Saturday, May 20, 2006

Le palais de la reine sera rasé et reconstruit pierre par pierre

Apparemment, les travaux vont bon train car l’édifice de pierre est entouré aujourd’hui d’un échafaudage métallique, les toits en tôle qui coiffaient les quatre tours ont été enlevés tandis qu’une grue est installée à proximité du bâtiment sinistré. D’après les cadres de Colas, la muraille de pierre sera démantelée complètement puis sera remise en place…

Première inquiétude dans la capitale : la société Colas, même si elle domine le secteur du BTP, n’a aucune expérience en matière de restauration de monuments historiques. Comment s’y prendra-t-elle pour recréer les parties du bâtiment qui n’existent plus ? On craint que la copie ne soit bien différente de l’original…

Deuxième inquiétude, politique celle-ci et qui gagne surtout le camp présidentiel : l’édifice restant qui sera démantelé pierre par pierre sera-t-il reconstruit le 3 décembre, c’est-à-dire au moment du scrutin présidentiel ? Selon toute vraisemblance, l’esplanade du Rova sera rasée à ce moment-là et ce spectacle tout à fait nouveau désorientera les Tananariviens. Du côté du régime, on craint que l’absence ne provoque un impact négatif sur le vote…

Souhaitons en tout cas que la société Colas assure un minimum de transparence sur les travaux qui seront entrepris sur la colline historique. D’abord car le public voue un attachement certain au monument et s’intéresse à tout ce qui le touche. Ensuite car il a versé une importante contribution financière à la reconstruction du bâtiment…

Dernière nouvelle…

Rappelons que le marché de la réhabilitation du site a été remis à l’entreprise française Colas, connu dans l’île pour ses activités en matière de construction de routes. Cette filiale du groupe Bouygues est déjà à l’œuvre et il n’est que de jeter un coup d’œil sur le sommet de la colline historique pour s’en convaincre. On regrettera l’opacité des travaux, rien n’ayant été révélé au grand public quant au plan, aux entreprises sous-traitantes, aux délais du chantier etc. Le secret visiblement est bien gardé et peu de renseignements filtrent hors des milieux informés. Quelques détails passent au travers du cache et ne font qu’aiguiser la curiosité. Vendredi par exemple lors de la journée sur la Bonne gouvernance, Marc Ravalomanana a annoncé une nouvelle qui a sidéré : 7000 pierres défectueuses de la muraille seront vendues aux particuliers et remplacées. Dans sa dernière édition, La Lettre de l’Océan Indien (LOI), hebdomadaire publié à Paris révèle que les travaux de restauration seront confiés en sous-traitance à SMBR, société française spécialisée dans la rénovation des monuments historiques et du patrimoine architectural. Souhaitons que le passage dans l’île du PDG Alain Dupont sera pour Colas l’occasion d’un exercice de transparence sur un sujet qui tient à cœur du grand public. Ce dernier d’ailleurs a participé financièrement à la constitution de la cagnotte de réhabilitation, et devrait quand même disposer d’un droit de regard sur la nature des travaux.


Il semble en premier lieu que le régime Ravalomanana craint de révéler une opération inévitable : la muraille de pierre sera démontée pièce par pièce et le site sera donc pendant un moment complètement rasé. Une situation nouvelle et inattendue qui ne manquera de désorienter et même d’inquiéter le public. Si le fait survient lors du scrutin présidentiel du 3 décembre, il pourrait avoir un impact sur les votes, notamment si rien encore n’est dit sur la suite des travaux… Si l’on en croit LOI, les 65 000 pierres seront démontées à partir de janvier 2007, c’est-à-dire qu’on prend soin de ne rien bouleverser avant la tenue du scrutin. Grosse question : si Marc Ravalomanana n’est pas reconduit, son successeur manifestera-t-il le même punch dans la conduite des travaux ? Remarquons qu’à l’intention de l’importante proportion de l’électorat qui tient au redressement du site, on peut s’en servir comme d’un argument électoral…

Autre point d’interrogation : le Rova sera-t-il reconstruit à l’identique ? Des voix autorisées s’étaient déjà élevées, annonçant qu’il était techniquement impossible de reproduire le bâtiment conformément à l’original, et des plans à l’architecture futuriste avaient été présentés au public…On apprend d’ailleurs qu’un trou de 30 mètres de profondeur sera creusé pour installer les fondations du nouveau bâtiment, aménagement qui n’existait pas dans l’original. Jusqu’où iront les « infidélités » de cette nature ? Quid également de la compétence

de cette SMBR (Société Méditerranéenne de Bâtiment et de Rénovation) dont la notoriété n’a pas encore dépassé les frontières de l’Hexagone ? Colas, il est vrai, n’a aucune expérience en matière de réhabilitation de monuments, et est bien inspiré de recourir à un sous-traitant. Mais son choix est-il le bon ? Rien n’est dit par ailleurs des délais d’exécution des travaux, et si l’on en croit LOI, « la structure de renforcement et le remontage des pierres devraient commencer en principe vers la fin 2007. Les travaux de réhabilitation devraient durer vingt-six mois, jusqu’en juin 2008 ». Comme on l’aura constaté, on ne parle que de la muraille extérieure de pierre et on tait la reconstruction du contenu qui est un immense palais de bois (environ 40 mètres de hauteur sur trois niveaux) qui est quand même l’élément principal de la construction.

On attend donc des informations de nature à éclairer le public sur les travaux de rénovation. Onze ans après le terrible incendie, doit-on encore entretenir autour de ce palais un épais …rideau de fumée ?


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