Voilà une grande question de biologie qui n'a pas vraiment de réponse : chez les animaux, copuler augmente-t-il le risque de se faire manger par un prédateur ? Les scientifiques pressentent que la réponse est un "oui" car faire la bête à deux dos cumule trois handicaps : on est un peu occupé et la vigilance baisse ; même collés l'un à l'autre, on est plus visible à deux qu'à un seul ; et une fois que le mâle a grimpé sur la femelle, les stratégies de fuite deviennent tout de suite moins efficaces... Voilà pour les arguments théoriques. Mais les biologistes doivent bien reconnaître qu'ils manquent d'exemples concrets pour les éprouver.
C'est dans un numéro de juillet de la revue Current Biology qu'une équipe allemande a apporté une confirmation à cette hypothèse, tout en résolvant une énigme, celle de la mouche et du vespertilion de Natterer. Autant la première bestiole est connue de tous, autant la seconde mérite une description. Il s'agit d'une petite chauve-souris insectivore de nos contrées, qui ne pèse qu'une poignée de grammes. Il y a énigme car si on sait que les mouches constituent son plat favori, on ignorait jusqu'à présent comment elle les repérait.En effet, les détecter grâce au système d'écholocation des vespertilions s'avère une mission impossible : le faible écho renvoyé par une mouche posée ressemble à un parasite sur le sonar des chauves-souris. Même quand les diptères marchent, ce déplacement ne déclenche pas l'attaque des chiroptères. Les chercheurs allemands en ont eu la preuve en équipant de caméras infrarouge une étable peuplée de vespertilions. Pendant treize nuits étalées sur quatre ans, ils ont comptabilisé 8 986 mouches marchant au plafond - il faut être précis et patient en science - et aucune n'a été prise pour cible.
Sonar
Si les mouches ne faisaient que marcher, tout irait bien pour elles. Leur problème, c'est qu'elles forniquent. Et, selon cette étude, une fois sur vingt, c'est à ce moment-là que les mammifères ailés leur tombent dessus, avec une précision et une efficacité impressionnantes puisque, dans presque 60 % des cas, M. et Mme Mouche se font avaler dans un très joli coup double. Restait à comprendre comment ils étaient repérés. Supposant d'abord que la plus grande taille du duo favorisait leur localisation grâce au sonar, les chercheurs ont placé 35 couples de mouches mortes en position de copulation - probablement en se demandant comment ils résumeraient leur journée lors du dîner en famille - et ils ont attendu. Rien ne s'est passé et le mystère s'est épaissi.
Jusqu'à ce que ces biologistes s'aperçoivent que la mouche mâle, une fois montée sur la femelle, émettait en battant des ailes une très particulière rafale sonore de "clics", qui, à nos oreilles, se traduirait par un léger "bzz" de moins de trois secondes. Le temps de dire "Oh oui ! Oh oui ! Oh oui ! Oh toi, toi, toi !". Pour s'assurer que c'était bien ce bruit qui provoquait l'attaque des vespertilions, les biologistes l'ont enregistré puis diffusé dans l'étable. Les chauves-souris se sont alors mises à voleter autour du haut-parleur, l'ont inspecté et ont même tenté d'en grappiller un morceau. D'après l'étude, elles ne réagissent qu'au bourdonnement des mouches qui s'accouplent et pas à celui des mouches qui volent.
Jusqu'ici on connaissait les voyeurs. Il y a désormais les entendeurs. La mouche Thérèse, tais-toi quand tu "bzz".
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