Sunday, September 23, 2012

Peintures haute couture


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DES PAYSAGES VIBRANTS, où lumière et couleurs composent des motifs proches de l'abstraction qui palpitent sur la rétine... Dans la mémoire culturelle collective, l'impressionnisme renvoie surtout à des représentations de nature. La nouvelle exposition du Musée d'Orsay ramène pourtant ses peintres à la ville, et les présente en fins observateurs de la vie parisienne, de ses jeux d'élégance et d'apparat. Manet, Monet, Degas, Renoir, Caillebotte et d'autres coiffent ici la casquette inédite de chroniqueurs d'un style et d'une époque. Et célèbrent à travers leurs œuvres une des grandes heures de la culture française.
"L'impressionnisme et la mode naissent en même temps, explique Guy Cogeval, directeur du Musée d'Orsay et commissaire de l'exposition. En cette fin de XIXe siècle, les revues de mode apparaissent et les grandes plumes y signent, souvent sous pseudonyme, comme Stéphane Mallarmé. On prend alors conscience que cette discipline a un rôle à jouer dans la culture et la civilisation. Jusqu'à aujourd'hui, personne n'avait jamais organisé cette confrontation évidente entre deux visages de la culture française." Trois des plus importantes institutions du monde ont joint leurs efforts (le Musée d'Orsay à Paris, le Metropolitan Museum de New York et l'Art Insitute de Chicago) pour organiser cette rencontre attendue. L'événement, aux allures de superproduction, associe aux tableaux de maîtres une trentaine de robes tirées des collections des musées de la mode parisiens. La scénographie de Robert Carsen, metteur en scène de théâtre et d'opéra, achève la symphonie des disciplines.
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Pour l'occasion, le Metropolitan Museum de New York a mis à disposition des oeuvres rarement prêtées, comme le portrait de Madame Charpentier et ses enfants (ci-dessus), de Renoir (1878).
Crédits : Patrice Schmidt
L'EXPOSÉ SCOLAIRE EST EXCLU. On plonge ici dans une revue esthétique en trois dimensions, rédigée par des artistes de haut vol. Dans un Paris où la géométrie haussmannienne prend à peine ses aises, les grands noms de l'impressionnisme naissant saisissent des instantanés inoubliables : un groupe de messieurs en habits noirs et hauts de forme pris par la fièvre de la Bourse, des élégantes en longues robes corsetées et sinueuses qui s'apprêtent à sortir, un couple qui déambule à l'abri d'un parapluie sur les grands boulevards, une pause dans un jardin ombragé, une scène intime dans un boudoir ou un salon meublé dans le goût de l'époque...
"Les impressionnistes ne sont pas les seuls artistes à s'intéresser à la mode, poursuit Guy Cogeval, mais eux seuls s'intéressent à l'homme et à la femme en mouvement. Dans leurs oeuvres, on lit le passage du vêtement, la façon dont il s'articule sur le corps, la plissure d'une matière, le jeu des rayures. On est loin de la peinture académique, plus froide et distante. On retrouve plutôt la tradition des portraits de Gainsborough et Van Dyck : la fin du XIXe siècle marque un regain d'intérêt pour la peinture du XVIIIe." Observations sensibles et sens du détail minutieux signent des scènes de mode impressionnistes où l'on sent le poids des étoffes. On entend presque crisser les soies. Les bouillonnés complexes et patiemment marqués au fer sur la traîne d'une robe du soir donnent le tournis. Teintes, textures, transparences : rien n'échappe à l'oeil de ces artistes qui achèvent de sculpter les silhouettes à coup de jeux de lumière subtils.

Les fidèles du Musée d'Orsay apprécieront de découvrir cette autre facette de l'impressionnisme à travers des oeuvres rarement déplacées et prêtées par de grands musées (Nana, de Manet, venue de la Kunsthalle de Hambourg ou le portrait de Madame Charpentier et ses enfants de Renoir, exceptionnellement emprunté au Metropolitan Museum). Ceux qui s'intéressent à la mode pourront, eux, découvrir une autre façon de croquer les tendances. Sans top-modèle, sans couturier star, sans miracle numérique.

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