alimentaires changent de facto. L’urbanisation joue sur la demande car le niveau de vie des citadins est 3 à 4 fois supérieur à celui des ruraux en moyenne dans les pays émergents.
Le troisième facteur est l’accroissement démographique. Entre 1810 et 1920, la population mondiale a doublé passant de 1 à 2 milliards. Les agriculteurs avaient eu 110 ans pour produire davantage afin de nourrir ce milliard de personnes supplémentaires, Les superficies cultivées avaient alors beaucoup augmenté avec la suppression de la jachère et surtout la colonisation des pays neufs de l’époque (Etats-Unis, Canada, Argentine, Australie, Afrique du Sud ...) qui a permis la mise en culture centaines de millions d’hectares de terres nouvelles. L’essentiel de l’accroissement de la production a été dû à la l’accroissement des superficies cultivées. C’est très différent aujourd’hui, on ne peut plus compter que sur les rendements pour nourrir 8 milliards d’hommes en 2025, 9 milliards en 2050 soit 3 milliards de plus entre 2000 et 2050, les superficies cultivées n’augmentant plus qu’à un rythme très ralenti à l’échelle de la planète (cf. plus loin).
En kg de céréales en 2000, la production mondiale toutes espèces confondues représentait 2 milliards de tonnes pour 6 milliards d’hommes soit 330 kg par personne (ou 3.3 quintaux) Pour maintenir cette situation même non satisfaisante car la malnutrition persiste, il faudrait en 2050, produire en plus 3 milliards d’hommes x 330 kg = 1 milliard de tonnes de céréales en plus.
En 2008, année où les conditions climatiques ont été particulièrement favorables dans toutes les grandes régions productrices de grains de la planète, on a produit 400 Millions de tonnes de grains aux Etats-Unis, 420 Millions de tonnes en Chine et 310 millions de tonnes dans l’Union européenne à 27. Cela va être un effort terrible pour les agriculteurs du monde entier pour y arriver.
Et si on veut éradiquer la malnutrition, il faudrait produire 4 milliards de tonnes en 2050 ! C’est quasiment impossible.
Qu’en est-il de l’offre ?
Le métier de paysan est le plus représenté de la planète. Les agriculteurs représentent 43% des actifs à l’échelle mondiale et leur nombre continue à augmenter en dépit de l’exode rural. Dans les pays développés comme la France ils ne forment que 4% de la population active en moyenne. Ils ont trois choix pour répondre à la demande : augmenter les superficies cultivables ou les rendements ou les deux. Mais on n’est plus dans la situation du XIXème.
Le chiffre de 1400 millions d’hectares de terres arables (ou terres travaillées) à l’échelle planétaire a peu varié en 25 ans : il ne s’est accru que de 4% entre 1980 et 2005 alors que dans le même temps, la population mondiale a augmenté de 45 %.
Si l’agriculture a réussi à nourrir davantage de monde, c’est grâce à l’accroissement des rendements, ce sont eux qui sont responsables de la progression de la production agricole. On peut encore réussir à accroître les superficies cultivées (essentiellement au détriment des forêts tropicales) mais dans le même temps, on en perd à peu près autant par érosion et épuisement des sols, par salinisation des terres, par des étalements urbains mal contrôlés.
A l’accroissement des rendements dans les pays riches, a répondu une révolution agricole dans les pays du Sud, en particulier asiatiques. C’est la « Révolution Verte » qui applique dans ces pays le même modèle d’agriculture productiviste que dans les pays développés. On a privilégié les variétés à haut rendement avec des variétés aux rendements 2 à 3 fois supérieurs aux anciennes mais qui sont beaucoup plus fragiles. Il faut donc davantage d’engrais azotés, de produits phytosanitaires et elle nuit à l’environnement. On peut réduire les pollutions en ajustant mieux les doses d’intrants, mais on ne peut pas s’en passer totalement. Ce qui constitue aujourd’hui le facteur limitant de la productivité agricole, ce n’est pas le potentiel biologique des plantes, mais l’environnement car on ruinerait l’environnement en faisant pousser les plantes à leur maximum
C’est dans ce contexte que l’on voit apparaitre une agriculture "off shore". Certains pays développent une production agricole ailleurs que chez eux. C’est le cas d’entreprises privées comme Morgan Stanley, qui a acheté 40000 hectares de terres en Ukraine. Black Earth Company, firme suédoise a acheté 300000 hectares toujours en Ukraine, bientôt suivie par une autre. Une société anglaise Landkom, a acheté 200000 hectares en Ukraine également.
Il n’y a pas que des firmes à agir ainsi, mais aussi des États. La Chine loue des terres en Afrique(au Mozambique), en Asie (aux Philippines, pays qui est pourtant le premier importateur mondial de riz), en Australie dans le Queensland, au Kazakhstan.... Elle introduit des techniques et des agriculteurs chinois.
Les pays du Golfe Persique, inquiets de la hausse du prix du riz, principale source alimentaire de leur main d’œuvre immigrée, essayent d’acheter ou de louer des terres en Asie ou en Afrique. Le Soudan, où le Programme Alimentaire Mondial envoie de la nourriture aux populations du Darfour, l’État loue des terres à l’Arabie saoudite qui exporte chez elle toute la production réalisée. La Corée du sud achète des terres en Sibérie orientale, en Mongolie ! Cela montre que l’on est devant une pénurie de terres.
Bien des États ne font plus confiance au marché mondial pour alimenter leurs populations. Les entreprises privées profitent du bas prix des terres et du prix en hausse des productions pour spéculer sur la valeur du foncier. Mais si le prix des terres augmente, les petits paysans vont être exclus et devenir des « sans-terre ». Ce pourrait être le cas au Pakistan actuellement où les agriculteurs de nombreux villages risquent d’être "déplacés" si le gouvernement pakistanais accepte (en contrepartie de substantiels avantages financiers) la proposition des Qataris d’externaliser une partie de leur production alimentaire. L’Inde elle-même investit en Birmanie afin d’y développer la production de lentilles.
Le marché doit être encadré puissamment comme en témoigne la crise actuelle. Le marché répond à une demande mais encore faut-il que les acheteurs soient solvables. Les émeutes de la faim ont bien souligné ce problème de solvabilité.
Les écarts de productivité sont considérables à l’échelle de la planète mais il faut que les compétiteurs soient de niveau comparable. Le rendement par hectare est un indicateur. En mil dans le Sahel africain, on produit entre 5 et 10 quintaux par hectare. En Alsace, en maïs : 130 à 140 quintaux par hectare.
C’est une donnée parmi d’autres : en Australie, on produit du blé à raison de 15 à 20 quintaux à l’hectare en moyenne mais les fermes font 4000 à 5000 hectares. En France, on produit 80 à 100 quintaux par hectare mais sur des fermes de 150 hectares et plus.
Mais la production par unité de main d‘œuvre est bien plus fondamentale. Un homme peut produire 10 quintaux de mil quand tout va bien, en Afrique, dans le Sahel.
En France, on peut produire 100 quintaux de blé ou de maïs sur 100 hectares en céréaliculture et un homme seul y suffit car l’agriculture est très mécanisée. Cela fait 10 000 quintaux soit 1000 fois plus que dans le Sahel et on peut monter à 20 000 quintaux de grains avec les productions du Bassin parisien où un homme seul suffit en céréaliculture pour cultiver 200 hectares. Ces agriculteurs ne peuvent être mis en compétition sur le même marché. Abaisser les droits de douane est dangereux, on ruinerait l’agriculture des Pays en Développement : l’Inde en est bien consciente, elle qui se trouve à l’origine du blocage des négociations commerciales internationales du Doha Round menées dans le cadre de l’OMC.
En plus, les structures agraires sont inégalitaires, comme par exemple en Brésil
Que donne la confrontation demande-offre ?
Quand on essaye de confronter production et demande, on constate qu’il va falloir produire un milliard de tonnes de céréales en plus pour atteindre 3 milliards de tonnes de céréales en 2050. Les céréales occupent déjà 45% des terres labourées de la planète et les graines oléagineuses 15% : avec les grains on est au cœur du système alimentaire mondial.
Il faut passer au moins de 2 à 3 milliards de tonnes tout en ménageant l’environnement, en utilisant moins d’intrants. Ce n’est pas impossible mais les rendements progressent désormais moins vite. Entre 1970 et 1990, on a atteint 2% de progression en moyenne par an à l’échelle planétaire pour les rendements céréaliers. De 1990 à 2006, on n’atteint plus que 1% par an et on parle de « patinage » de la Révolution Verte
Ce ralentissement de la progression des rendements est en particulier dû au fait que les agriculteurs ne recherchent plus à présent le rendement maximum mais le rendement optimum (compte-tenu des contraintes environnementales).
Il va donc falloir intensifier les productions dans les pays en développement ce qui rend l’irrigation indispensable mais la marge de progression est limitée. A partir des 275 millions d’hectares irrigués actuels (d’où proviennent 40% de la production agricole mondiale) on ne pourra guère aller au delà de 350 millions d’hectares à l’échelle de la Terre compte-tenu de la raréfaction des ressources en eau. Il faudra en outre plus de pesticides, d’engrais etc...
Une solution pourrait être l’agriculture biologique mais elle ne représente qu’1% des surfaces agricoles planétaires et affiche des rendements de 30 à 40 % inférieurs à l’agriculture traditionnelle. C’est la fausse bonne idée développée par Yann Arthus Bertrand qui étend à l’échelle monde des expériences réussies mais ponctuelles et géographiquement limitées. Un bon géographe doit savoir gérer les changements d’échelle et être conscient des risques qu’il y a à passer trop vite de la grande à la petite échelle (i.e. à l’échelle mondiale).
L’agriculture "bio" est cependant une approche intéressante qui peut apporter de bonnes idées à l’agriculture conventionnelle, mais elle ne peut pas nourrir la planète
Les OGM et les biotechnologies sont d’autres pistes. La surface cultivée en OGM en 2008 représente 125 millions d’hectares sur la planète, surtout répartis dans les deux Amériques, en Chine et en Inde
On a souvent une image négative des OGM, avec de bonnes raisons. On peut avoir des doutes (scientifiquement fondés ?) du point de vue des consommateurs, mais les agriculteurs leur apparaissent de plus en plus favorables sur tous les continents.
Il existe deux grands types d’OGM. Ceux qui sont tolérants à certains herbicides comme les glyphosates et permettent un semis direct sans labourer. Donc, cela envoie moins de CO² dans l’atmosphère et on utilise moins d’herbicides. On économise en outre du carburant puisqu’il y a moins de passages d’engins dans les champs.
Les autres sont auto résistants à certains insectes comme le Monsanto 810 (maïs Bt) qui résiste de lui-même aux attaques de pyrale et de sésamie.
Contrairement à certains arguments, ceci permet de mieux protéger la biodiversité car on s’attaque à deux insectes et pas aux autres, contrairement aux autres insecticides. On gère ainsi mieux l’environnement d’une certaine manière.
En Europe, on se bat début 2009 autour du Monsanto 810 qui est d’ailleurs en passe d’être abandonné aux Etats-Unis, remplacé par des maïs OGM plus performants additionnant plusieurs propriétés (maïs "stacked traits"). La même plante résiste à la fois aux insectes et aux herbicides. Les OGM se développent actuellement partout sauf en Europe où ils ont été diabolisés et en Afrique qui n’en a pas les moyens
C’est une technologie qui a à peine plus de 10 ans. On est passé depuis 1996 d’1.5 millions d’hectares de terres cultivées en OGM à 125 millions aujourd’hui, soit 14 millions d’agriculteurs (dont 13 millions se trouvent dans des pays pauvres) qui y trouvent un intérêt. Aucune innovation technique ne s’est diffusée aussi vite depuis le néolithique, mais les OGM n’apportent rien aux consommateurs et les inquiètent. Pourtant l’’Union Européenne qui a un gros déficit d’oléoprotéagineux pour l’alimentation du bétail, en importe 30 millions de tonnes par an qui sont OGM à 60% pour le Brésil, à 90% pour les USA et à 98% pour l’Argentine. Si on décidait d’arrêter les importations de sojas OGM en Europe et donc les élevages industriels, l’Union Européenne devrait importer ses viandes de volailles et de porc du Brésil et des Etats-Unis ...
Mais le problème le plus important ne réside pas dans les techniques de production. Le problème majeur et qui passe avant est celui de l’organisation des agriculteurs. Ils doivent investir en capital et en travail dans la production mais ils ne le feront que s’ils sont assurés d’un retour sur investissement. Il faut le leur garantir d’une manière ou d’une autre et c’est pourquoi de nombreux États ont mis en place des politiques agricoles fortes qui protègent leurs agriculteurs et leur assurent des prix minima. Ces politiques existent dans tous les grands pays producteurs, développés ou émergents mais elles n’existent pas ou trop peu en Afrique.
La politique agricole commune (PAC) coûte 45 milliards d’euros à l’UE par an, soit une centaine d’Euros par Européen. Est-ce trop cher payé pour une agriculture qui produit en suffisance à la fois en quantité et en qualité ?
Si on arrivait à mettre en place une organisation mondiale des échanges avec des politiques régionales établies par aires géographiques à l’intérieur desquelles les niveaux de productivité par homme ne seraient pas trop différentes comme le propose l’association FARM (Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde) , cela serait l’idéal, mais en temps de crise, l’individualisme prime.
Dans les années et les décennies qui viennent des arbitrages devront être effectués à propos des 5 "F" :
Forest : jusqu’où faut-il défricher les forêts tropicales ?
Fiber : Faut-il privilégier les graines textiles sur les alimentaires ? Quelles variétés ? Sur combien d’espace ?
Fuel : Les biocarburants, jusqu’où va-t-on les développer ? Cela entraîne des pratiques "offshore" : la Corée du Sud envisage d’installer des plantations de palmiers à huile à Madagascar.
Feed : Un tiers des céréales mondiales est consommée par les animaux, peut-on aller encore plus loin ?
Food : Jusqu’où aller pour conserver assez de terres agricoles — gérées de façon durable — pour nourrir les hommes ? Si l’agriculture durable n’existe pas dans l’absolu, les différentes formes d’agriculture durable qui existent seront toutes les bienvenues.
Les solutions sont multiples et il faut attaquer le problème par tous les cotés. Limiter la consommation de viande dans les pays riches peut figurer parmi les solutions.
QUESTIONS
Le problème de surpopulation n’est-il pas la cause première ?
On est à peu près sûr de la démographie et on connaît le mécanisme de la transition démographique. On savait en 1975 qu’on serait 6 milliards d’hommes en 2000. On attend 9 milliards en 2050, après quoi la population devrait se stabiliser. On peut accroître la production — il ne faut pas être trop pessimiste — mais, sans tomber dans le scientisme, il faut faire confiance à un progrès technique contrôlé. Cela implique toutefois d’investir des sommes considérables dans la recherche et le développement de la production.
Les OGM expérimentés aux Etats-Unis ont-ils donné lieu à des études sur l’environnement, la biodiversité etc. ?
Il n’y a aucune innovation agricole suivie d’aussi près que les OGM. Au bout d’un moment, partout les plantes adventices s’habituent aux herbicides et il faut changer les formules de ceux-ci. Pour le soja, depuis 1996, le rendement moyen en soja a augmenté de 5 à 6 quintaux par hectare. Le maïs Monsanto 810 ne pose pas de problème sanitaire d’après la Faculté (française) de médecine mais demeurent l’existence de risques éventuels du côté de l’environnement. Mais comment un maïs pourrait-il se croiser avec une autre plante ? C’est biologiquement impossible contrairement aux cas du blé ou du colza. En outre les maïs hybrides sont stériles (comme les autres hybrides) et c’est pour cela que les agriculteurs doivent racheter des semences chaque année.
Quel est le rôle actuel de la bourse de Chicago ?
Il ne faut pas tout voir à travers elle. Le riz n’y est pas coté sur un marché à terme servant de référence mondiale, mais son cours est passé de 300 à 1000 dollars la tonne sans donc qu’elle intervienne. La raison de l’envolée du riz est que les principaux exportateurs : Thaïlande, Vietnam, Inde, ont bloqué les exportations. Il a fallu des pressions politiques et l’intervention de pays amis pour qu’ils recommencent à livrer une partie de leur riz (ils redoutaient des hausses de prix alimentaires trop importantes sur leurs marchés intérieurs).
Pour les autres grains, Chicago reste la référence mondiale. Il y a bien eu un phénomène spéculatif qui sort des habitudes courantes. Il y a deux catégories d’opérateurs : les opérateurs en couverture de risques ("hedgers" en anglais) qui peuvent être une coopérative, un négociant, une Industrie Agro Alimentaire qui cherche à se prémunir contre une fluctuation (selon les opérateurs, à la hausse ou à la baisse) des cours. Ils achètent (ou vendent) plusieurs mois et jusqu’à un an à l’avance pour se garantir un prix définitif. Ils y parviennent en prenant sur le marché à terme des positions inverses à celles qu’ils ont sur le produit physique, positions qu’ils dénouent au moment de la livraison (ou de la réception) effective du produit, les pertes enregistrées sur une opération par les gains symétriques réalisées sur l’autre. Le marché à terme joue donc le rôle d’une assurance de prix pour les "hedgers", mais ce risque qu’ils ne veulent pas prendre, est pris en charge par les "speculators" (terme non péjoratif en anglais) qui interviennent à la hausse ou à la baisse pour réguler le marché.
Avec la crise des subprimes et l’essor inconsidéré d’une économie virtuelle sont arrivés sur les marchés à terme de nouveaux spéculateurs (fonds de pension des pays riches, fonds souverains des pays pétroliers du Moyen Orient ou des pays émergents asiatiques ... ) peu au fait du fonctionnement des marchés agricoles et à la recherche de gains spéculatifs importants et rapides. Ces nouveaux capitaux et leur arrivée soudaine sur le marché des grains ont généré d’importantes fluctuations qui risquent de ne pas s’atténuer. Après leur retrait brutal dans la seconde moitié de 2008, ils pourraient très bien revenir. Les agriculteurs pourraient bien être confrontés à des fluctuations de prix de plus en plus marquées à l’avenir. D’où le rôle essentiel des politiques agricoles — et secondairement des marchés à terme ... — pour les protéger. Mais les pays riches sont beaucoup mieux placés pour protéger leurs agriculteurs dans ce domaine.
Les biocarburants menacent-ils la production agricole mondiale ?
Il faut parler au cas par cas. Une filière marche bien : la canne à sucre au Brésil qui assure la fourniture de presque la moitié du carburant brésilien. Le Brésil est le premier exportateur mondial de l’éthanol que nous importons, de même que les Etats-Unis qui l’ont toutefois pénalisé d’importants droits de douanes. Le rapport énergétique "EE" (rapport entre l’énergie du carburant produit et l’énergie fossile nécessaire pour le produire) va de 9 à 10 pour l’éthanol brésilien obtenu à partir de la canne à sucre, ce qui est remarquable, et reste à 5 même une fois transporté à Rotterdam.
Aux Etats-Unis avec le maïs, la production d’éthanol n’affiche qu’un rapport de 1,3. Presque 1 pour 1. Les usines d’éthanol à base de maïs fermeraient sans subventions.
On en fait très peu en Europe, on fait surtout du diester (ou bio gazole) avec du colza et du tournesol avec une efficacité énergétique de 3, voire de 4 si on utilise l’huile brute dans le tracteur. Il serait possible d’autoriser les agriculteurs à produire et utiliser leur propre carburant.
Les retombées sont cependant infimes par rapport à la consommation de carburants dans le monde. Cela ne va pas apporter de solution à la crise énergétique : ils ne représentent que 2% de la consommation mondiale de carburant et en Europe ils ne couvrent que des superficies limitées (dont une partie était jusqu’en 2007 occupée par des "jachères"). Cela a malgré tout contribué à l’envolée des cours agricoles. On a constaté d’abord aux Etats-Unis, puis ailleurs un envol des prix du maïs lié à la production d’éthanol. Dans le Corn Belt, on a mis en culture davantage de terres en maïs, donc moins en soja, et le cours du soja s’est envolé etc.... Il faut regarder le commerce des grains de manière globale, tout est lié.
On comprend la crise de la "tortilla" (galette à base de semoule de maïs) au Mexique, car le maïs représente 60% ou plus du budget de base de nombreux Mexicains : ils ont beaucoup souffert en 2007 de la hausse brutale de son prix.
Selon Lester Brown, il faut 2, 5 quintaux de maïs pour faire le plein d’un 4/4 soit 100 litres. Avec la même quantité de maïs, on nourrit un paysan mexicain (mal) pendant un an. Manger ou conduire, il faut choisir
Il faut rester optimiste cependant. L’éthanol de betterave a un rendement énergétique de 2,5 à 3 qui est en progression (comme celui du diester de colza) : les progrès techniques peuvent être rapides dans ce domaine. Dans l’immédiat, 20% des superficies mondiales en canne à sucre produisent de l’éthanol.
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